Isabelle Marchall, Hervé Hendrickx: les mystères bleu blanc rouge N°1
Pour ce nouveau numéro de Visages d'un jour Visages de toujours c'est en France que nous restons cette fois puisque notre bel hexagone cinématographique recèle encore bien des énigmes. Ce sont ces acteurs bleu blanc rouge qui ont fait carrière en France, en Italie ou ailleurs mais sont demeurés de véritables mystères., des visages qui chacun à leur manière ont su marquer les esprits (ciné)bissophiles sans pour autant révéler leurs secrets.
Elle fut la petite française qui fit chavirer bien des coeurs italiens, "la gattina" qui après sept ans de bons et loyaux services a purement et simplement disparu des écrans comme elle y était apparue. Il restera à jamais ce jeune homme halluciné à la voix gutturale qui traversa l'univers de La Goulve, le film de Mario Mercier. Pour ce premier volet des mystères bleu blanc rouge tentons de dissiper quelque peu l'épais brouillard qui entoure Isabelle Marchall et Hervé Hendricks.
Dix-huit films en l'espace de seulement cinq ans c'est le nombre de films que tourna en Italie cette jolie blonde qui à ce jour demeure un mystère. Les détails biographiques de cette française exilée au pays de Dante sont en effet quasi inexistants. Bien difficile dans ces conditions de dresser son portrait, Isabelle n'ayant laissé aucune trace derrière elle après qu'elle se soit retirée des feux de la rampe à la fin des années 70. Il n'existe apparemment aucune interview papier de la jeune actrice tant en France qu'en Italie, bien peu de cinéastes pour qui elle a travaillé se souviennent d'elle peu aidés par la brièveté des rôles qu'elle a le plus souvent tenu.
On sait seulement qu'Isabelle Marchall parfois créditée Isabelle Marshall ou encore Isabelle Marchal (mais était ce là son véritable nom?) débute à l'aube des années 70 comme modèle en posant pour quelques revues de mode. Elle quitte alors la France pour s'installer à Rome et fait sa première apparition à l'écran non créditée dans le film Cosa nostra/ Les papiers de Valacchi de Terence Young, une coproduction franco-italienne avec Lino Ventura, Charles Bronson et Jill Ireland dans laquelle elle joue une prostituée amie de Maria Baxa. La même année elle apparait toujours non créditée dans le thriller judiciaire de Eriprando Visconti Manoeuvres criminelles d'un procureur de la république. Elle est la jeune pompiste qui sert
de l'essence à Adalberto Maria Merli. Isabelle va dés lors enchainer films sur films multipliant les petits rôles. Rares seront en effet les personnages de premier plan qu'elle interprétera. Isabelle devra éternellement se contenter de petites apparitions ou de rôles d'appoint dans des productions par contre fort variées. Elle est ainsi à l'affiche de deux décamérotiques I giochi proibiti dell'Aretino Pietro de Piero Regnoli (elle est une des amies de Femi Benussi) et Primo tango a Roma storie d'amore e d'alchimia de Lorenzo Gicca Ralli, d'un nunsploitation, Storia di una monaca di clausura de Domenico Paolella, puis de deux polars Troppo rischio per un uomo solo de Luciano Ercoli et le mafieux Baciamo le mani. Elle s'essaie également au giallo avec Sette scialli di seta gialla de Antonio Bido dans
lequel elle est une des jolies modèles victimes du tueur et apparait dans deux comédies de Mariano Laurenti Il figlioccio del padrino et Continuavano a chiamarli i due piloti piu matti del mondo aux cotés du duo Franchi et Ingrassia. Elle décroche un tout petit rôle dans Le voyage de Vittorio De Sica avec Sophia Loren et Richard Burton avant d'être au générique de Black Emanuelle en Afrique, un de ses rôles les plus conséquents. Epouse de Gabriele Tinti, elle y a notamment une très belle scène lesbienne avec Laura Gemser. En 1977 elle est une des splendides putains du nazisploitation Nuits rouges de la gestapo. Elle y interprète en début de film une audacieuse et fort explicite scène saphique lors d'un
cérémonial aux limites du sadomasdochisme avec la charnelle Paolo Maiolini. Paola est l'une des rares personnes qui puisse nous donner quelques petites informations. Paola se souvient d'elle comme d'une jeune femme sympathique, professionnelle mais un peu snob, un léger défaut qui ne l'empêcha d'entretenir une relation des plus amicales avec elle lors du tournage. Toujours en 1977 elle tournera ses deux derniers films, le giallo I vizi morbosi di una governante où cette fois, fille d'un châtelain et première victime du tueur, c'est avec une Patrizia Gori peroxydée qu'elle aura le temps de nous offrir une petite scène lesbienne et la médiocre comédie Le colonel pédale dans la choucroute revêtue pour l'occasion de
l'uniforme d'une très sexy scientifique nazie.
