Lèvres de sang
Autres titres: Lips of blood
Real: Jean Rollin
Année: 1975
Origine: France
Genre: Fantastique
Durée: 83mn
Acteurs: Jean-Loup Philippe, Annie Brilland, Claudine Beccarie, Sylvia Bourdon, Marie-Pierre Castel, Cathy Castel, Mireille Dargent, Willy Braque, Paul Bisciglia, Nathalie Perrey, Martine Grimaud, Anita Berglund, Hélène Maguin, Béatrice Harnois, Serge Rollin...
Résumé: Après avoir vu un château en ruines sur un poster accroché au mur du salon dans lequel sa mère donne une réception mondaine, Frédéric est profondément troublé. Il est persuadé d'avoir déjà vu ce château pendant son enfance. Il se revoit à 12 ans, une nuit, seul au milieu de ces ruines, lorsqu'une jeune fille tout de blanc vêtue lui apparait. Obsédé par cette image, il se lance à la recherche des lieux. Sa quête l'emmène chez la photographe à l'origine du poster. Alors qu'elle devait lui révéler le nom de l'endroit, elle est assassinée. Frédéric va alors découvrir un monde peuplé de vampires et découvrir un lourd et tragique secret familial dont sa mère se gardait bien de lui parler...
Cinquième film de Jean Rollin consacrée à sa longue saga des vampires, Lèvres de sang qu'il réalise en 1975 reste peut être le plus accompli même s'il n'est pas exempt de défaut ni le plus envoutant. A la grande différence de ses oeuvres précédentes, Lèvres de sang est l'histoire de la quête personnelle d'un homme, celle de Frédéric, le principal protagoniste, qui à travers un souvenir d'enfance va tenter de retrouver une jeune fille et par la même une partie de sa vie qui pour lui demeure un mystère insoluble.
Tout commence par un tableau accroché au mur d'un salon que Frédéric remarque lors d'une soirée mondaine. Fasciné par cette image représentant un château en ruines, il est de plus en plus persuadé d'avoir un jour connu ces lieux étranges qui de surcroit lui rappelle une jeune fille qu'il y aurait croisé une nuit alors qu'il n'avait que 12 ans. Un lien s'était alors crée entre eux qu'il n'a jamais pu oublier. De plus en plus obsédé par cette femme qu'il semble apercevoir partout où il va, Frédéric va tenter de retrouver ces fameuses ruines et rejoindre celle qu'il aime depuis si longtemps, détentrice de la clé des mystères qui entoure cette enfance que sa mère refuse de lui donner. Frédéric va lentement pénétrer dans un univers peuplé de vampires à l'origine d'une malédiction qui jadis a détruit sa famille et son entourage proche.
Lèvres de sang rassemble tous les ingrédients habituels des films de Rollin. On y retrouve donc cette fascination que le cinéaste avait pour les cimetières, les cryptes et caveaux, les ruines et les vieilles pierres, les terres et plages grises et sauvages (celles notamment de Pourville lès Dieppe qu'il avait déjà utilisé pour La rose de fer) que hantent nues ces hordes de vampires femelles, blafardes, toujours offertes, avant qu'elles ne sortent leurs crocs acérés. On y retrouve également cette infinie poésie de l'image, cette atmosphère étrange, fantastique, toute empreinte de mélancolie qui fait la force de ses films. Bien plus que la présence des composantes traditionnelles de son cinéma et de ses acteurs fétiches, Lèvres de sang synthétise quasiment tout l'univers du metteur en scène en y intégrant maintes références à ses précédents travaux comme si le film était une sorte d'aboutissement. Si pour le novice le film semblera anodin, les amoureux de Rollin remarqueront rapidement de
profondes similitudes avec La vampire nue que projette d'ailleurs malicieusement le cinéma dans lequel pénètre Frédéric. Tout comme dans ce dernier, la base de l'histoire est la quête désespérée du héros pour retrouver une femme-vampire dans un but ici très personnel puisqu'un lien particulièrement fort les unit depuis son enfance. C'est au plus profond de sa mémoire que se trouve la réponse à ses questions mais aussi au sein de sa famille représentée par sa mère, unique membre encore en vie, qui lui cache la vérité. Au père de La vampire nue succède donc cette femme castratrice, protectrice, détentrice d'un effroyable secret qui fera définitivement basculer la vie de son fils en toute fin de film lors d'un final à la fois beau et tragique. Rejeté du monde des vivants, Frédéric décidera de rejoindre celui de la jeune fille afin de fonder une nouvelle caste de vampires après que le cercueil dans lequel ils se sont enfermés, à jamais unis, ait dérivé sur les flots.
Oeuvre très personnelle que certains pourraient voir comme une forme de rencontre, de rendez-vous amical entre Rollin et son public qu'il semble ainsi remercier pour sa fidélité, Lèvres de sang puise justement sa richesse dans cette intimité, cet échange, mais également dans son esthétisme sublimé comme d'accoutumée par une superbe photographie, ultra léchée, qui met en valeur ces endroits nocturnes, ces lieux lugubres dans lesquels Rollin nous entraine imprégnés de cette poésie macabre qui définit l'univers du cinéaste. Plus concentré, plus pensé et épuré que ses films précédents, Lèvres de sang perd cependant en fascination ce qu'il gagne en réflexion. Moins poétique au prime abord que notamment La rose de fer dont la magie, l'aspect quasi surréaliste, reste encore inégalé, ce cinquième film perd également ce coté psychédélique qui définissait ses précédentes réalisations. Peut être cela déroutera quelque peu le spectateur qui selon son ressenti accrochera moins à cette ambiance plus posée. Les détracteurs de Rollin continueront à lui reprocher une interprétation très théâtrale, amateur diraient certaines mauvaises langues, de la part d'acteurs à la récitation mécanique et des incohérences scénaristiques malgré cette logique à laquelle le metteur en scène tente tant bien que mal de se tenir ici.
En tête de distribution, on retrouvera Jean-loup Philippe, également co-scénariste du film, comédien fétiche et grand ami de Rollin, dans le rôle de Frédéric et surtout Annie Belle qui apparait sous son véritable nom Annie Brilland, dans un de ses tout premiers films (on l'avait aperçue auparavant dans Bacchanales sexuelles toujours de Rollin) avant de débuter la même année une prolifique carrière en Italie avec La fine dell'innocenza et Laure. On retrouvera les noms récurrents de Marie-Pierre et Cathy Castel, les jumelles vampires, Mireille Dargent et petite curiosité, la présence certes rapide de Claudine Beccarie et Sylvia Bourdon quelques temps avant qu'elles ne deviennent deux des plus grandes porno stars françaises.
Lèvres de sang n'est peut être pas le film le plus fascinant, le plus poétique du cinéaste qui est sans nul doute La rose de fer ni celui par lequel le novice devrait débuter pour découvrir l'univers du metteur en scène mais il demeure néanmoins son plus abouti, son plus rigoureux malgré ses faiblesses, inhérentes à son oeuvre. Voilà un joli film tout en nuances, un nouvel essai fantastique plus que louable toujours aussi représentatif du travail de Rollin que ses nombreux admirateurs sauront comme de coutume apprécier.