Erna Schurer: du roman-photo à la finance
Si son nom a souvent induit en erreur quant à ses véritables origines, elle n'en est pas moins une pure napolitaine qui dés la fin des années 60 illumina les écrans de sa lumineuse blondeur. Du western au giallo en passant par l'érotisme et le WIP elle a en quelques 20 ans de carrière touché à pratiquement tous les genres avant de se retirer des feux de la rampe et s'évanouir dans le néant jusqu'à sa récente et inattendue réapparition.
Lancée par Alberto Cavallone, propulsée nouvelle starlette de l'érotisme d'alors, elle est souvent restée une énigme pour l'amateur de cinéma de genre. Tout mystère se devant d'être levé, le Maniaco vous invite donc à faire plus ample connaissance et lever le voile sur l'insaisissable Erna Schurer.
De son vrai nom Emma Costantino, Erna est née à Naples. C'est à sa mère d'origine suédoise qu'Emma doit son éclatante blondeur. Dés son plus jeune âge, Emma est très intéressée par le milieu artistique notamment le théâtre. Alors qu'elle et sa famille s'installent à Milan, elle intègre la troupe de Giorgio Strehler avec laquelle elle fait ses débuts sur les planches. Pour gagner un peu plus d'argent elle devient modèle et pose pour Vogue, Harper et Bazaar avant de devenir une des héroïnes récurrentes de romans photos noirs dont le fameux Sadistik / Killing. Cela lui permet de voyager aux quatre coins de l'Europe, de Paris à Berlin en passant par Rome mais aussi New York. Une époque où on gagnait énormément d'argent tout en pouvant en dépenser beaucoup dit elle malicieusement.
Ses débuts au grand écran elle les doit à son oncle, Carlo Borghesio, un célèbre réalisateur de documentaire. La grande passion d'Emma était de devenir réalisatrice, un rêve assez rare à cette époque pour une femme avoue t-elle. C'est tout naturellement qu'elle se retrouve donc propulsée devant la caméra et tourne son premier film en 1960 alors qu'elle est encore toute jeune, Il rossetto / Jeux précoces de Damiano Damiani. Ses idoles d'alors sont Glenda Jackson ou Vanessa Redgrave et plus que jamais Emma veut prouver qu'une femme peut être autre chose que belle.
Sept années s'écouleront avant qu'Emma ne revienne au cinéma. Sur le choix de son pseudonyme, la blonde napolitaine confesse qu'elle s'est inspirée d'une de ses idoles d'alors, une fameuse championne de ski allemande Erna Scheurer qu'elle admirait. C'est ainsi qu'Emma devient Erna Schurer, son véritable patronyme étant peu adapté pour faire carrière au cinéma. Longtemps bon nombre de réalisateurs ont cru qu'Emma était d'origine germanique. Elle interpréta même quelques personnages allemands pour le théâtre alors qu'elle ne parle pas un mot de la langue de Goethe.
Emma devenue Erna revient au cinéma en 1967, année où débute réellement sa carrière d'actrice avec deux westerns, Lola Colt et Johnny Texas. Elle se souvient particulièrement du second puisque sa partenaire, l'allemande Monika Brugger lui cassa le nez lors d'une scène de gifle. Une vraie idiote commente aujourd'hui Emma.
C'est en 1969 que Erna va se faire vraiment remarquer du public grâce à Alberto Cavallone qui l'après l'avoir vue dans une publicité lui offre le rôle principal de Le salamandre aux cotés de Beryl Cunningham. Le succès est indéniable, la carrière de Erna est lancée. La jeune actrice va dés lors enchaîner les rôles. La même année elle est l'héroïne du giallo-fumetti La bambola di Satana de Ferruccio Casapinta suivi du lesbien Le altre du tunisien Alex Fallay, compagnon d'alors de Monica Strebel. C'est le compagnon de Erna, Carlo Maietto, qui produisit le film. On la voit ensuite dans 28 minuti per 3 milioni di dollari / Un casse pour des clous de Maurizio Pradeaux. Elle poursuit avec Erotissimo de Gérard Pires avec Annie Girardot et Jean Yanne dont elle garde un merveilleux souvenir. Erna habitait alors Paris.
