Buio Omega
Autres titres: Blue Holocaust / Carnage / Folie sanglante / Buried alive
Real: Joe D'Amato
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 90mn
Acteurs: Kieran Canter, Franca Stoppi, Anna Cardini, Cinzia Monreale, Sam Modesto, Lucia D'Elia, Klaus Reiner, Mario Pezzin...
Résumé: Francesco ne parvient pas à surmonter la mort d'Anna sa fiancée. Taxidermiste, il embaume le corps et le place dans le lit conjugual où il peut admirer et faire l'amour à celle qu'il a tant aimé. Iris, son austère et énigmatique gouvernante, partage son terrible secret. Pourtant Iris est maladivement jalouse de ce cadavre et voue à Francesco une dévotion démesurée. Elle lui voue un amour secret, impossible, presqu'incestueux. Malheureusement Francesco va devoir tuer pour que son secret soit conservé. Une auto-stoppeuse, une jeune joggeuse.. les cadavres doivent être dissimulés, détruits, avec l'aide d'Iris. Francesco va définitivement sombrer dans la folie le jour où Teresa, la soeur jumelle d'Anna, débarque chez lui au plus grand dam d'Iris...
Blue holocaust est certainement un des films les plus importants de la carrière de Joe D'Amato qui revenait six ans aprés La morte a soriso all'assassino au cinéma horrifique.
Inspiré de Il terzo occhio de son ami Giacomo Guerrini qu'il tourna en 1966, Blue holocaust traite d'un sujet assez peu exploité au cinéma: la nécrophilie. A l'instar de Lamberto Bava dans Macabro, D'Amato nous livre une histoire d'amour fou, celle de Francesco qui ne parvient pas à accepter la mort d'Anna, sa fiancée. Si chez Bava Bernice Steiger conservait la tête décomposée de son amant dans le réfrigérateur avec laquelle elle se livrait à des actes contre-nature, Francesco, taxidermiste de profession, a embaumé le cadavre de la jeune fille qu'il a ensuite placé dans le lit conjugual.
Blue Holocaust est bien plus qu'un simple film d'horreur dit vomitif puisque derrière son aspect horrifique et les perversions sexuelles qu'il dépeint, il n'est jamais que le reflet de la déchéance physique de ses protagonistes. Blue holocaust n'est jamais que l'éternelle et impossible union d'Eros et Thanatos prise ici dans un tourbillon de folie qui emporte les personnages vers une impasse dont seule Thanatos pourra les en délivrer.
D'Amato fait preuve d'une logique implacable donnant ainsi aux personnages une dimension psychologique plutôt intéressante. Il fait de Francesco un taxidermiste, métier qui au départ le conduit régulièrement à défier la vie et c'est dans le conjugual qu'il dissimule le cadavre de sa bien-aimée, là où on donne justement la vie. Fragile, faible, fasciné de façon morbide par la mort, Francesco en est d'autant plus vulnérable. C'est à travers Iris, la gouvernante, qu'il trouve la force de supporter le poids de son terrible secret.
Iris est certainement le personnage le plus important et surtout fascinant de Blue holocaust. Elle est à la fois la gouvernante, l'amie, la confidente, la mère mais aussi l'amante. Austère, inquiètante, présentée comme une mégère, Iris est une sorte de Nemesis dont le caractère incestueux de la relation qu'elle entretient avec Francesco accentue l'atmosphère particulièrement malsaine du film. Dévouée, imperturbable, elle veille en silence sur Francesco comme une mère sur son fils, le préservant de sa folie en le maintenant dans la réalité. Maladivement jalouse de ce cadavre qu'elle rêve de voir disparaitre, elle continue de rêver à la concrétisation de cet amour impossible qu'elle voue au jeune homme. Une des scènes clé, troublante et superbe, est celle où elle masturbe Francesco face au cadavre tandis qu'il lui tète le sein. D'Amato laisse planer le mystère sur les origines d'Iris laissant ainsi au spectateur le plaisir pervers de les imaginer. Serait elle la mère de Francesco?
Blue holocaust est une histoire d'amour impossible à trois, un amour triolique contre nature et imparfait qui ne pourra virer qu'au drame, inéluctable, terrible, où la haine omni-présente, explose enfin, cruelle, faisant basculer les protagonistes dans une irréversible folie lorsque la soeur jumelle d'Anna fait son apparition.
Bénéficiant d'une mise en scène efficace, Blue holocaust qui par certains aspects fait songer aux Diaboliques doit également braucoup à ses effets spéciaux particulièrement sanglants. A la longue et écoeurante séquence d'embaumement du cadavre vidé de ses entrailles s'ajoutent un grand nombre d'atrocités qui au fil du temps n'ont rien perdu de leur force et de la répulsion qu'elles suscitent. Eventration, arrachage d'ongles à la tenaille, énucléation, démembrement d'une victime à la hache sans oublier le désormais célèbre bain d'acide bouillonnant dans le lequel Iris plonge le cadavre encombrant d'une jeune fille.
Ce mélange de folie, de perversion et de gore donne au film toute sa démesure tandis que les pulsions les plus inavouées et inavouables se mèlent et se fondent dans une passion fulgurante ausi secrète que dévorante, entrainant les personnages dans un labyrinthe de tourments inextricable.
La partition musicale signée des Goblins et les images blafardes finissent à donner à l'oeuvre une dimension quasi-surréaliste. On regrettera juste le peu d'importance que D'Amato donne à l'enquête mollassone menée par un inspecteur poussif et quelques facilités inutiles dont l'image finale, probable clin d'oeil à un certain cinéma fantastique.
Si Kieran Canter déjà aperçu dans Liebes lager en officier SS puis par la suite dans quelques hardcore n'a peut être pas les talents d'acteur que son personnage exigeait on saluera par contre l'extraordinaire performance de la stupéfiante Franca Stoppi, actrice essentiellement de théatre, qui dans la peau d'Iris porte le film sur ses frêles épaules et lui confère toute son aura maléfique. A leurs cotés la douce et blonde Cinzia Monreale dans le double rôle de Anna / Teresa.
Trente ans plus tard, Blue holocaust a su garder toute sa dimension horrifique. C'est toujours avec un grand plaisir que le fantasticophile amateur d'un cinéma d'horreur aussi malsain qu'intelligent, sachant jouer à la fois sur l'horreur viscérale, la psychologie de ses protagonistes et la reflexion, reverra.