Una ragazza piuttosto complicata
Autres titres: Une fille plutôt compliquée / A rather complicated girl / A complicated girl
Real: Damiano Damiani
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 100mn
Acteurs: Jean Sorel, Catherine Spaak, Gigi Proietti, Florinda Bolkan, María Luisa Bavastro, Guglielmo Bogliani, Luigi Casellato, Luciano Catenacci, María Cuadra, Franco Giornelli, Sergio Graziani, Gabriella Grimaldi, Franco Leo...
Résumé: Alberto est représentant en appareil médical mais il a surtout pour vice un penchant morbide pour le voyeurisme. Un jour il surprend une conversation téléphonique entre deux jeunes filles. Il en déduit qu'elles sont lesbiennes. Intrigué, il fait la connaissance de l'une d'elle, Claudia, et découvre vite qu'elle aussi a un goût prononcé pour le voyeurisme. Mais ils ont en commun d'autres perversions sexuelles dont une basée sur l'humiliation. Ils vont alors mettre en commun leurs penchants malsains et s'amuser de leurs déviances sexuelles. Tout se complique lorsque le petit ami de Claudia surgit mais c'est sa belle-mère, Greta, une jeune et jolie femme, qui va lentement mettre le feu aux poudres. Alberto découvre que Claudia cherche à la tuer afin de se libérer de l'emprise sexuelle qu'elle a sur elle. C'est lui qui finalement l'assassinera. Mais était ce réellement ce que cherchait Claudia ou n'était ce qu'un autre jeu pervers? De plus en plus jaloux, Alberto semble devenir également de plus en plus dangereux...
Si bien souvent Una ragazza piuttosto complicata est assimilé à un giallo, on est ici davantage face à un drame érotique mâtiné de thriller, une sorte d'étude de moeurs tendance arty qui tente d'analyser les déviances sexuelles d'un couple à savoir le voyeurisme et le plaisir malsain qu'il prennent à humilier leurs différents partenaires. S'il n'est pas le plus connu des films de Damiani, il n'en mérite pas moins toute l'attention du spectateur d'autant plus qu'à sa sortie en Italie, Una ragazza piuttosto complicata connut de nombreux déboires avec la censure et faillit être séquestré.
La fille plutôt compliquée du titre n'est autre que Claudia qu'un jour Alberto, un jeune voyeur aux moeurs tout aussi compliqués surprend au téléphone. Il en déduit que Claudia pourrait être lesbienne et cherche à mieux la connaitre. Outre le goût du voyeurisme que tout deux partagent, ils se découvrent également une tendance pour l'humiliation. Ainsi réunis, ils vont pouvoir lors de jeux parfois dangereux vivre ensemble leurs déviances sexuelles communes. Tout pourrait être parfait si Alberto n'avait pas trouvé une arme dans le sac à main de Claudia, destinée selon elle à tuer sa belle-mère, Greta, une jolie femme un peu trop envahissante qui aurait fait de la jeune fille son esclave sexuelle. Tout aurait été encore plus parfait si Pietro, le petit ami de Claudia, avec qui elle vit une relation soi disant libre n'avait pas fait sa réapparition. Vicieux, de plus en plus jaloux, Alberto va alors entrainer Claudia dans un tourbillon de jeux pervers dont il perdra peu à peu le contrôle jusqu'au point de non retour, le meurtre.
Tiré du roman de Alberto Moravia, La marcia indietro, Una ragazza piuttosto complicata est loin d'être un film facile. Il n'y a pas que cette fille qui est ici compliquée mais c'est l'ensemble des personnages qui vivent une vie trouble, étrange, entretiennent des relations pour le moins équivoques pour ne pas dire une fois de plus compliquées. Plus que toute chose le film de Damiani est un drame dont le centre est la jalousie qui met en exergue les déviances sexuelles de protagonistes à la base vicieux et pervers. Une bonne partie du film tente d'analyser le caractère, la personnalité de ce couple très particulier à travers de longues voire très longues séquences de dialogues entrecoupées par les divers jeux qu'ils imaginent.
Alberto est un être cynique, jaloux, vicieux qui prend un certain plaisir dans le sadisme et nourrit, satisfait ses fantasmes sexuels à travers le voyeurisme en assouvissant ainsi ses déviances. Claudia quant à elle est une femme qui prétend vivre une sexualité libre dénuée de toute contrainte. Possessif, Alberto ne peut supporter de voir Claudia ne pas totalement lui appartenir et l'arrivée de son amant ne fera qu'embraser l'égo de Alberto, blessé dans son âme de mâle.
