Annie Belle: La plus française des étoiles italiennes
Elle fut une des jeunes stars de l'érotisme à l'italienne, rayonnante, resplendissante dans quelques uns des fleurons du film érotique des années 70. Des airs androgynes, des cheveux coupés très courts couleur neige tranchant avec l'or de sa peau, un corps de rêve, elle portait un nom qui lui seyait à la perfection. Si elle n'a pas réussi à prouver qu'elle pouvait jouer d'autres personnages que ces jeunes nymphes virginales évoluant sous le soleil de superbes paysages exotiques, elle restera pour ses admirateurs une des plus belles sexy stars des années 70, désinhibée, impudente. Le Maniaco vous propose de revenir sur la trace de celle qui portait si bien son nom, la magnifique Annie Belle.
Issue d'une famille de la petite bourgeoisie, Annie Belle de son vrai nom Annie Brilland est née à Paris le 10 décembre 1956. Très jeune elle s'inscrit à l'école de théâtre de la rue Blanche et suit les cours de Maître Virilot, grand artiste de théâtre et de cinéma. Pleine d'ambition, la jeune Annie ne va tarder à se faire remarquer. Dés 1973, alors qu'elle n'a que seize ans, elle tourne deux petits films érotiques à la limite de la pornographie, l'étrange et médiocre Tout le monde il en a deux / Bacchanales sexuelles réalisé par Jean Rollin et Le rallye des joyeuses de Serge Korber.
C'est en 1974 que sa véritable carrière va débuter lorsque Jean Rollin fait de nouveau appel à ses services pour être l'héroïne de son nouveau film fantastique Lèvres de Sang où elle tient le rôle d'une vampire particulièrement sexy sorti de l'onde. Comme de coutume, le réalisateur signe un film à l'esthétique soignée tout empreint d'onirisme où Annie y apporte sa fraicheur, frêle jeune fille brune aux cheveux très courts et au corps parfait qui ne cache rien de ses charmes. Une telle macabre Vénus, ne dérive t-elle au gré des flots enfermée dans un cercueil, ne pouvait laisser indifférent.
Dés 1975 c'est l'Italie qui la remarque. Elle signe très vite un contrat avec un producteur anglais qui souhaitait lancer un nouveau personnage à dimension internationale dans la lignée d'Emmanuelle. C'est pour elle le début de sa prolifique carrière dans le domaine de l'érotisme. Massimo Dallamano, le réalisateur de Qu'avez vous fait à Solange, lui propose le rôle principal de son nouveau film La fine dell'innocenza / Annie ou la fin de l'innocence, celui d'une adolescente qui suit son patron impotent à travers le monde jusqu'à Hong Kong où un couple d'amis se chargeront de s'occuper d'elle. Ce film sur la découverte de l'amour et des plaisirs charnels d'une jeune fille sera le premier film d'une longue série où Annie allait incarner de jeunes nymphomanes qui dévoilent sans pudeur leurs charmes les plus intimes au détriment de scenarii souvent légers. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle cassera son contrat au bout d'un an et demi, lasse des rôles de nymphettes.
La fine dell'innocenza fut son premier grand film en tant que protagoniste principale, magnifique Annie mise particulièrement en valeur au milieu des splendides décors naturels de Hong-Kong, c'est aussi sur le tournage de celui ci qu'elle rencontra les deux des hommes les plus importants de sa vie, Ciro Ippolito et surtout l'acteur Pier Luigi Conti plus connu sous son pseudonyme Al Cliver. Annie succomba vite aux charmes de Pier Luigi qui était en passe de devenir l'un des acteurs phare du cinéma de genre italien.
Si au début ce n'était pour l'acteur qu'une amourette sans lendemain, il dût revoir son jugement dés 1976 lorsqu'il retrouva Annie aux Philippines sur le set de Laure, le film
de Emmanuelle Arsan mis en scène par le mari de la célèbre écrivain où Annie remplaça au pied levé Linda Lovelace qui prise de mysticisme quitta le tournage. L'idylle se transformera très vite en amour passion qui s'avérera destructeur pour eux deux. Selon ses dires, si Laure n'est pas le film favori d'Annie malgré les scènes d'amour qu'elle partage avec Pier Luigi, exact reflet de leur passion d'alors, notamment celle de la piscine, elle y apparait pourtant plus magnifique et troublante que jamais, avec ses cheveux couleur neige, coupés très courts et son corps parfait d'Aphrodite bronzée. Ces scènes avoue Annie n'étaient que le reflet de leur amour et certaines furent réellement brûlantes notamment celle de la piscine où les deux amants se laissèrent aller.
A cette époque, la presse la remarque et son nom est irrévocablement associé aux produits sulfureux érotico-soft. On la compare parfois à une nouvelle Bo Derek auquel elle fait irrésistiblement penser avec sa blondeur et son corps de rêve lorsqu'elle sort des flots, son fin T.shirt collé à sa peau cuivrée.
