Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave
Autres titres: Ton vice est une pièce fermée dont moi seul ait la clé / Your vice is a locked door and only I have the key / Excite me
Real: Sergio Martino
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 97mn
Acteurs: Luigi Pistilli, Anita Strindberg, Edwige Fenech, Ivan Rassimov, Franco Nebbia, Nerina Montagnani, Daniela Giordano, Ermelinda De Felice, Marco Mariani, Dalila Di Lazzaro, Enrica Bonaccorti...
Résumé: Le comte Oliviero Rovigny est un écrivain déchu et alcoolique qui n'a plus écrit depuis la mort de sa mère qu'il vénérait. Il aime maltraiter et humilier en public son épouse Irene lors d'orgies qu'il organise. Depuis quelques temps, un tueur en série sévit dans la région. Il a déjà assassiné Fausta, une des nombreuses maitresses de Oliviero, et la servante noire du couple. Oliviero est fortement suspecté par la police. Débarque alors Florina, la nièce délurée du comte. Outrée de voir la façon dont son oncle traite sa femme elle devient son amante et confidente. Pendant ce temps l'assassin de Fausta a été arrêtée alors qu'il assassinait une prostituée. Cependant, une silhouette menaçante rode toujours aux alentours du manoir du comte et semble s'intéresser à Florina qu'il espionne subrepticement. Il y a cependant eu un témoin à tous ces meurtres, Satanas, le chat noir du comte dont Irene a une peur bleue. De plus en plus effrayée par son mari qu'elle pense être le véritable coupable, elle projette de le tuer en l'emmurant dans la cave après avoir tué le chat...
Réalisé juste après La queue du scorpion Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave fait partie des nombreuses adaptations du Chat noir de Edgar Allan Poe qui pourrait bien en être une des plus fidèles adaptations. Sergio Martino en fait un giallo dans lequel on retrouve les ingrédients propre aux films de Dario Argento où se mêlent les éléments typiques des oeuvres du romancier. Le mélange est ici parfait. Dés l'ouverture du film se crée une atmosphère à la fois étrange et pesante, un sentiment de peur diffuse, une ambiguïté qui baigne dans un climat maladif de folie tout aussi diffuse que cultivent les deux personnages principaux, le comte Oliviero, un écrivain déchu et alcoolique qui vit dans l'obsédant souvenir de sa mère décédée et son épouse, Irene, terrorisée et battue par son mari.
C'est dans ce contexte dramatique qu'un mystérieux tueur assassine une des amantes du comte et la servante du couple. L'écrivain est le premier suspect. Tout le désigne en effet comme coupable. Seul témoin des crimes, le chat noir d'Oliviero, Satanas, dont Irene a une peur bleue. Elle maudit ce chat qui la terrorise. Débarque alors la plantureuse Florina, la nièce du comte, en qui Irene trouve non seulement une confidente mais aussi une amante. Mais à quel jeu perfide joue exactement Florina en se servant ainsi de ses charmes? Si le tueur présumé est enfin arrêté par la police, le comte semble sombrer dans une irréversible folie qui le transforme en monstre. A bout de nerfs, Irene projette de l'emmurer dans la cave. Après avoir pris soin de se débarrasser du chat qui pourtant semble toujours en vie, hantant les couloirs, déchirant le silence de la nuit de ses miaulements vengeurs, Irene exécute son plan diabolique. Dans cet imbroglio d'êtres machiavéliques et torturés, le fou n'est pourtant pas toujours celui qu'on croit. C'est le chat qui lors d'un final époustouflant d'une infinie cruauté dévoilera l'identité du véritable coupable.
Il tuo vizio è una stanza chiusa... est une parfaite illustration des dangereux jeux de la perversion et de la folie qui finissent toujours par absorber les véritables personnalités, ici celle du comte qui perd toute sa lucidité en s'adonnant à ces jeux d'ombres et de lumières où personne n'est ce qu'il semble être. Chaque détail de cette perfide mascarade est mathématiquement calculé. C'est sur un véritable échiquier que se déroule ce terrible complot que déjouera lors des ultimes minutes ce chat aux yeux luisants. Il est le petit grain de sable qui fera éclater au grand jour tout le diabolisme des différents protagonistes.
Prenant pour cadre un magnifique manoir situé à Montagnana en Vénitie, froid et décadent, dont le décor rappelle aux personnages leur glorieux passé, Il tuo vizio è una stanza chiusa... dont on appréciera les divers rebondissements bénéficie d'une réalisation efficace, sans faille, alerte et incisive ponctuée par une magnifique partition musicale composée par Bruno Nicolaï. Aux éléments de l'horreur gothique italienne (orage s'abattant sur le manoir, ombres inquiétantes et portes qui claquent, héroïne apeurée, noir félin) se greffe la violence des meurtres (égorgements au rasoir, lacération des chairs, l'acharnement avec lequel Irene crève les yeux du chat avec un ciseau) et un érotisme léger teinté d'une touche de saphisme qui par instant rappelle les sexy gialli de Lenzi.
L'interprétation est ici excellente et contribue beaucoup à la bonne marche du film. Luigi Pistilli qui endosse la peau de cet écrivain fou et dépravé rappelle par moment Jack Nicholson dans Shining notamment lors de l'angoissante scène de la machine à écrire. On soulignera le jeu stupéfiant de la toujours altière Anita Strindberg, épouse maltraitée et effrayée, véritable martyr et pseudo-victime qui symbolise à la perfection terreur et désespoir jusqu'au retournement de situation final. On n'oubliera pas la somptueuse Edwige Fenech à la fois trouble et vénéneuse malgré une coupe de cheveux improbable et aucune scène de nue véritable dans un rôle de second plan qui apporte au film son indispensable dose d'érotisme. Ivan Rassimov, coiffé d'une surprenante perruque blanche, est égal à lui même, toujours aussi inquiétant. Les amateurs reconnaitront une toute jeune Dalila Di Lazzaro le temps de quelques minutes seulement, dansant nue sur une table lors des bacchanales qui ouvrent le film. Le véritable héros du film reste cependant ce chat noir sinistre qui symbolise la peur, le remord et la conscience de chacun.
Il tuo vizio è una stanza chiusa... malgré ses improbabilités et son aspect prévisible fait cependant partie des meilleurs gialli qu'ait tourné Sergio Martino , un intéressant mélange de genres à la croisée du film gothique à l'italienne, du giallo à la Argento et du sexy giallo à la Lenzi dont le motus operandi morbide est ici la jalousie et la haine conjugale.
A signaler à titre anecdotique que le titre du film provient du premier giallo qu'ait réalisé Martino, L'étrange vice de Mme Wardh, dans lequel Edwige Fenech griffonnait sur un morceau de papier cette phrase.