Uccidete il vitello grasso e arrostitelo
Autres titres: Kill the fatted calf
Réal: Salvatore Samperi
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Giallo érotique
Durée: 86mn
Acteurs: Jean Sorel, Marilu Tolo, Maurizio Degli Esposti, Gigi Ballista, Noris Fiorina, Bernadette Kell, Aleka Paizi, Gianni Pulone, Franca Sciutto ...
Résumé: Enrico, un adolescent, vient de perdre son père. Il revient à Padoue afin d'assister aux funérailles. Sa mère, folle à lier, est enfermée dans un asile. Désormais seul, privé d'amour maternel, il va progressivement transférer son amour sur sa soeur ainée, Verde, avec qui il va vivre une relation incestueuse maladive. obsessionnelle. Enrico soupçonne également son frère ainé Cesare d'avoir tué leur père. Sa mort évite ainsi à la famille d'être ruinée et surtout empêche que l'entreprise familiale, un élevage de veaux. ne mette la clé sous la porte. L'adolescent va tout mettre en oeuvre pour prouver qu'il a raison mais qui tire réellement les ficelles du jeu et à qui profite surtout la folie de Enrico?
Trop souvent oublié dans la filmographie de Salvatore Samperi, Uccidete il vitello grasso e arrostitelo s'apparente à la catégorie des sexy gialli, une des ramifications du thriller érotique dont la spécialité était essentiellement les machinations et autres complots diaboliques, lancée par Umberto Lenzi mais il appartient avant tout à cette branche bien spécifique du cinéma érotique italien que sont les drames dits érotico-morbides qui virent eux aussi le jour dès la fin des années 60. Ils traitaient plus particulièrement de thèmes souvent pointus, abordaient à leur manière et de façon désinvolte les plus gros tabous de notre société tel l'inceste, un des sujets les plus mis en avant.
Principal père fondateur de cette sous branche de l'érotisme, Samperi ouvrit le bal en 1968 avec son premier film, Grazie zia / Merci ma tante / Ma tante Lea, l'histoire d'un adolescent qui vit un amour incestueux passionnel avec sa tante, qui jadis fit scandale mais permit à Lisa Gastoni de recevoir un prix d'interprétation et ainsi de lancer sa carrière.
Uccidete il vitello grasso e arrostitelo, son deuxième film, reprend le thème récurrent de l'inceste dans une oeuvre à la fois morbide et malsaine.
Sous cet étrange titre (Tuez le veau engraissé et rôtissez le) qui renvoie en fait à La mort a pondu un oeuf de Giulio Questi, Samperi nous entraine dans l'univers du jeune Enrico, un adolescent qui vient de perdre son
père et dont la mère est depuis longtemps enfermée dans un asile. Seul, privé d'amour maternel, il va faire un transfert sur sa soeur ainée, la diabolique Verde, avec qui il va vivre une relation incestueuse et possessive. Très vite, Enrico soupçonne son frère ainé Cesare d'avoir assassiné leur père pour des raisons financières. La disparition du patriarche évite ainsi à la famille de Enrico d'être ruinée et empêche la fermeture de l'entreprise familiale, un élevage de veaux. L'adolescent, névrosé mais perspicace, va tout mettre en oeuvre pour prouver le bien fondé de ses soupçons.
Mêler giallo et drame érotique était une idée non dépourvue de charme qui avait déjà fait ses
preuves. Cela aurait pu donner une oeuvre particulièrement forte et émouvante mais force est de reconnaitre que Samperi échoue faute à une mise en scène trop classique et surtout un scénario peu travaillé. Plus à l'aise dans le drame et l'érotisme que dans l'intrigue à suspens, il passe à coté d'un chef d'oeuvre de cinéma macabre dont la folie et la noirceur en auraient été le moteur.
