Emanuelle bianca e nera
Autres titres: Black Emmanuelle White Emmanuelle / Emmanuelle blanca y negra / Passion plantation
Réal: Mario Pinzauti
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Erotique / Drame
Durée: 80mn
Acteurs: Malisa Longo, Antonio Gismondo, Rita Manna, Serafino Profumo, Percy Hogan, Attilio Dottesio, Achille Antonaglia, Lino Caruana...
Résumé:
Emmanuelle, riche héritière d'une plantation de coton, y règne en maître, laissant libre cours à son sadisme et ses pulsions racistes. Elle est fiancée à Lorenzo, fils d'un riche propriétaire d'une plantation voisine. Emmanuelle découvre un jour que Lorenzo est attiré par une jeune servante noire, Judith mais dont le vrai nom est aussi Emmanuelle, qui l'a sauvé d'une mort certaine après qu'un serpent l'ait mordu. Folle de rage et de haine, Emmanuelle aura recours aux pires méthodes pour se débarrasser de cette rivale de couleur. Viols, tortures, sadisme, rien n'arrêtera Emmanuelle qui apaisera ainsi ses plus vils instincts...
L'Italie a toujours adoré reprendre les grands succès du cinéma pour en donner le plus souvent sa version sous l'angle de l'exploitation. C'est ainsi que le désormais célèbre mondo de Gualtiero Jacopetti Addio zio Tom / Les négriers qui décrivait avec férocité la traite des noirs et l'esclavagisme au début du siècle va cette fois se marier à un succès international de l'érotisme, Emmanuelle, que Bitto Albertini avait déjà repris en créant le personnage de Black Emmanuelle interprété par Laura Gemser. Joe D'Amato reprendra par la suite le flambeau et réalisera toute une série de films dont Emanuelle sera l'héroïne récurrente après avoir perdu le second "m" de son prénom. D'autres cinéastes se permettront soit d'emprunter simplement son prénom soit de s'attribuer le temps d'un film la jolie héroïne comme le fit en 1976 le peu prolifique Mario Pinzauti. Sous la houlette du réalisateur cela va donner un mélange étonnant et détonnant.
Comme la plupart des mondos Addio zio Tom sous couvert documentaire n'était qu'un pur exemple de cinéma d'exploitation hypocrite dont le but joliment dissimulé était de mettre en avant l'aspect primitif et barbare du peuple noir afin de flatter les bas instincts d'un spectateur voyeur. Avec une extraordinaire liberté et surtout un total manque de politiquement correct ce type de films exploitait simplement ce que la censure et la morale condamnaient. Emanuelle bianca e nera respecte scrupuleusement cette ligne directive en appuyant avec insistance sur les aspects les plus vils de l'histoire. Située au début du siècle dans les plantations de coton où règne en maîtresse la féroce et sadique Emmanuelle celle ci n'est qu'un simple prétexte à enchainer sur quasiment 80 minutes des scènes de sexe et de sadisme dans un climat de racisme paroxysmique aujourd'hui impensable. De quoi faire le bonheur de l'amateur d'oeuvres nauséabondes. En sadisme et tortures Emmanuelle, maligne, s'y connait. Son plaisir est d'aguicher ses esclaves afin qu'ils la désirent, l'approchent et la touchent avant d'appeler au secours ses gardes afin qu'ils les punissent. Selon ses humeurs ils seront alors fouettés, attachés à demi-nus au soleil, le corps meurtri recouvert de sel, ou simplement exécutés sans sommation aucune. "Un animal meurt comme un animal" nous rappelle régulièrement Emmanuelle. Tenus en laisse dans les boxes où ils dorment, ils sont soumis aux fantasmes sexuels de leurs geôliers qui les violent ou les forcent à se violer entre eux afin de satisfaire leurs instincts pervers.
Le film de Pinzauti qui réunit les deux Emmanuelle du cinéma, la blanche et la noire, n'est jamais qu'une variante des films érotico-sadiques notamment des WIP, des nunsploitations et des nazisploitations, un sous genre né la même année. Le camp de concentration, la prison ou le couvent est ici remplacé par
un champ de coton et Emmanuelle pourrait très bien être une kapo, une gardienne chef sadique ou la mère supérieure d'un cloitre. Dans une ambiance de western spaghetti du pauvre dont il reprend la violence Emanuelle bianca e nera mélange avec une certaine délectation l'érotisme trash et complaisant, le romantisme façon telenovelas et les principaux éléments des genres cités sur fond de racisme exacerbé et d'évangélisme à deux sous. On ne pouvait donc rêver mieux comme parfait exemple puant de film d'exploitation à l'italienne.