Après cette ultime prestation Isabelle met un terme à sa carrière de comédienne et ne donnera plus aucune nouvelle. Elle semble s'être tout simplement évaporée de ce monde emportant avec elle les secrets de sa biographie. Tant en France qu'en Italie, Isabelle est restée une véritable énigme, un superbe mystère blond aux faux airs de Brigitte Lahaie qu'un temps l'Italie surnomma "la gattina"(la petite chatte dans la langue de Molière).
Mario Mercier est un homme mathématique. Avec lui 1+1 feront toujours 2 puisqu'il a à son actif deux films donc deux mystères. Il y eut le mystère Géziale que nous avons depuis partiellement résolu. Bien avant il y eut l'énigme Hervé Hendricks, l'interprète principal de La Goulve que tout ceux qui ont eu la chance de voir le film aura là encore marqué. Sa voix gutturale, son phrasé si particulier, son visage étrangement troublant en ont fait un personnage singulier dont la biographie est malheureusement bien maigre. Si les quelques informations qu'on possède sur lui proviennent des souvenirs de Mercier toujours avare de
détails on peut néanmoins retracer et enrichir quelque peu son parcours en fouillant les archives télévisées. Lorsqu'il fut choisi pour incarner le principal protagoniste de La Goulve Hervé n'en était pas en effet à son coup d'essai. Le jeune comédien avait ses débuts en 1965, alors âgé d'une quinzaine d'années, dans un épisode la série Le théâtre de la jeunesse intitulé Sans famille programmé à Noël 1965. Première véritable série française diffusée sur l'ORTF entre 1960 et 1969, elle adaptait pour le petit écran les grands classiques de la littérature tant française qu'étrangère interprétés par de grands comédiens venus pour la plupart du théâtre et donnait également leur chance à de nombreux jeunes
amateurs passionnés par la scène. Hervé fut l'un d'eux même si pour son baptême on devrait plus parler de figuration. Egaré au milieu d'une éclatante distribution, il est simplement un des amis de Rémi (Bernard Jeantet), le héros du roman de Malot.
Plus conséquent est son rôle dans un épisode de la célèbre série de notre enfance Thierry La Fronde intitulé L'ogre, réalisé en 1966. Hervé est Yann, le fils d'un pauvre fermier enlevé par un ogre, en fait un indien que les villageois prennent pour une créature abominable vivant au fond des bois. L'adolescent fait preuve d'un sérieux et d'un talent de récitation certain, d'un jeu très juste. On le sent à l'aise face à la caméra, promu à un bel avenir. L'impression se
confirme en 1967 avec le court métrage en noir et blanc de Anne Dastrée Nathalie qui traite de la crise d'adolescence. On y suit la journée de la vie de cette adolescente de 15 ans, les effets de la puberté à travers ses conflits et révoltes, sa relation avec son entourage, sa famille, ses amis exprimés par de longs monologues intérieurs. Hervé comme Nathalie (Nathalie Nell, future vedette du petit écran) joue son propre rôle, celui d'un adolescent proche de la jeune fille. Même s'il n'a pas encore cette voix gutturale si spécifique, Hervé possède déjà ce regard troublant dans lequel on entrevoit le futur Raymond de La Goulve. L'adolescent qui doit avoir environ 17 ans lors du tournage début 1967 fait preuve de réelles
capacités mais il faudra attendre cinq ans pourtant avant de le revoir sur les écrans lorsqu'il décroche le rôle principal du film de Mercier. Le réalisateur confesse que Hervé est venu le voir pour obtenir le rôle. Il fut séduit par sa voix par moment impensable mais surtout par sa personnalité qui collait parfaitement au personnage de Raymond. Selon Mercier, Hervé était un garçon psychologiquement instable. Il avait en lui ce coté brut, naturel qu'il recherchait. Jouer la comédie, être devant une caméra était pour Hervé une sorte d'exutoire, de thérapie. Il pouvait ainsi libérer cette violence qui l'avait en lui, exorciser ses démons.
Ce sera pour l'adolescent transformé en jeune homme son ultime prestation. Hervé disparaitra par la suite lui aussi sans laisser de trace comme atomisé dans l'éther. Mercier qui se souvient d'un garçon sympathique, tout à fait charmant, confesse ne plus l'avoir jamais revu ni eu aucune nouvelle. Qui sait ce qui est advenu de Hervé, un jeune homme dont on ne pouvait douter du talent mais qui malheureusement n'a peut être pas su ou pu trouver sa voie dans l'univers impitoyable du 7ème art. On se souviendra donc de lui enfant comme il restera à jamais l'inoubliable héros de La Goulve, magnifique exemple avec La papesse d'un fantastique français trop rare et surtout de qualité.