Elle apparait dans le giallo psychologique Un gioco per Eveline de son ami Marcello Avallone. Pour rester dans le genre elle est au générique de Le tue mani sul mio corpo de Brunello Rondi qui fut un de ses réalisateurs préférés. C'est dans ses films que Erna avoue avoir été au meilleur de sa forme, d'avoir donné le meilleur d'elle même. Elle tournera pour lui l'impressionnant Valeria dentro e fuori, Prigione di donne / Quartier disciplinaire pour femmes perverses et le mélodrame existentiel Tecnica di un amore, une de ses compositions les plus fortes.
A coté de cela, Erna continue de tourner des films de moindre importance dans lesquels elle incarne des personnages de femme dont le seul intérêt est d'être belle, des femmes potiche qui ne servent à rien. Elle détestait cela mais telle est la loi du cinéma si on veut continuer à travailler. Jusqu'en 1976, Erna ne cessera de tourner. Elle est l'héroïne de Il castello dalle porte di fuoco / Le monstre du château de José Luis Merino, un professionnel dit elle, Istantaneo per un delitto de Samperi, Furia nera de Fidani, Nue pour l'assassin ou encore Carnalità et Le Mans circuit de l'enfer.
Elle garde un souvenir indélébile de I leoni di Pietroburgo tourné en Bulgarie par - 40°, une véritable expérience humaine. Elle touche à la sexy comédie avec la décamérotique Il tuo piacere è il mio, Scusi si puo evitare il servizio militare... no? ou La vergina il toro il capricorno / Lâche moi les jarretelles aux cotés d'Edwige Fenech qui avait déjà été sa partenaire dans Le Mans circuit de l'enfer. Jouer nue n'a jamais vraiment embarrassée Erna tant que c'était fait de manière professionnelle et surtout que ces scènes n'étaient pas gratuites.
En 1976, elle est une redoutable kapo dans Les déportées de la section spéciale SS de Rino Di Silvestro, un réalisateur selon elle un rien sadique au vu de cette étrange lueur qui brillait dans ses yeux lors du tournages des séquences de violence.
Dés 1977 Erna va se faire plus rare sur les écrans. En fait, l'actrice se lasse du cinéma. Elle aimerait désormais faire d'autres choses non plus en tant qu'Erna Schurer mais comme Emma Costantino. Elle tournera son dernier film, une petite série d'horreur, en 1985 sous la houlette de son ami Marcello Avallone, Spettri/ Spectres. Après un ultime rôle pour la télévision dans La vità è una tromba, Erna met un terme définitif à sa carrière d'actrice et semble s'évanouir dans le néant au grand dam de ses admirateurs.
A cette époque, Emma était éprise d'un réalisateur qui comprenait très bien ses nouvelles aspirations. Le cinéma italien ne l'intéressait plus. Elle démarre alors une toute nouvelle vie
en 1985, celle d'entrepreneur financier. Elle monte sa propre entreprise, l'Eurogift, qui va tracter avec les plus grosses banques d'Italie, d'Europe et d'Amérique.
Désormais installée à Florence, voilà 25 ans qu'Erna gère ses entreprises, pleinement satisfaite et surtout épanouie même si son amour pour le théâtre et le cinéma ne l'a jamais quitté. Elle a simplement tourné une page de sa vie pour en écrire une nouvelle.
Emma est récemment réapparue pour le plus grand bonheur de ses fans qui ne l'ont pas oublié grâce à un documentaire sur Killing dont elle fut l'héroïne avant de devenir cette lumineuse actrice qui a illuminé les salles obscures durant quasiment 20 ans.