Giovanni Lombardo-Radice: l'acteur double face
On connait tous l'expression Un train peut en cacher un autre. Cela peut parfois s'appliquer aux personnes et notamment aux comédiens qui outre une carrière bis qui n'est rien d'autre qu'un gentil divertissement ou un tremplin vers d'autres activités plus glorieuses s'adonnent à de multiples activités bien plus intéressantes ou philosophiques.
Ainsi il en va d'une des incontournables figures du cinéma de genre italien, Giovanni Lombardo Radice, dont les morts plus atroces les unes que les autres que les réalisateurs lui réservèrent resteront à jamais gravées dans l'esprit du bissophile.
Mais derrière l'acteur se cache un tout autre homme, un homme de lettres, un comédien de théâtre réputé, un scénariste et producteur à succès qui analyse avec un certain regard ses participations à ces films qui aujourd'hui encore en font une figure phare du cinéma d'horreur italien. Revenons donc sur la carrière de ce gentleman du cinéma Bis transalpin.
D'origine plutôt aisée de par la noblesse de ses grands-parents, Giovanni est né à Rome le 23 septembre 1954. C'est très tôt qu'il s'intéresse au septième art et tout ce que touche au métier d'artiste. C'est tout naturellement qu'il commence dés son plus jeune âge à prendre des cours de théâtre et entame des études littéraires. Parlant couramment le français et l'anglais, ce qui l'aide beaucoup à découvrir la littérature de ces pays, Giovanni monte régulièrement sur les planches mais c'est seulement en 1979, âgé de 23 ans, qu'il fait ses débuts au cinéma.
C'est Antonio Margheriti qui lui offre un des rôles principaux de Pulsions cannibales, celui d'un ex-jeune soldat traumatisé par la guerre qui connaitra une mort atroce, le visage emporté par une balle. Ce personnage sera le premier d'une série où Giovanni sera l'éternel méchant auquel les scénaristes réservent des morts plus affreuses les unes que les autres. Le jeune homme va donc rentrer tout naturellement dans le monde du cinéma de genre, un peu contre son gré d'ailleurs. Pour Giovanni et il ne s'en cache pas, ce cinéma n'était qu'un gagne-pain, de l'argent facile pour monter ses différents projets. C'est une époque où on tourne vite et gagne pas mal. Il n'aime guère ce type de films et ne se regarde. Il est même persuadé qu'ils n'ont aucun public. C'est très étonné qu'il découvrit par la suite le culte que beaucoup leur vouent et donc lui vouent personnellement.
A cette époque, Giovanni ne tourne pas sous vrai nom. Il est souvent crédité sous le pseudonyme de John Morghen, sobriquet qu'il a lui même choisi. John pour Giovanni et Morghen qui est tout simplement le nom de famille de ses grands-parents. Giovanni avouerait même que sa famille l'aurait déshérité après avoir découvert qu'il usait du noble nom des Morghen pour apparaitre dans des films gore d'une telle vulgarité.
Il continue donc de tourner et se retrouve au générique de Frayeurs de Lucio Fulci. Il y incarne est Joe, le jeune arriéré mental dont la tête sera percée à la foreuse électrique lors d'une inoubliable séquence qui jadis fit beaucoup parler d'elle.
Il enchaine immédiatement avec La maison au fond du parc de Ruggero Deodato où aux cotés de David Hess. Il est Ricky, un des deux agresseurs de ce rape and revenge drastique. C'est ensuite au tour de Umberto Lenzi de lui offrir un personnage de salaud, celui de Mike Logan dans Cannibal ferox, véritable sadique qui là encore trouvera une mort atroce, émasculé, décérébré et dévoré.
