Un beau brun pour deux ravissants blonds: Harrison Muller Jr, Bryan Rostron, Antonio Gismondo
Visages d'un jour visages de toujours, ce sont ces acteurs souvent anonymes, énigmatiques, qui telles des comètes ont traversé le ciel du cinéma de genre le temps d'une poignée de films, parfois même d'un seul. Une fois encore nous allons nous pencher sur trois nouveaux visages, trois jeunes comédiens qui malgré un passage éclair au grand écran, pour deux d'entre eux plus particulièrement, ont cependant à jamais marqué de leur empreinte l'univers du Bis italien. Intéressons nous donc aujourd'hui au ténébreux et séduisant Harrison Muller Jr, très certainement le plus connu parmi les bissophiles de base et à ses blonds confrères tout aussi séduisants mais bien plus mystérieux Bryan Rostron et Antonio Gismondo.
Fils de l'acteur-chanteur américain Harrison Muller Sr, frère cadet de l'actrice Nadia Cassini, la future divette de la sexy comédie italienne, oncle de l'actrice Kassandra Voyagis, la fille de Yorgo, Harrison Muller Jr est né à Woodstock, New York. Si Nadia part pour Rome en 1970 pour y débuter notamment une carrière d'actrice, c'est au début des années 80 que Harrison va suivre ses traces. C'est en Amérique qu'il tourne en 1982 son premier film. On le repère ainsi brièvement dans la comédie de Peter Sasdy The lonely lady aux cotés de Pia Zadora mais également de Kieran Canter, futur protagoniste de Blue holocaust de Joe D'Amato.
Harrison part alors pour Rome où profitant surtout de son lien de parenté avec Nadia il va durant sept ans enchainer films sur films, spécialisé dans un cinéma de genre alors en pleine agonie.
Après une courte apparition dans la comédie ecclésiastique Monsignor de Frank Perry, une coproduction italo-américaine avec notamment Tomas Milian et Christopher Reeves dans lequel il tient le rôle furtif d'un soldat Harrison va se retrouver à l'affiche de deux post nuke et de deux Heroic fantasy entre 1982 et 1984, des rôles de second plan certes mais qui vont de faire de lui un des derniers représentants d'un cinéma transalpin moribond, un visage
récurrent de productions de type Z dans lesquelles il joue souvent les méchants ou les mercenaires.
C'est avec l'amusant et original 2020 Texas gladiators de Joe D'Amato qu'il ouvre les hostilités. Il y interprète Jab un des guerriers de Peter Hooten, une occasion pour Harrison dont la barbe, les cheveux longs et le regard sombre conviennent tout à fait à ce type de personnage d'exhiber son torse sec mais musclé bien huilé. Il enchaine avec le médiocre Chevalier du monde perdu de David Worth dans lequel joue également son père. Harrison y endosse les habits d'un mercenaire le temps de quelques rapides scènes cette fois.
Toujours dans l'univers post apocalyptique il poursuit avec L'ultimo guerriero / Final executioner de Romolo Guerrieri dans lequel il tient le rôle de Erasmus, le vilain de service, un méchant tout de cuir noir vêtu, un élégant foulard blanc noué autour du cou, qui manie le sabre avec adresse. C'est vers l'Heroic fantasy qu'il se tourne ensuite en incarnant le diabolique Morak, le frère jumeau du bon Belial, dans Il trono di fuoco / L'épée de feu / Le retour du barbare de Franco Prosperi, un film essentiellement composé de scènes provenant de Gunan il guerriero et Sangraal auxquelles le cinéaste a rajouté de nouvelles séquences. Le choix d'Harrison fait aujourd'hui sourire son partenaire, le culturiste Pietro Torrisi, le Conan italien, tant sa maigre corpulence ne correspondait pas au rôle mais être le
frère de Nadia Cassini ouvre bien des portes avoue t-il. Harrison garde ses collants moulants et son épée mais se rase la barbe pour ensuite interpréter Dick, un des deux héros masculins d'un film farfelu hybride entre le post nuke et l'Héroic fantasy, She, de l'israelien Avi Nesher. Aux cotés de David Goss, son compagnon, il y donne la réplique à la puissante Sandhal Bergman. Pour terminer l'année 1984 en beauté Harrison obtient son second vrai grand rôle en tant que principal protagoniste après She. C'est à Fernando di Leo qu'il doit cet honneur, le célèbre cinéaste lui offrant donc la chance de jouer Mike Martin dans La race des violents, un mercenaire tout en muscles à la solde de Henri Silva qui part en mission
quelque part en Asie mettre fin à un trafic de drogue. Harrison court beaucoup, se démène, se bat, manie la mitraillette avec dextérité et trempe son débardeur gris pour le plus grand plaisir du spectateur peu exigeant amateur de série B voire Z d'action peu crédibles souvent drôles mais somme toute efficaces. Il fut question que Harrison alors sous contrat avec Ettore Spagnuolo, producteur de Race des violents, L'épée de feu et du futur Miami cops, soit ensuite le coprotagoniste de Killers vs killer, le film que réalisa Di Leo l'année suivante, mais c'est finalement à un tout jeune et encore inconnu Alberto Colajanni qu'échut le rôle.
