Prigione di donne
Autres titres: Quartier disciplinaire pour femmes perverses / Pénitencier de femmes perverses / Sex life in a women's prison/ Women's Prison / Erotic Confessions from a Women's Prison / Riot in a Women's Prison
Real: Brunello Rondi
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: WIP
Durée: 83mn
Acteurs: Martine Brochard, Cristina Galbo, Maria Pia Conte, Erna Schürer, Marilu Tolo, Katia Christine, Maria Cumani Quasimodo, Isabelle De Valvert, Aliza Aldar, Luciana Turina, Felicita Fanny, Anna Melita, Corrado Gaipa, Luigi Antonio Guerra...
Résumé: Une jeune fille de bonne famille suite à une erreur judiciaire se retrouve plongée dans l'enfer d'une prison pour femmes. Elle y découvre la vie carcérale et le désespoir de ces femmes. L'injustice et la violence qui y règnent amènent les détenues à se rebeller. Maitrisées, elles sont envoyées dans une prison située en pleine mer d'où toute tentative d'évasion semble impossible. La menace et la rébellion grondent...
Proche de Pasolini avec qui il collabora dans les années 60, scénariste pour Fellini, Brunello Rondi après un début de carrière fort intéressant (Le démon dans la chair, Une vie violente) amorça un virage vers l'exploitation assez virulente dés le début des années 70 tout en s'efforçant de toujours y adjoindre un discours social ou politique. C'est vers le WIP qu'il se tourne en 1974 en signant Prigione di donne connu en France sous bien des appellations toutes plus alléchantes les unes que les autres mais peut être pas tout à fait à l'image du film comme le laissent également supposer les différents titres anglais.
Si souvent ce type de films est prétexte à aligner toute une série de séquences érotiques plus ou moins hard entre deux scènes de violence carcérale souvent gratuite, Si l'intrigue de cette coproduction italo-espagnole, un des tout premiers WIP italiens avec celui de Di Silvestro, reste classique, une jeune fille de bonne famille suite à une erreur judiciaire se retrouve plongée dans l'enfer d'une prison pour femmes, Prigione di donne s'éloigne cependant assez du schéma habituel du WIP pur et dur. Le film de Rondi est en effet une œuvre un peu plus ambitieuse que la majorité des oeuvres transalpines de ce type même si finalement Prigione di donne ne reste qu'un bon film d'exploitation qui décrit de façon parfois
complaisante la vie sexuelle des détenues.
Avant toute chose, Rondi tente de montrer une vision de l’univers carcéral féminin beaucoup plus sérieuse que ce que l'on peut habituellement voir dans les WIP traditionnels. On devine l’ambition d'avoir voulu faire un film réaliste, engagé et accusateur, derrière toute un lot de séquences souvent crues, violentes, teintées de désespoir, qui s'imbriquent cette fois de manière tout à fait logique dans le récit sans pour autant perdre de leur aura exploitative, ce coté voyeur qui ravira l'amateur. Les scènes de saphisme, masturbation, de douche collective et de fouilles intimes plutôt détaillées et particulièrement audacieuses dans la version
intégrale sont ainsi au menu mais adroitement construites contrairement à Condamnées à l'enfer de Di Silvestro entre autres où ces dernières ne sont jamais vraiment ni justifiées ni judicieusement insérées à la trame narrative.
C'est avec une certaine habileté que Brunello Rondi assisté au scénario par un criminologue de renom, Aldo Semerari, parvient à dénoncer d'une part l'hypocrisie du système médiatique, d'autre part l’inhumanité du système carcéral qui mènera d'ailleurs les héroïnes à une brutale et spectaculaire rébellion en milieu de film qui les condamnera à être enfermées dans une forteresse perdue au milieu de la mer (la prison forteresse de San Michele où le
film fut en majeure partie entièrement tourné). En résulte une atmosphère maladive emplie de désespoir assez étonnante à travers laquelle Rondi est parvenu à montrer toute la détresse de ces femmes résolues qui n'attendent plus rien de la vie. Elles en deviennent à la fois attachantes et émouvantes. Elles ne sont plus de simples caricatures ou stéréotypes comme trop souvent mais de véritables êtres humains en pleine détresse abandonnés par la vie, des oubliées de Dieu que seule une radio ou un vieil électrophone relie encore au monde extérieur qui derrière la violence cachent leurs peurs et leur désespoir.
Autre point intéressant du film est la dénonciation de l'Eglise que tente de faire le cinéaste. Il
pointe en effet du doigt la complicité du clergé qui gère la prison et entretient un véritable climat d'hypocrisie totalement indifférent face au sort des détenues ou quand la charité chrétienne et le pardon sont laissés aux portes de ces geôles miséreuses. Les nonnes sont toutes plus cruelles et intéressées les unes que les autres, impassibles devant le malheur de ces pauvres filles. Au nom de Dieu et de la Sainte Eglise elles usent et abusent de leurs pouvoirs et n'ont en ce sens rien à envier aux matrones qui font régner l'ordre et la discipline dans ces prisons.
On saluera donc les efforts de Rondi d'avoir voulu faire un film social tout en donnant sa
vision personnelle du système carcéral comme il l'avait déjà fait avec le dérangeant Valeria dentro e fuori en dénonçant les abus dans les établissements psychiatriques. Les intentions sont nobles mais Prigione di donne reste maladroit n'arrivant guère à sortir du sillon de la simple exploitation. Pas très vraisemblable même si bien écrit et plutôt correctement mis en scène, le film oscille sans cesse entre d'un coté violence, voyeurisme et érotisme fortement appuyés et de l'autre coté l'accusation sociale trop faible. Rondi tente ainsi de satisfaire à la fois un public avide de voyeurisme et un spectateur plus exigeant. Le premier l'emporte sur le second.
Accompagné d'une très belle partition musicale signée Albert Verrachia, agrémentée quelques vieilles ritournelles italiennes, Prigione di donne bénéficie également d'une convaincante interprétation. On y retrouve toute une brochette d'actrices qui chacune incarne une facette de l'âme humaine dont la française Martine Brochard qui endosse le rôle assez complexe de l'héroïne, à la fois désillusionnée, défaitiste, mais terriblement courageuse, guidée par une force intérieure assez étonnante. A ses cotés, on aura le plaisir d'admirer le regard toujours aussi hypnotique de Marilu Tolo qu'on a cependant connu plus convaincante, la blonde Erna Schurer peu crédible faute à un visage trop impeccablement maquillé, Maria Pia Conte, la rebelle Katia Christine (La victime désignée) et la jeune et fragile Cristina Galbo. On mentionnera également la performance de Maria Cumani Quasimodo dans la
défroque de la rigide Mère supérieure.
Malgré son manque de crédibilité, le ridicule de quelques séquences, Prigione di donne s'il échoue quelque peu dans sa tentative accusatrice n'en demeure pas moins une belle réussite, un agréable WIP à l'impact émotionnel certain qui ne décevra pas l'amateur d'exploitation. Avec Condamnées à l'enfer réalisé l'année précédente il demeure un bel exemple de WIP plutôt intelligent qui tente à illustrer la dureté d'un système carcéral d’un autre âge et ses conséquences tragiques sur ces femmes laissées à l'abandon.