C'est de notoriété publique que d'avouer que Giovanni n'aime guère ce film dont il garde un mauvais souvenir tant il fut en désaccord avec l'acariâtre Lenzi sur nombre de points dont les massacres d'animaux. Mais Cannibal ferox lui permit de lier amitié avec Zora Kerowa et surtout Lorraine De Selle qui fut sa également partenaire dans le film de Deodato. Ils
devinrent très amis par la suite. Tout deux partageaient l'amour de la littérature et de la langue française. Ceci leur permit par la suite de mettre en commun certains projets de scénarii.
Giovanni va alors faire une pause dans le monde de l'horreur à l'italienne et se consacrer à la télévision pour qui il tourne entre autres Flipper de Andrea Barzani, Progetto Atlantide de Gianni Serra et la série Nata d'amore de Duccio Tessari en 1986.
Il revient au cinéma avec l'érotique Undici Giorni undici notte de Joe D'Amato avant de se retrouver dans la distribution d'une étonnante adaptation de L'ile au trésor, L'isola del tesoro, une version futuriste mise en scène par le toujours très inventif Antonio Margheriti qui se déroulant dans l'espace. Navires et loups de mers laissent ici la place à des vaisseaux spatiaux et pirates du cosmos. On retrouve aux cotés de Giovanni, le grand Anthony Quinn, l'infatigable David Warbeck et Philippe Leroy.
Dés 1987, Giovanni retrouve le grand écran et surtout le genre qui le fit connaitre, l'horreur. C'est d'abord le giallo de Michele Soavi, Bloody bird, où il est un des danseur de la troupe, puis en 1988 celui de Ruggero Deodato Un delitto poco comune / Le tueur de la pleine lune où il fait une apparition dans la défroque d'un prêtre. Grand ami de Deodato, le réalisateur tenait par amitié à lui offrir un rôle d'invité dans le film. Toujours fidèle à Soavi, on le voit assez rapidement dans Sanctuaire puis La secte en 1991. Cette même année, il apparait dans Body puzzle de Lamberto Bava dans le rôle d'un écuyer.
A partir de là, Govanni va surtout se consacrer à la télévision avec de nombreux téléfilms ou séries. On citera entre autres Michel Strogoff en 1995, San Paolo en 2000, une oeuvre biblique où il joue le roi Hérode, ou encore Dan Matteo.
Il apparait de temps en temps dans quelques productions cinéma comme récemment en 2002 Gangs of New York ou The omen en 2006.
Mais la grande passion de Giovanni a toujours été le théâtre, le comédien l'a toujours fait passer en priorité. Durant toutes ces années, entre deux petites distractions cinématographiques, il a écrit et joué moult de ses pièces avec succès car Giovanni est avant tout écrivain et scénariste. S'il a écrit beaucoup de pièces théâtrales, il a aussi écrit énormément de scénarii pour la télévision ou en fut le co-auteur tels que I ragazzi del muretto, Amico mio ou récemment Inviati speciali avec Ray Lovelock et Barbara De Rossi.
Fort d'être polyglotte, Giovanni a également traduit de nombreuses pièces ou opéra qu'il a ensuite mis en scène, faisant découvrir à l'Italie les grands auteurs français, anglais et américains. C'est ainsi qu'il mit en scène Marivaux, Strindberg ou Shakespeare avant de se tourner aujourd'hui vers des auteurs plus contemporains. Insatiable, le comédien est aussi le directeur artistique de la célèbre société des acteurs et du théâtre de la Cometa Roma.
Marié depuis 1989 à l'actrice Alessandra Panelli avec qui il a eu un fils, Giacomo, Giovanni vit tranquillement avec sa famille aux abords de Rome dans une petite maison ne laissant rien transpirer de ses glorieuses années, loin de l'image qu'on pourrait avoir d'un tel acteur, d'un tel érudit qu'un seul mot peut qualifier: Merveilleux Giovanni! comme s'exclame souvent Antonella Fulci en parlant de lui.
Malade depuis déjà quelques années Giovanni s'est longtemps battu mais elle a finalement eu raison de lui. L'acteur s'est malheureusement éteint le 27 avril 2023 à Rome à tout juste 69 ans.