Quando Alice Ruppe lo specchio
Autres titres: Soupçons de mort / The touch of death
Réal: Lucio Fulci
Année: 1988
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 86mn
Acteurs: Brett Halsey, Ria De Simone, Al Cliver, Sasha Darwin, Zora Kerova, Marco Di Stefano, Maurice Poli, Antonio Maimone...
Résumé: Lester Parsons, un joueur criblé de dettes, a trouvé le moyen de se faire beaucoup d'argent pour payer ses dettes. Il attire de très riches et jolies veuves chez lui puis il les tue après les avoir dépouillées. Mais son ombre, son double démoniaque, va prendre le dessus. Lester va se mettre à sa recherche et tenter de mettre fin à ses méfaits...
Après avoir été un des maitres de l'horreur à l'italienne dés la fin des années 70, après un remarquable parcours durant lequel il toucha un peu à tous les genres le plus souvent avec succès, l'ultime partie de la carrière de Lucio Fulci fut un incessant enchainement de films tous plus mauvais les uns que les autres, une série noire entamée dés 1986 avec 2072 puis Aenigma. Malgré leur médiocrité, stupéfiante pour certains, on pouvait toujours leur trouver quelques points positifs qui réussissaient à les sauver de la catastrophe. Aenigma
possédaient certaines scènes qui parvenaient à retenir l'attention, l'idée des Fantômes de Sodome aussi mal utilisée fut-elle était somme toute plutôt originale. Quant à ses deux ultimes longs métrages, Demonia et Voix profondes, ils se hissaient au niveau d'honnêtes petits films d'horreur. C'est loin d'être le cas de Soupçons de mort qui avec Un gatto nel cervello est de loin le plus mauvais film que le Maestro ait réalisé.
Lester Parson, gigolo quinquagénaire et célibataire endurci, est un joueur invétéré passionné de courses de chevaux. Lester est couvert de dettes et doit trouver de l'argent pour les payer. Son ombre, en d'autres termes sa partie diabolique, prend alors le dessus.
Son double se met à la recherche de riches bourgeoises esseulées sélectionnées selon leurs difformités physiques afin de les dépouiller de leur argent et de leurs bijoux. Il ne lui reste plus ensuite qu'à les tuer de la manière la plus sadique qu'on puisse imaginer et de se débarrasser de leur corps, du moins ce qu'il en reste. Le plan machiavélique de Lester serait parfait si son double démoniaque ne finissait par le rattraper. Lester va donc se mettre à da recherche afin de stopper ses macabres exactions. C'est alors que Virginia, une jolie veuve le contacte et souhaite le rencontrer.
Lucio Fulci aurait il voulu mettre en scène une comédie horrifique? C'est la première idée
qui vient en tête lorsqu'on découvre ces Soupçons de mort tant le scénario est farfelu et si peu sérieux. L'humour noir et cruel très anglais est de mise tout au long du métrage, les références sont par instant évidentes comme celle de Allan Edgar Poe (pour l'homme poursuivi par son double maléfique), Charles Perrault pour le coté Barbe bleue moderne et Douglas Hickox (pour les clins d'oeil à Théâtre de sang) mais c'est surtout à Herschell Gordon Lewis qu'on pense de prime abord pour cet étalage sidérant de gore bon marché puisque Soupçons de mort repose essentiellement sur ses scènes sanguinolentes, ce jeu de massacre qui fait ressembler le film à un immense hamburger d'où dégoulinerait des
litres de ketchup. Voilà bien le gros problème de cette pellicule vite irritante. Non seulement Fulci met l'accent, insiste lourdement sur les effets sanglants qui cette fois donnent non seulement dans l'exagération mais aussi dans le sale, la laideur, ce à quoi Fulci ne nous avait jamais habitué jusque là. L'aspect crade en soi n'est pas forcément dérangeant mais couplé à ce manque de sérieux, au nec plus ultra du grotesque, du ridicule, il fait très vite s'effondrer cette histoire non dénuée d'originalité, reconnaissons le tout de même. Faut-il rire, faut-il pleurer? Faut-il être consterné? Une chose est sûre, beaucoup risquent de souffler devant un tel amoncellement de gore bon marché peu aidé par un récit truffé
d'invraisemblances et d'incohérences scénaristiques qui ne semblent pas du tout déranger un Fulci fort cynique mais aussi très potache.
Soupçons de mort est une farce gore et décalée avec son personnage principal totalement barré en quête de son ombre maléfique qui agit à sa place, un joyeux quinqua anthropophage à ses heures qui au son d'un morceau de musique classique découpe à la tronçonneuse un cadavre (un vulgaire mannequin en plastique car oui le responsable des effets spéciaux ne s'est pas foulé vu l'inexistence du budget) qu'il hache ensuite menu pour le donner à ses porcs alors que lui même vient de déguster un steack haché en écoutant
les résultats des courses. La scène d'ouverture donne le ton, le reste est à l'avenant mais plus on avance dans le métrage plus on sombre dans le n'importe quoi jusqu'au final peu surprenant, attendu mais fonctionnel.
Jouer la carte de l'humour noir, acide, du cynisme, faire rire tout en écoeurant demande un certain talent que Fulci ne possède pas encore moins le dialoguiste qui multiplie des répliques particulièrement crétines que récitent des acteurs au jeu tout juste passable. Voilà un exercice risqué qui peut devenir vite insupportable à moins d'avoir le rire facile.
Quant à l'interprétation parlons en justement. En tête de distribution on retrouve Brett Halsey
qui joua régulièrement pour Fulci durant ces maigrichonnes périodes. Halsey cabotine, s'amuse, sifflote mais à un peu de mal à donner à son rôle une certaine épaisseur mais vu les circonstances il s'en tire assez bien. Il est entouré de comédiens fidèles à Fulci comme l'incontournable Al Cliver convoqué à une partie de poker très peu crédible, l'autrichienne Sasha Darwin en ivrogne tête à claques et Zora Kerova toujours aussi belle et lumineuse apparait lors de l'ultime partie du film, de loin la plus intéressante, la moins gore surtout. L'opulente Ria De Simone se glisse dans la peau d'Alice (celle du titre), une cantatrice qui ne peut s'arrêter ses vocalises. Maurice Poli intervient brièvement en présentateur télé.
Les amateurs de gore grossier façon bolognaise pourront peut-être trouver une quelconque satisfaction dans ce Soupçons de mort ainsi que les plus tolérants et ceux qui ont le rire facile. Quant aux autres, malgré les bonnes intentions d'un Fulci excessif d'humeur cette fois noire et rigolarde, difficile pour eux de prendre un sincère plaisir à visionner cette outrance pelliculaire rythmée par une partition souvent irritante signée Carlo Maria Cordio. Si on veut être "cool" comme dirait notre jeune public considérons Soupçons de mort comme un simple divertissement, une récréation gore surréaliste.