Si puo essere piu bastardi dell'ispettore Cliff?
Autres titres: Piège pour un tueur / Super bitch / Blue Movie Blackmail / Mafia Junction / Persepolis Junction /Escort Service / Servizio di scorta / Mamma la turca
Real: Massimo Dallamano
Année: 1973
Origine: Italie / Angleterre
Genre: Polizesco / Noir / Action
Durée: 93mn
Acteurs: Ivan Rassimov, Stephanie Beacham, Patricia Hayes, Luciano Catenacci, Verna Harvey, Giacomo Rossi Stuart, Ettore Manni, Cec Linder, Leon Vitali, Ben Carra, Giancarlo Prati, James Bates, Tutte Lemkov...
Résumé: L'inspecteur Cliff, un agent d'interpol, est chargé de démanteler un réseau international de drogue dirigée par la redoutable Mamma Turca et ses fils. Cliff s'infiltre donc dans la filière et élimine un à un de manière bien peu orthodoxe les membres de l'organisation. Il est aidé par sa petite amie, Joanne, qui sous le masque d'une fille de joie piège les diplomates véreux impliqués dans ce trafic. Cliff finit par affronter Mamma Turca mais ce que tout le monde ignore c'est qu'il a une idée bien précise en tête: garder la drogue pour lui et toucher l'argent
Ex-chef opérateur de Sergio Leone, Massimo Dallamano débuta une carrière de réalisateur plutôt hétéroclite dés 1967. Si le novice retiendra plus particulièrement ses deux gialli, l'incontournable Qu'avez vous fait à Solange et le moins abouti La lame infernale, on doit également à Dallamano toute une série de films tout aussi intéressants que divers que beaucoup ont trop tendance à oublier, Emilie l'enfant des ténèbres, un film de possession qui s'inspirait de Mario Bava, La fine dell'innocenza, délicieuse petite série érotique dans laquelle Annie Belle faisait ses grands débuts, l'excellent polar Quelli della calibro 38 ou
encore La belle et le puceau, une sulfureuse comédie adolescente. Si puo essere piu bastardi dell'ispettore Cliff?, très discrètement sorti en France sept ans après sa réalisation sous le titre Piège pour un tueur, fut quant à lui tourné entre Solange et La lame infernale.
Qui est donc cet inspecteur Cliff dont la perversité si bien évoquée dans le titre original est si difficilement égalable? Tout simplement un agent d'Interpol chargé de démanteler un réseau de trafiquants de drogue international mené par la redoutable Mamma turca et ses fils bien aimés. Cliff aidé par sa petite amie Joanne qui sous les traits d'une fille de joie de luxe est chargée d'entrainer dans ses griffes les diplomates véreux va se transformer en agent
double voire triple afin de mener à bien sa mission. Sans pitié ni remord il élimine à sa façon les divers membres de l'organisation avant d'affronter Mamma turca. Mais Cliff a un objectif secret: garder pour lui la drogue et empocher l'argent afin de mener une vie de rêve avec Joanne.
Ceux qui attendaient de Piège pour un tueur un véritable polizesco seront déçus tout comme ceux qui espéraient visionner un film noir, un film d'espionnage ou même un bon film d'action sous intrigue policière. En fait Dallamano a emprunté certains éléments à ces différents genres pour donner naissance à un film hybride proche de la parodie. Piège pour un tueur
n'est absolument pas un film sérieux et l'humour l'emporte très souvent sur la logique ou la cohérence. C'est donc plus sur le ton de la comédie que Dallamano traite avec désinvolture de surcroit son sujet d'où un film allègre, enjoué et souvent irrésistible car jamais lourd. Hauts en couleur, les personnages s'en donnent à coeur à joie, cabotinent avec délectation, donnant à l'ensemble un coté très bande dessinée. La palme d'honneur revient à la délicieuse Mamma turca, sorte de Ma Dalton, de Bloody Mamma, qui entre deux explosions de voix et un coup tordu, chérit ses fils, une bande de hippies qui lui chantent de douces chansons, cheveux aux vent. Du Liban à Londres en passant par Paris, Rome et New York, Dallamano nous promène au fil des missions de son agent fourbe dans des paysages plutôt
inhabituels pour ce type de films, transposant même l'indispensable scène de poursuite automobile dans le désert libanais. James Bond ou plutôt ses copies ne semblent pas être loin. En ressort un petit air de dépaysement tout à fait plaisant d'autant plus que le cinéaste les utilise toujours à bon escient et avec intelligence. Le coté atypique de Cliff, image même de l'anti héros, se marie donc parfaitement à cet aspect inattendu des différents lieux d'action.
