La calandria
Autres titres: Don't peek under my skirt I'm a man
Real: Pasquale Festa Campanile
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Décamérotique
Durée: 95mn
Acteurs: Lando Buzzanca, Agostina Belli, Barbara Bouchet, Maria Grazia Spina, Salvo Randone, Mario Scaccia, Cesare Gelli, Giusi Raspani Dandolo, Toni Ucci, Giuliana Calandra, Franco Fantasia, Clara Colosimo, Lorenzo Piani, Stefano Oppedisano...
Résumé: Véritable Don Juan, Lidio est surpris en flagrant délit d'adultère avec l'épouse du duc Ferruccio. Condamné à être enchainé en place publique, Lidio remarque une superbe jeune fille, Fulvia, la femme encore innocente de Calandro, un vieil impuissant. Lorsque Ferruccio lui propose de faire de Fulvia sur qui il a des vues une femme, Lidio accepte d'autant plus que s'il réussit il sera libre. Il a un mois pour mener à bien sa mission salvatrice. Afin de l'approcher mais surtout de la courtiser Lidio se fait passer pour Madame Aurora, spécialiste en leçons de vie. Aurora s'installe chez Calandro. Tout irait pour le mieux si Calandro ne tombait pas follement amoureux de Aurora et si le subterfuge n'était pas découvert par une des servantes...
Journaliste, scénariste de nombreux films à succès, réalisateur éclectique Pasquale Festa Campanile a tout au fil de sa longue et prospère carrière touché à quasiment tous les genres, de la comédie à la satire en passant par le drame, l'exploitation (le rape and revenge) et le film en costumes. C'est de ce dernier que se rattache La calandria très souvent classé dans la catégorie des décamérotiques. Réalisé en 1972 alors que ce sous genre du cinéma érotique est à son apogée, La calandria est en fait un habile mélange de décamérotique et de comédie en costumes à l'italienne. Campanile délaisse simplement les contes de Boccace pour mieux s'intéresser aux écrits du cardinal Bernardo Novizi di Bibbiena revus et corrigés par Lando Buzzanca, acteur élevé au rang national et comédien alors le mieux payé d'Italie, qui s'approprie entièrement l'histoire pour s'en faire un film sur mesure.
Lidio, un invétéré Don Juan, a pris pour amante Lucrezia, l'épouse de Ferruccio duc de Norcia. Le duc le surprend et le condamne à être enchainé sur la place publique. Durant son supplice Lidio remarque une superbe et timide jeune fille, Fulvia, la femme de Calandro, un vieil impuissant qui pour tenter de guérir s'en remet aux manigances d'un charlatan nommé Ruffo. Ferruccio qui a des vues sur Fulvia passe un marché avec Lidio. Il sera libre si au bout de trente jours il parvient à faire de Fulvia une véritable femme. Lidio voit dans cet accord la chance d'approcher Fulvia et surtout de la courtiser. Afin de n'éveiller aucun soupçon, Lidio se travestit et prend l'apparence de Madame Aurora, spécialiste des bonnes manières et en leçons de vie. Il s'installe chez Calandro et commence à donner ses cours mais il n'avait pas prévu que Calandro tombe amoureux de Aurora! Il n'avait pas prévu non plus que son stratagème soit découvert par une des servantes qui le fait alors chanter. Il doit la combler chaque nuit et se voit vite contraint, vu ses extraordinaires prouesses sexuelles, de satisfaire les autres domestiques et amies des domestiques tout en assurant sa virilité auprès de Fulvia à qui il finit par dévoiler son identité. Comme un malheur n'arrive jamais seul la mère de Calandro soupçonne Aurora d'être un imposteur. Il doit donc s'inventer un frère et passer d'un costume à l'autre. Comble de malchance, Calandro désespéré que Aurora ne cède pas à ses avances lui demande de quitter sa maison. Lidio finit par accepter de se donner à lui. Il doit maintenant trouver un moyen pour ne pas aller jusqu'au bout. Pour se faire il fait appel à Ruffo avec qui il échafaude un brillant stratagème grâce à une pierre supposée magique. Débarrassé de Calandro Lidio doit maintenant faire face à Ferruccio qui a découvert qui a découvert que Aurora et lui ne faisait qu'une seule et unique personne. L'accord tombe à l'eau puisqu'il n'était pas prévu que Lidio tombe amoureux de Fulvia et la vole ainsi au Duc. Lucrezia n'accepte pas non plus que son amant d'une nuit l'abandonne pour Fulvia. Le malheureux Don Juan subira la pire des punitions. Il se retrouve enchainé nu à un poteau de torture, contraint de rester immobile sur la pointe des pieds, le sexe attaché à une cordelette. S'il pose les pieds à plat la cordelette tranchera son pénis que Lucrezia s'amuse à exciter en l'embrassant, le caressant et le chatouillant. Epuisé Lidio finit par poser les pieds au sol. Désormais eunuque, il entre à la chorale de l'église sous l'oeil ravi de ses conquêtes et du duc qui l'écoutent chanter!