Après un break de cinq ans Harrison revient à l'écran en 1989 le temps de deux petits polars
de fin de parcours d'une insipidité totale, Miami cops de l'infatigable Alfonso Brescia tourné aux USA et La vendetta de l'inénarrable et médiocrissime Leandro Lucchetti. Ce sera pour Harrison son chant du cygne. Il met un terme définitif à sa carrière d'acteur et repart s'installer à New York où il vit encore aujourd'hui, loin du monde du show bizz. Marié, Harrison y a commencé une toute nouvelle vie sur laquelle il reste particulièrement discret, loin des indiscrétions, ne souhaitant guère revenir sur son passé de comédien qui au final ne fut qu'une parenthèse.
Ni plus mauvais ni meilleur que n'importe quel autre acteur de cette époque, il est injuste de dire que le seul titre de gloire qu'ait eu Harrison fut d'être le frère de
Nadia Cassini, une facilité qui certes lui ouvrit les portes de Cinécitta. Harrison comme beaucoup de ses confrères d'alors, cette vague de comédiens arrivée dans les années 80, a su défendre tant bien que mal un cinéma italien moribond qui l'a à sa manière tout simplement incarné. S'il n'aura pas laissé son empreinte dans l'univers du 7ème art il aura tout de même su marquer les esprits bissophiles tout en devenant une incontournable gueule de ce type de cinéma. N'est ce pas déjà là une belle récompense d'autant plus belle que l'amateur est toujours aussi enjoué de voir Harrison jouer les méchants de pacotille.
Né en 1948 à Johannesbourg Bryan Rostron n'a jamais réellement envisagé de faire carrière au cinéma. Son passage éclair devant les caméras fut surtout et avant tout une opportunité, une aubaine qui l'aida à réaliser son rêve d'un jour écrire et se lancer définitivement dans le journalisme freelance. Bryan quitte l'Afrique du Sud en 1970 et commence à voyager autour du monde. Il s'installe notamment à Londres et New York puis part pour Rome en 1974. C'est à cette époque qu'il fait ses premières apparitions au grand écran en tant que simple figurant la plupart du temps, sa blondeur naturelle lui réservant très souvent des rôles d'allemand et
de scandinave. L'oeil exercé de l'amateur le reconnaitra ainsi dans Le désert des tartares de Valerio Zurlini et surtout dans La fiancée de l'évêque une comédie à sketches signée Luigi Comencini, Luigi Magni et Nanny Loy dans laquelle, le temps d'un long baiser sur le perron de Nino Manfredi, il est l'ami suédois de Jinny Steffan. Il passe par la case télévision en participant tout aussi furtivement au téléfilm La gabbia et à la série Sotto il placido Don. En 1978 Bryan va tourner trois films consécutifs. Il fait un très rapide passage chez Enzo Castellari sous l'uniforme d'un officier dans Les 7 salopards. Il est ensuite Jimmy le séduisant photographe d' Emanuelle et les filles de Mme Claude. C'est là son premier
véritable rôle puisque pour la première fois il comptabilise quelques cinq minutes de présence à l'écran le temps d'un shooting mais surtout de faire l'amour avec Laura Gemser dans sa chambre noire, une séquence dans laquelle il perd pantalon et caleçon vite baissés par Emanuelle qui lui offre ensuite son sexe. Après cet intermède érotique Bryan obtient ce qui restera son seul et unique grand rôle au cinéma, celui de Rudy, le mercenaire de Ecorchés vifs signé Mario Siciliano, un film d'aventures de pure exploitation situé justement en Afrique particulièrement raciste comme on ne pourrait plus en envisager aujourd'hui surfant sur la vague d'infamies jouissives telles que l'impensable et excellent Mandinga. Des
bras de Laura Gemser Bryan passe ici dans ceux d'une autre grande spécialiste de l'érotisme pimenté, la blonde Karin Well, lors du prologue et de quelques flash backs.
Ce sera son ultime apparition au grand écran, de façon plus générale sa dernière participation au septième art. Bryan se retire définitivement des feux de la rampe pour se consacrer au journalisme et à l'écriture. Durant sa longue carrière de journaliste freelance Bryan écrira notamment pour le New York times, le London sunday times, The Guardian. Il sera aussi correspondant pour le Statesman et écrira pour de nombreux journaux sud africains. Il est aussi l'auteur de quelques romans à succès qui traitent des problèmes que
rencontre l'Afrique du sud. Bryan est retourné vivre en Afrique du Sud en 1996 après vingt ans d'absence à voyager autour du globe.