Tout cela est fort alléchant mais le problème avec Emanuelle bianca e nera est que la réalisation de Pinzauti dont on avait déjà constaté la faiblesse en tant que metteur en scène avec Due magnum 38 per una citta di carogne est d'une extraordinaire mollesse pour ne pas dire inexistante rendant les scènes de violence totalement inoffensives. La médiocrité des séquences de sexe gâche tout leur potentiel érotique et amoindri considérablement l'aspect sulfureux du film. Pinzauti se contente en effet lors des scènes d'ébats d'Emmanuelle de filmer des gros plans de chair qu'on pétrit telle une pâte à pain qu'il agrémente le plus possible de gros plans sur le vagin de l'intraitable héritière, peu aidé par le traitement maladroit du sujet et le manque de conviction des acteurs. Leur jeu à la limite de la caricature désamorce souvent la brutalité de l'histoire et finit par provoquer le rire d'autant plus que les dialogues jamais très sérieux accumulent les allusions ordurières et animales avec une lourdeur flirtant le plus souvent avec la provocation. Provoquer, rebuter le spectateur, heurter au maximum sa sensibilité avec un non sérieux nauséabond voilà bel et bien le véritable objectif du film, de ce type de pellicules. Fort heureusement tout se terminera bien. Notre belle esclave noire vivra heureuse avec le beau bellâtre blanc, tout deux s'éloignant en se tenant par la main sous un magnifique coucher de soleil après que l'infâme Emanuelle ait été tuée... accidentellement! Après tant de noirceur pestilentielle Pinzauti délivre un petit message anti raciste issu des valeurs chrétiennes un peu simplet. Tout le monde est heureux. La morale est sauve!
Plus intéressant ici est finalement le personnage d'Emanuelle. Elle s'avère être finalement une dangereuse psychopathe refoulant au plus profond d'elle ses désirs les plus pervers qui la rongent et la détruisent. Elle nourrit une haine sans limite pour la race noire mais ne peut cacher pourtant son attirance pour ces corps puissants, rêvant qu'ils la possèdent fiévreusement. Si elle résiste au départ et soulage ses désirs interdits à travers la torture, elle se laissera finalement prendre par un de ces "animaux" comme elle les nomme avant de se laver génétiquement jusqu'à s'en arracher la peau et entamer une chasse à l'homme pour le tuer sans pitié. Sa haine pour les noirs est démultipliée lorsque Lorenzo, son fiancé, s'amourache de la servante, une bête à ses yeux, une haine qui doucement la fait basculer dans une folie destructrice. Il est dommage que Pinzauti ait été incapable de mieux cerner psychologiquement ses protagonistes traités comme de simples caricatures.
En tête d'affiche on retrouve dans le rôle d'Emanuelle Malisa Longo, une des stars de l'érotisme osé transalpin, dont la beauté du regard n'a d'égal que son piètre talent d'actrice. Comme d'accoutumée, Malisa se contente de se déshabiller, impudique, ce qu'elle sait le mieux faire, froncer les sourcils en prenant un air sadique tout en débitant à la minute le plus grand nombre d'insanités racistes. Notre Emmanuelle noire est quant à elle interprétée par la petite amie du producteur du film, l'érythréenne Rita Manna, une des comètes de couleur du cinéma d'exploitation d'alors qu'on reverra ultérieurement dans SS camp 5 enfer de femmes.
A leurs cotés gravitent l'inénarrable Serafino Profumo, figure récurrente du WIP et du nazisploitation, rouflaquettes au vent, en riche propriétaire de plantation, et les yeux verts du séduisant Antonio Gismondo dans la peau de Lorenzo. On mentionnera l'intéressante prestation de Lino Caruana dans la peau du chef des tortionnaires tué de sang froid par Gismondo.
Accompagné d'une partition musicale totalement décalée et plutôt insipide signée Roberto Pregadio Emanuelle bianca e nera tourné dans non pas en Amérique du sud mais à Fogliano se range facilement dans la catégorie des oeuvres érotico-trash, bien plus que dans la série des Emanuelle. Trop gentillet, pas assez maitrisé, il n'a réellement pas l'impact qu'une telle histoire aurait pu, aurait du avoir. Reste une petite bande sulfureuse particulièrement raciste qui devrait néanmoins faire plaisir aux amateurs de ce type de pellicule en apaisant leur envie de désirs coupables tout en attisant leurs pulsions racistes. Demeure aussi un exemple typique d'un cinéma aujourd'hui inconcevable tant au niveau des images que des dialogues même si à l'instar des nazisploitations cela n'est jamais qu'un jeu de mauvais gout bien peu sérieux pour adultes. On imagine simplement ce qu'un metteur en scène tel que D'Amato aurait pu faire avec un tel sujet.
Pinzauti tournera simultanément Mandinga avec quasiment la même équipe, Malisa Longo en moins, avant de se retirer définitivement du monde du cinéma, dégouté par les méthodes de producteurs peu scrupuleux, pour se lancer dans un autre univers, celui de la balistique.