Les parties les plus réussies sont celles qui mettent en scène Enrico, un adolescent fasciné par la mort qui aime se cacher dans la morgue de la ville où, tapi derrière les gerbes de fleurs, il épie les mises en bière et les soins prodigués aux défunts de la même façon qu'il
contemple, fasciné, les veaux morts gisant sur la plage. Il faut reconnaitre à Samperi un sens certain du morbide qu'on retrouve également lors des séquences qui mettent l'accent sur la névrose de l'adolescent. Souffrant de l'absence de sa mère, folle à lier, il écoute inlassablement les lectures et tirades désespérées qu'elle a enregistré autrefois sur un magnéto à bandes quand il ne se recueille pas devant l'Idole païenne qu'il s'est confectionné, un simple porte-vêtements qu'il a affublé des habits de sa génitrice.
Si Samperi réussit à créer un climat particulièrement maladif, une véritable atmosphère de folie palpable, il échoue malheureusement à mettre en place une intrigue solide. Peu
développée, elle tombe rapidement à l'eau tuant ainsi tout suspens. On devine rapidement les tenants et les aboutissants de cette histoire de complot familial dont l'argent est comme très souvent le moteur. Les personnages, de simples ébauches auxquelles il est difficile de s'attacher, sont trop translucides tant et si bien que les spectateurs les moins perspicaces auront vite deviner l'identité du ou des coupables que Samperi ne semble d'ailleurs pas réellement vouloir dissimuler.
Trop superficielle, il est assez difficile d'adhérer, de croire à cette histoire à laquelle manquent trop d'éléments. C'est dans une certaine indifférence qu'on attend alors de voir
comment Enrico va non seulement prouver ses soupçons mais surtout comment il va se sortir des griffes de cette famille qui se révélera au final monstrueuse.
La séquence qui clôture ce thriller morbide, la lente et effroyable agonie de Enrico, demeure un grand moment de cruauté, une longue souffrance tout en musique tant épidermique que viscérale, dans laquelle le titre trouvera tout son sens dans les ultimes minutes... le veau, tendre, fragile et innocent, est irrémédiablement destiné à la mort une fois bien engraissé. Une bien belle métaphore sur laquelle le spectateur pourra alors méditer tout en se remémorant l'abominable agonie de Jean Sorel dans La corte notte delle bambole di vetro à laquelle on ne peut que songer ici. On regrettera simplement que les dix dernières
secondes, totalement inutiles, ne viennent gâcher une si flamboyante conclusion par sa facilité et sa rapidité.
En tête de distribution, on retrouve justement l'incontournable Jean Sorel plutôt en retrait cette fois dans le rôle du frère de Enrico. A ses cotés on pourra admirer les yeux émeraude de Marilu Tolo qui, très pudique, incarne la glaciale soeur incestueuse de l'adolescent. On doit à Marilu quelques unes des séquences inoubliables du film telle celle où elle chante Balocchi e profumi en s'accompagnant au piano. La grande découverte du film est le jeune Maurizio Degli Esposti, étonnant de véracité, sur les épaules duquel repose tout le film.
Le regard charbonneux perpétuellement effrayé, distant, jouant la carte de la névrose à la perfection, Maurizio vole sans peine la vedette à ses partenaires. Marqué à jamais par ce type de rôles Maurizio sera à l'affiche d'autres petits bijoux du cinéma érotico-morbide dont Une fille nommée Julien, l'intrigant et parfaitement inquiétant Arcana et l'incestueux Simona avant de disparaitre.
Si Salvatore Samperi, maladroit, est cette fois passé a coté d'un fort sympathique thriller érotique, Uccidete il vitello grasso... dont on doit l'envoutante partition musicale à Ennio Morricone et Bruno Nicolai, n'en demeure pas moins un drame familial souvent intense, froid, qui une fois de plus pointe du doigt la décadence et la putrescence de la bourgeoisie dans la grande tradition des autres films du cinéaste dont Cuore di mamma et Grazie zia. Tourné à Padoue dont on appréciera la grisaille hivernale, en totale adéquation avec l'ambiance funeste, morne, du film, Uccidete il vitello grasso... est une intéressante curiosité qui vaut surtout pour son coté sordide, cette folie sourde dans laquelle le film baigne durant quasiment 90 minutes.
Devenu aujourd'hui assez difficilement visionnable, Uccidete il vitello grasso e arrostitelo fait partie de ces petites gemmes du cinéma de genre transalpin qui font le bonheur des collectionneurs et autres amoureux de morbidité.