Jeune et encore inexpérimentée, la jeune actrice est emportée par ce tourbillon cinématographique et sa vie sentimentale avec Pier Luigi la grise. Elle part donc vivre à Rome avec lui. C'est alors une période d'intense bonheur pour elle, entourée d'amis acteurs. Si elle continue de tourner des produits érotiques, c'est également le début d'une longue série de malheurs pour Annie. La jeune fille mûrit, elle devient femme. Une grave
crise intérieure commence alors pour elle. Ses désirs de comédiennes changent aussi, elle aimerait incarner d'autres personnages mais elle est confinée dans ces éternels rôles érotiques.
Annie trouve refuge et réconfort dans l'alcool sans s'apercevoir qu'elle en devient dépendante. Ses amours avec Pier Luigi traversent également de douloureux moments. L'acteur est lui aussi alcoolique. Il est agressif et souvent violent sous l'emprise de l'alcool.
En 1976, elle tourne Velluto nero sous la direction de Brunello Rondi. C'est un des films qu'elle préfère parmi toute sa filmographie. Elle joue aux cotés d'actrices avec qui elle entretint de fabuleux rapports amicaux telles Laura Gemser et Susan Scott et bien entendu Pier Luigi. Si l'entente est parfaite entre les acteurs hors tournage, Laura Gemser se
souvient des querelles parfois virulentes entre les deux amants qui gâchaient parfois les magnifiques soirées qu'ils passaient tous ensemble dans une Egypte de rêve lorsque les projecteurs s'éteignaient. Velluto nero / Vicieuse et manuelle reste pourtant pour Annie un de ses films préférés.
Si la jeune actrice mettra fin elle même à sa relation houleuse avec Pier, ses problèmes d'alcool s'aggravent. On la voit aux bras de différents acteurs dont Diego Spataro avec qui elle restera trois ans avant de le quitter sans explication aucune un soir de nouvel an. Sa carrière se poursuit sans heurt. Elle continue de tourner régulièrement entre 77 et 79 dont Mogliamente et la médiocre comédie La compagna di viaggio avec Anna Maria Rizzoli.
Pour Un giorno alla fine di ottobre de Paolo Spinola, un film post-hippie qu'elle apprécie particulièrement, elle sera même récompensée en obtenant le prix St Valentin. La critique la compare alors à une nouvelle B.B, regrettant qu'une actrice française si belle et talentueuse ne soit pas reconnue comme elle le devrait.
La notte dell'alta marea / L'aguicheuse est sans doute le film plus intéressant de cette période. L'histoire tourne autour de la peur maladive de vieillir d'un sexagénaire encore séduisant qui assiste au déclin de sa vie sexuelle et affective. Il va tomber amoureux de ce jeune modèle qui va cruellement jouer avec lui. Le réalisateur met un point d'orgue à montrer les humiliations et les frustrations de cet homme déstabilisé mais qui sait rester digne. Ce croisement entre L'ange bleu et Elle tourné au Canada n'est pourtant pas un des films favoris de la jeune actrice qui le trouve mou et peu intéressant malgré les possibilités
qu'offrait un tel scénario. En 1979, Ruggero Deodato lui offre un des rôles principaux de La maison au fond du parc, démarquage de La dernière maison sur la gauche de Wes Craven. Elle garde de l'équipe de tournage du film un très bon souvenir, en particulier de l'équipe italienne, Giovanni Lombardo-Radice en particulier avec qui elle devint amie. De David Hess, son partenaire, elle garde l'image d'un homme plutôt imbu de sa personne qui ne perdait jamais une occasion de montrer sa supériorité, fier d'être américain. C'est aussi le premier film d'horreur qu'elle tourne.
Elle apparait ensuite dans quelques petits films dont celui de David Fisher Liar's moon / Le challenger où elle tient un rôle furtif aux cotés de Matt Dillon. En 1981, elle tourne son deuxième film d'horreur sous la direction cette fois de Joe D'Amato. il s'agit de Rosso sangue / Horrible. Elle y incarne la jeune nurse qui finira brulée dans le four à micro-ondes. Pour Annie, le film est surtout un prétexte pour se divertir. Elle ne garde par ailleurs que de vagues souvenirs d'Horrible. Elle se souvient surtout des interminables heures de maquillages qu'elle devait subir pour la scène de sa mort. Ses admirateurs par contre seront peut être déçus puisque cette fois Annie n'apparaitra à aucun moment nue mais elle prouve qu'elle n'est pas forcée d'être en tenue d'Eve pour resplendir de beauté! La suite de sa carrière sera principalement italienne.
Ex-compagne du réalisateur Ciro Ippolito, elle va tourner pour lui dés 1982 quelques comédies souvent insipides mais qui eurent en Italie un joli succès d'estime. Elle est ainsi à l'affiche de Pronta... Lucia dans lequel elle joue une prostituée au grand coeur. Elle adopte un look très sportif pour Al bar dello sport et se transforme en Heidi des campagnes
italiennes pour Zampagnaro innamorato dans lequel elle campe le personnage principal. Toujours dans le registre de la comédie napolitaine elle est à l'affiche de O'surdato 'nnamurato de Nini Grassia. Grâce à Ippolito elle avoue avoir obtenu une petite participation dans La vénitienne de Bolognini dont il était le producteur et la comédie musicale délirante Uccelli d'italia.