A ses relations aussi troubles que malsaines s'ajoute également le jeu que chacun joue de son coté compliquant encore plus ce noeud de vipères.
On pourra reprocher à toute cette première partie son coté bavard, le moyen par lequel Damiani a voulu expliquer le comportement de ses protagonistes. Bien que souvent intelligents, les dialogues pourront en décourager certains qui se noieront rapidement dans tout un flot de palabres psychologiques. Quant aux autres, ils se délecteront de ce jeu de réparties souvent fines, de ces batailles verbales où l'on doit à l'instar des personnages deviner les motivations, cachées ou non, de chacun. Damiani les illustre par les longues scènes de jeux et d'avilissement filmées le plus souvent de façon particulièrement statique. Curieux, comme attisé, le spectateur pour peu qu'il soit lui aussi joueur, qu'il entre, c'est le cas de le dire ici, dans le jeu, leurs jeux, s'amusera de voir jusqu'où ils pourront aller dans la perversion. Il se régalera ainsi de certaines séquences notamment celle où le couple humilie une jeune fille en la faisant chanter pour mieux se moquer d'elle avant de l'obliger à se déshabiller devant eux. Sauvée par deux hommes qui vont alors s'en prendre à Claudia et tenter de la violenter, Alberto se réjouira du spectacle avant de voler à son secours.
La seconde partie du film a quant à elle un discours beaucoup plus féministe dans lequel Damiani essaie de décrire les dangers de tels jeux, de tels comportements où le mâle au final sort le plus souvent perdant au profit de la femme, triomphante, un renversement de situation où le machisme est écrasé par l'esprit rebelle de la femme, beaucoup plus manipulatrice et en définitive bien plus perverse. Ainsi, Alberto, rongé par sa jalousie croissante et ses propres obsessions et déviances, blessé dans son orgueil masculin, en viendra au meurtre. Il écrasera de sang froid Greta alors qu'elle roule en vélo. C'est là l'erreur car Claudia profitera de ce geste pour retourner la situation à son avantage prenant ainsi le dessus sur Alberto qui sort alors perdant de ces jeux qu'il dominait jusqu'alors. Le final plus mitigé que filme le cinéaste sous la forme une fois de plus d'un long dialogue tente de montrer d'une manière quelque peu philosophique que Alberto aura trouvé dans le meurtre une forme d'équilibre entre ses fantasmes les plus déviants et ses actes. C'est libéré qu'il en sortira, libéré et heureux, comme s'il s'agissait là d'une sorte de thérapie bienfaisante.
S'il y avait un film à rapprocher de Una ragazza piuttosto complicata c'est bel et bien Un posto tranquillo di campagna de Elio Petri dont on retrouve la férocité, un certain langage de narration et son coté arty, très pop. On notera également la ressemblance physique frappante entre Jean Sorel et Franco Nero. Ce qui diffère Una ragazza... du film de Petri est l'absence de tout humour, un humour qui trop souvent rendait ridicule voire par moment pesant Un posto.... Damiani utilise un ton sérieux, presque scolaire tout en raccrochant son film à la Nouvelle Vague. Si certaines âmes chagrines persifleront qu'il y avait déjà Godard pour un tel cinéma, Una ragazza piuttosto complicata est cependant un film loin d'être dénué d'intérêt. Damiani signe une étude de moeurs introspective tout à fait cohérente même si elle reste légère au point de vue psychologique qui baigne sans cesse dans un contexte érotique morbide qui devrait plaire à l'amateur. Ainsi tout ceux qui comme nous au Maniaco ont fait de la perversion et l'avilissement d'autrui leur plaisir sexuel numéro un seront aux anges.
Si les scènes érotiques et de nudité pourront aujourd'hui sembler bien anecdotiques, remises dans le contexte d'époque, on comprendra qu'en plus du sujet sulfureux du film, la censure faillit tourner de l'oeil. Magnifiquement bien interprété par l'ex- scandaleuse lolita du cinéma transalpin des années 60, la française Catherine Spaak, et Jean Sorel, tout deux d'une étonnante justesse dans l'odieux, sans oublier Florinda Bolkan, bénéficiant d'une très jolie photographie et d'une partition musicale fort mélodique, Una ragazza piuttosto complicata s'il n'est pas à conseiller à ceux qui d'un film attendent action et suspens devrait par contre satisfaire tout ceux qu'un certain cinéma aussi intellectuel que morbide transcende toujours.