En 2005 il écrit une pièce, une comédie intitulée Now now dirigée par Roy Sargeant et jouée sur les scènes du Cap.
Mais son plus gros succès reste le livre qu'il publia en 2019 sur l'affaire Robert McBride, Robert McBride the struggle continues, un best seller mondial salué par la critique.
A 70 ans, Bryan n'a pas changé. Toujours aussi blond, toujours aussi séduisant malgré les rides il a gardé ce charme qui le caractérisait jadis et qu'on a toujours plaisir à voir et revoir à travers ces quelques pellicules qui ont jalonné une brève partie de sa vie.
Bien plus énigmatique est Antonio Gismondo, autre blond séducteur au regard reptilien, puisque de ce jeune comédien on ne sait absolument rien. Il fait partie de ces météorites qui ont brièvement traversé le ciel du cinéma d'exploitation transalpin pour aussitôt s'évaporer dans le néant aussi vite qu'elles étaient apparues. Et ce ne sont ni ses partenaires avec qui il a joué, soient elles aussi disparues soit victimes d'amnésie, ni sur les rares réalisateurs aujourd'hui décédés avec qui il a travaillé qui n'en gardèrent aucun souvenir. Mais peut on les blâmer puisque Antonio n'a au bout du compte véritablement jouer que pour un seul et
unique metteur en scène, Mario Pinzauti, ses autres interprétations se bornant à de fugaces apparitions à la limite de la simple figuration.
On repère pour la première fois Antonio Gismondo en 1973 dans la version de Croc Blanc de Lucio Fulci dans laquelle, non crédité, il est un des anonymes habitants de la petite ville minière que l'oeil exercé de l'amateur chevronné s'amusera à reconnaitre. Il apparait furtivement caché derrière Daniel Martin lors de la scène où Croc Blanc tue le chien de John Steiner puis une seconde fois tout aussi rapidement parmi la foule qui assiste au combat du célèbre chien contre un ours, le jeune homme en chapeau et cravate qui hurle "Vas-y tue le!"
Son heure de gloire Antonio la doit donc à Mario Pinzauti qui trois ans plus tard, en 1976 en fait le protagoniste masculin de deux pépites de l'exploitation italienne tournées simultanément avec la même équipe et quasiment la même distribution Emmanuelle bianca e nera et Mandinga. Fils de Serafino Profumo et fiancé de Malisa Longo alias Emmanuelle, un de ses rôles les plus sadiques, il se dresse dans le premier film contre le racisme dont fait preuve Malisa après qu'une esclave noire, l'érythréenne Rita Manna, lui ai sauvé la vie. Dans le second, il est le jeune amant de l'impitoyable Paola D'Egidio, tout aussi nauséeuse que Malisa dans le chapitre précédent. Si dans Emmanuelle bianca e nera Antonio restait
assez sage dans les séquences de sexe, il en va tout autrement dans Mandinga où Pinzauti le déshabille enfin lors de torrides scènes d'amour, dévoilant enfin malheureusement trop furtivement l'objet de tous les désirs notamment lors d'une longue scène de douche et la séquence aujourd'hui mythique sinon culte où face à deux esclaves noirs enchainés qu'elle a préalablement humilié et violenté, Paola D'Egidio exige qu'Antonio la "baise" devant eux.
Après cette incroyable et nauséeuse incursion dans l'univers de l'esclavagisme, Antonio fera une toute dernière apparition au grand écran l'année suivante dans Emanuelle... perche violenza alle donne / Emanuelle autour du monde de Joe D'Amato. Il y interprète Roberto, un
des deux jeunes séducteurs à la chevrolet blanche chargés de faire tomber Laura Gemser dans un piège tendu par les hommes pour qui ils travaillent. Le temps de quelques scènes extérieures et d'un diner au restaurant, Antonio, en costume cravate, la frange impeccable, l'oeil de velours, illumine l'écran de sa beauté juvénile. Ce sera son ultime apparition au grand écran. Antonio Gismondo disparaitra par la suite sans laisser de trace si ce n'est son indélébile empreinte dans deux des plus nauséabondes pellicules d'exploitation du cinéma italien, typiques de cette époque propre à tous les excès, aujourd'hui inconcevable. Est ce là
un honneur, est ce là une honte? Si c'en est une il fait alors vraiment bon d'avoir honte! Plutôt doué, faisant preuve d'un certain talent de comédien et d'une indéniable présence il est surprenant que le bel Antonio n'est pas souhaité poursuivre sa carrière après ces quatre années éclair. Gageons que comme pour beaucoup d'autres acteurs éphémères ce ne fut pour lui qu'un distrayant intermède dans sa vie, une parenthèse que l'amateur adorera ouvrir et réouvrir régulièrement étourdi par cet Eros aux yeux de souffre, excité par l'aspect aussi malsain que raciste des pellicules auquel son nom est à jamais associé.