Elle renoue ensuite avec l'érotisme avec Nana de Dan Wolman avant surtout de retrouver Joe D'Amato pour L'alcova / La retape qui est aussi l'occasion pour Annie de tourner à nouveau aux cotés de Laura Gemser et d'être également la partenaire de
l'impudente Lili Carati. L'intrigue rappelle celle de films tel que La clé ou Le conformiste. Si le scénario est intéressant, la réalisation de ce huis-clos sulfureux souffre malheureusement de la platitude d'une mise en scène maladroite et d'une photographie assez quelconque.
Potelée, engoncée sous une lourde perruque brune, Annie, jeune secrétaire rongée par le désespoir et la jalousie de perdre son amante au profit d'une servante noire, n'a plus vraiment les formes avantageuses de sa prime jeunesse mais elle y a encore de torrides scènes saphiques avec Lilli Carati. L'actrice le considère d'ailleurs comme un très bon film dont elle trouve les scènes de sexe très belles et réussies même si elle regrette les inserts hard qui furent ajoutés et la séquence du viol qu'elle juge trop complaisante. Ce sera pour Annie son ultime incursion dans le cinéma érotique.
En 1984 elle retrouve les têtes d'affiche, plus énergique que jamais, mitraillette en main, dans Tiger Joe / Fuga dall' archipelago maledetto de Antonio Margheriti aux cotés de l'infatigable David Warbeck. Courageuse guerrière qui emprunte un peu de son
personnage à la Rambo, Annie garde un bon souvenir de ce film de guerre malgré les conditions très pénibles de tournage qui se déroula durant la période des moussons aux Philippines et une bien embarrassante gastro. Elle s'oriente également vers la télévision italienne pour laquelle elle tourne la mini série en huit épisodes de Enzo Milioni A tutto amore avec Lorraine De Selle et Silvia Dionisio. Au grand écran elle tourne pour Ettore Scola dans Il mondo nuovo où elle interprète le court rôle d'une fille de mauvaise vie. Elle enchaine avec la célèbre série française La malle des Indes de Christian Jacques.
En 1987 elle est la protagoniste féminine principale, une prostituée au grand coeur, du nullissime La croce a sette pietre de Marco Antonio Andolfi, resté inédit en Italie tant ce film qui traite de lycanthropie est mauvais. Elle fait une courte apparition dans le soporifique
giallo de Enzo Milioni, Fuga dalla morte / Luna di sangue dans lequel elle meurt décapitée. Ce sera malheureusement son chant du cygne. Les problèmes d'alcool de la star s'étant fortement aggravés, Annie a quasiment tout oublié de cette dernière période de sa carrière. La quarantaine approchant, elle souhaite de moins en moins se montrer nue à l'écran. Elle aimerait trouver d'autres rôles mais les propositions qu'on lui fait restent inlassablement du domaine de l'érotisme.
Le rideau se referme donc définitivement en 1989 après ce bien piètre film de loup-garou. Annie avoue qu'elle aurait aimé continuer de tourner mais d'autres choses, montrer d'autres facettes de son talent qu'elle n'a jamais vraiment eu l'occasion d'exprimer. Elle est restée prisonnière de son image de nymphette qui peu à peu l'a rongé.
Après avoir mis un terme à sa carrière, Annie a quitté l'Italie pour revenir vivre en France avec sa fille Valentina, la réussite de sa vie. Elle a subi une dure cure de désintoxication et a pu laisser enfin ses problèmes d'alcool derrière elle. Une vie nouvelle s'est offerte à elle. Entre deux peintures qu'elle vendait, elle a repris le chemin des cours universitaires à la fin des années 90 et s'est recyclée dans l'aide sociale après avoir réussi son diplôme en psychologie. Après toutes les expériences qu'elle a vécu, elle pense se trouver en bonne place pour pouvoir aider et conseiller les gens qui connaissent des problèmes dans leur existence.
Avec le recul, Annie jette malgré tout un regard positif sur sa vie et sa carrière. Elle ne regrette rien sauf peut être de ne pas avoir pu prouver à son public toute l'étendue de son talent de comédienne dans des films qui n'auraient pas tout misé sur sa plastique et
l'érotisme qui s'en dégageait. A la question de savoir si d'ailleurs jouer nue ne lui a jamais posé de problème, elle répond sans détour que non. La nudité a toujours été quelque chose de naturelle pour elle et le sexe n'a jamais été tabou dans sa famille. Si elle reconnait tout de même que les scènes d'amour saphiques ne l'ont jamais mise très à l'aise, ses meilleurs souvenirs resteront- nous n'en serons pas étonnés- les scènes qu'elle partagea avec Pier Luigi.
Quoiqu'il en soit, chère Annie, ce n'est pas nous qui nous en plaindront et longtemps encore tu nous feras frémir de bonheur en admirant ton corps de nymphe dorée sortant de l'onde. Ton visage candide et tes airs androgynes brilleront encore longtemps de mille feux au firmament des divettes de l'érotisme transalpin. De quoi de plus naturel quand déjà au départ on portait un nom comme le tien!