Si on se délectera des savoureux dialogues savamment imprégnés d'un humour noir
hautement jouissif du moins dans la version originale qui multiplie les références au titre (on ne compte plus combien de fois Cliff se fait traiter de salop par ses victimes jusqu'à devenir un véritable leitmotiv) on appréciera également ce doux vent d'érotisme qui souffle tout au long du métrage. Dallamano enchaine en effet quelques jolis plans de nu, déshabillant sa principale héroïne, l'anglaise Stephanie Beacham alors installée en Italie, peu avare de ses charmes, offrant à l'objectif ses courbes généreuses et sa mémorable chute de reins notamment lors d'une scène d'amour avec l'inspecteur. Il y ajoute même une petite dose de perversion en intégrant au récit quelques touches orgiaques arrosées d'un léger zeste
d'homosexualité afin de nous rappeler combien est dépravée la haute bourgeoise, un thème alors fort à la mode dans le cinéma italien que Dallamano sut si bien traiter dans ses deux gialli. On ne sera donc pas si étonné de retrouver un vieux diplomate s'offrir les services d'une putain, grignotant entre autre chose une carotte déguisé en lapin avant de fondre sous le charme d'un jeune et bel éphèbe. C'est en suçant un esquimau de manière fort explicite que le jeune partenaire de Cliff le fera ensuite chanter après avoir visionné les pellicules compromettantes tournées à son insu, deux moments forts du film aussi drôles que malsains notamment celui de l'orgie romaine où apparait Luciano Catenacci en Néron. Tout
cela nous conduira vers un final aussi inattendu que cynique lors duquel Dallamano nous offrira la réponse posée par le titre original qui elle même se trouve dans le titre anglais.
Dernier atout de ce film méconnu du réalisateur mené par une partition aux agréables airs funky signée Riz Ortolani, une intéressante distribution qui met en avant Ivan Rassimov, toujours aussi taciturne, dans la peau de cet agent peu orthodoxe et particulièrement ambigu très inspiré de l'inspecteur Harry. Toujours aussi excellent, avec ce professionnalisme qui le caractérise, Rassimov traverse le film imperturbable, jouant avec adresse sur les différentes facettes de son personnage. Stephanie Beacham qui change de perruque comme on
change de culotte est quant à elle l'atout charme du film. Si son charme physique quelque peu particulier pourra dérouter on retiendra par contre ses nombreuses scènes de nu dans lesquelles elle dévoile un corps parfait donnant au film son titre anglais Super bitch, puisque passée maitre dans l'art de jouer les prostituées de luxe pour mieux coincer ses victimes. Elle partage avec Ivan Rassimov son ambiguïté car amoureuse à la fois de son patron, un homme d'âge mûr joué par le regretté Ettore Manni, et de Cliff, chacun fermant les yeux sur la relation qu'elle mène avec l'autre.
A leurs cotés, on reconnaitra Luciano Catenacci, une des gueules du cinéma Bis transalpin, Giacomo-Rossi Stuart et l'anglaise Patricia Hayes, ex-complice de l'imbuvable Benny Hill, irrésistible dans la défroque de la vieille Mamma turca. Signalons la présence au générique d'un jeune Leon Vitali, un des acolytes de Cliff, dont il sera difficile de ne pas tomber amoureux tant sa beauté fortement estampillée années 70 irradie l'écran. Gracile, les cheveux longs, moulé dans des pantalons pattes d'éph, qui nous rappellent qu'en ces années bénies les garçons portaient rarement de sous vêtements, vêtus de chemises à jabot, Leon séduira tous les amoureux d'une certaine époque glam qui faisait de l'androgynie
sa marque de fabrique. On retrouvera ce séduisant coté beatnick chez les fils de Mamma Turca, Giancarlo Prati et James Bates.
Certes on pourra reprocher à Piège pour un tueur son scénario souvent confus, peu clair, qui rend parfois la lecture du film difficile. Cela n'amoindrit cependant en rien le plaisir pris à sa vision. Dallamano, toujours aussi efficace dans sa mise en scène, signe un petit film parodique plein d'entrain, drôle, atypique, agrémenté d'une bonne dose d'érotisme, de violence mesurée, de quelques plans gore (le meurtre au Liban, celui dans le parc à Londres et la mort de Gamble) et de ce souffle hippie unique dans lequel tout le film baigne. Voilà un agréable divertissement à prendre au second degré que tant l'amateur que le novice découvriront avec plaisir.