Campanile quitte le moyen-âge et s'installe à la Renaissance, Campanile ou plutôt Buzzanca puisque La calandria est un véritable show mené d'un bout à l'autre du métrage par l'acteur qui reprend une fois de plus son rôle fétiche, celui qui l'a joué quasiment tout au long de sa prodigieuse carrière, celui d'un Don Juan joliment doté par Mère Nature, véritable étalon reconnu pour ses fabuleuses performances sexuelles. Autant dire qu'ici Buzzanca s'est écrit un rôle taillé dans le roc. De la décamérotique on retrouve quelques éléments tels que le cocufiage si cher à Boccace et les stratagèmes inventés afin de pouvoir tromper des maris impuissants souvent sexagénaires ou même plus âgés, quelques situations également, l'utilisation d'une pierre d'invisibilité déjà vue dans le Boccaccio de Corbucci et la présence de l'effet scatologique indispensable depuis le Décameron de Pasolini, les boules d'excréments lancées au visage de Lidio qu'il sera contraint d'avaler. Mais c'est surtout à la comédie à l'italienne que le film de Campanile emprunte la majorité de ses composants. Tout repose sur le travestissement, sur le double personnage Lidio/Aurora qui par la force des choses va entrainer toute une folle série de quiproquos, de mésaventures et autres circonstances compromettantes, fâcheuses ou cocasses dont Lidio va devoir se sortir avec ingéniosité et malice. Il n'y a rien de très original. L'intrigue est classique. La calandria ne sortirait guère du lot des comédies en costumes s'il ne possédait pas de nombreuses qualités.
La réalisation alerte de Campanile ne laisse place à aucun temps mort. Dés les premières minutes il démarre sur les chapeaux de roue pour ne plus arrêter de multiplier les aventures et autres équivoques jusqu'aux ultimes et cruelles minutes. Inutile de dire que l'ennui n'a pas ici sa place. L'interprétation est tout particulièrement joyeuse et parvient à faire oublier que la plupart des gags et situations ont été déjà moult fois vues et revues. Fraiche, guillerette, enlevée, cette comédie pleine d'humour jamais vraiment vulgaire capte facilement l'intérêt du spectateur souvent hilare du moins tout sourire face aux péripéties d'un Lidio qui par instant rappelle les facéties d'un Benny Hill italien. On retiendra la prestation de l'excellent Salvo Randone dans le rôle du pauvre Calandro. Mario Scaccia et Cesare Gelli sont tout aussi délicieux dans la peau respective de Ruffo le médecin charlatan et de Ferruccio. La distribution féminine est tout aussi alléchante même si peu présente du moins moins présente que dans une décamérotique pure. Une toute jeune Agostina Belli, magnifique, nous offre quelques splendides nus aux cotés de notamment de la charnelle Maria Grazia Spina et de la future héroïne de Profondo rosso Giuliana Calandra. Notons également l'interprétation de Giusi Raspasi Dandolo sous la coiffe aberrante de la mère de Calandro. Quant à Barbara Bouchet si elle est annoncée en tête d'affiche, elle n'apparait cependant que très peu dans le film à la grande déception de ses admirateurs.
C'est essentiellement la prestation nerveuse de Lando Buzzanca dans tous ses états qui donne au film sa force, toute son énergie, un tour de force puisque La calandria repose entièrement sur ses épaules. Le pari est tenu. Il s'en sort haut la main, extraordinaire en tant que Lidio mais surtout sous la perruque et le maquillage de Aurora, sorte de monstre poudrée hybride entre Madame Doubfire et Jean-Pierre Castaldi.
Le final amer et sadique non seulement apporte une ultime touche d'intérêt mais il renoue aussi avec la tradition de la décamérotique où les amants éconduits, les Don Juan insatiables et autres invétérés coureurs de jupons finissent castrés, très souvent de façon effroyable. La cruauté du châtiment est cependant contre balancée par les jolies images finales pleine d'ironie d'un Lidio transformé en enfant de choeur à l'église locale.
Inédit en France, malheureusement oublié des chaines télévisées italiennes qui le diffusent très rarement, la plupart du temps de nuit, La calandria dont on appréciera l'entêtante et enjouée partition musicale et sa chanson phare est une agréable et distrayante comédie en costumes teintée de décamérotique qui fera sans nul doute le bonheur des amateurs du genre.
Pasquale Festa Campanile tournera la même année une deuxième décamérotique, Jus primae noctis, toujours avec Lando Buzzanca, cette fois sadique et pervers, et Renzo Montagnani période pré-comédies populaires avec lequel il forme un formidable duo, Montagnani étant alors un des acteurs qui pouvait facilement rivaliser avec la verve de Buzzanca.