Tecnica di un amore
Autres titres:
Real: Brunello Rondi
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 81mn
Acteurs: Janet Agren, Erna Schurer, Silvano Tranquilli, Paola Corazzi, Norberto Botti, Lorenzo Piani, Sergio Parri, Alessandro Perrella...
Résumé: Andrea et Sabina traverse une grave crise conjugale. Dans leur villa au bord de lamer ils essaient de se retrouver mais n'y parviennent pas. Une nuit Andrea fait la connaissance d'une étrange jeune hippie, Monica. Il l'invite à passer la nuit à la villa. Très vite, la jeune fille fascine Andrea même si cette dernière refuse tout acte sexuel. Les relations entre Andrea et son épouse se dégradent de plus en plus. Arrive alors le compagnon de Monica, Yorgo, que Sabina va tenter de séduire. Cette relation à quatre va lentement les mener vers une inéluctable tragédie...
Après un violent réquisitoire contre les institutions psychiatriques, Valeria dentro e fuori, et un tout aussi brutal mais trop maladroit Ingrid sulla terra qui dépeignait les sombres réalités de la rue à travers les pérégrinations d'une prostituée au sein d'un groupuscule néo-nazi, le controversé Brunello Rondi s'attaque ici à un des thèmes les plus convoités dans le cinéma italien des années 70, le couple de bourgeois en pleine crise conjugale qui lentement sombre à la dérive.
Sabina et Andrea traversent une période difficile. S'ils s'aiment toujours, ils ne se supportent plus, ne se touchent plus. Sabina lui reproche son indifférence, son impassibilité, elle ne se sent plus exister à ses cotés, un mal qui la ronge et la détruit lentement. C'est alors que surgissent dans leur vie deux jeunes hippies, Monica, une étrange suédoise qui a pour Dieu une vieille poupée désarticulée, et son ami d'origine grecque, Yorgo. Si Monica communie avec la nature et prône le naturisme, elle refuse de faire l'amour qui progressivement tombe sous le charme de la jeune fille. Sabina accepte qu'ils s'installent dans leur villa comme elle accepte que Andrea soit amoureux de cette intruse. Elle se laisse cependant séduire par Yorgo, une façon de combler ses frustrations et oublier sa douleur. Ce dangereux jeu à quatre poussera Sabina au suicide, une mort dont Andrea tiendra les deux hippies pour responsables. Le drame est désormais inévitable.
Si Tecnica di un amore peut très bien s'ancrer dans le joli filon des drames érotico-maritimes alors fort en vogue, le film de Rondi est avant une nouvelle mise en images de ses ambitions autant intellectuelles qu'existentielles à qui il donne vie à travers ce couple en crise. Sorte d'étude sociologique des moeurs et coutumes de la bourgeoisie, Tecnica di un amore est un film sur l'incommunication entre deux êtres qui s'aiment encore mais ne parviennent plus à se parler, à se comprendre depuis une bonne décennie, se perdant dans une foule de questions existentielles auxquelles ils ne trouvent aucune réponse. En découle ce désir de liberté, fort, irrépressible, terriblement effrayant comme peut l'être l'inconnu.
Si le titre est un clin d'oeil au cinéma de Antonioni que Rondi a souvent tenté d'imiter, les thèmes traités en sont également proches. Prétentieux certes car Rondi qui, rappelons le, débuta auprès de Pasolini et fut un scénariste de génie pour Fellini n'est cependant pas Antonioni. On retrouve donc ici les défauts inhérents à l'oeuvre du metteur en scène. Consciencieux et plein de bonne volonté, il ne parvient malheureusement pas à maitriser son histoire en voulant traiter un peu trop de sujets à la fois, ni à réellement la mettre en scène. Il donne comme souvent l'impression de vite se noyer dans un verre d'eau. Il manque au film cette profondeur de réflexion qui demeure trop superficielle malgré des dialogues aujourd'hui bien datés dus à Piero Regnoli qui se veulent très souvent philosophiques mais
sont surtout trop littéraires et invraisemblables, accentués par une récitation très théâtrale, pour qu'on puisse réellement y adhérer. Rondi pose ses bases, part de très bonnes intentions mais les épaules trop fragiles pour un tel labeur, il ne parvient pas à vraiment intéresser le spectateur, à lui faire pénétrer l'univers de ce couple qui se déchire, à lui faire ressentir quelconque émotion. Les divers rebondissements, les situations dramatiques tournent quelque peu à vide même si Rondi réussit tout de même à mettre en place une légère tension qui va crescendo et débouchera sur la tragédie finale.
Comme dans la plupart de ses films Rondi se laisse aller vers un coté exploitatif qui devrait satisfaire une fois de plus l'amateur mais range Tecnica di un amore dans la catégorie des films érotiques d'exploitation pseudo-intellectuels. Le réalisateur s'attarde sur les courbes de ses deux héroïnes, multiplie les scènes de nu parfois gratuites sous couvert de discours libertins, s'amuse à quelques fantaisies telle la séquence où le couple fait l'amour sur un air de Beethoven qui n'est pas sans rappeler celle de Orange mécanique dont Rondi pille allégrement l'affiche mais nous offre également une scène de sacrifice animalier aujourd'hui totalement impensable, un veau tué vivant dont son bourreau dévorera les entrailles après avoir bu son sang. Rondi y ajoute aussi une dose ce mysticisme à travers d'une part le personnage de Kamen, ses divers rites et autres invocations divines faussement ethniques
mais dans l'air du temps, d'autre part via ce couple de hippies aux moeurs très libres, plus particulièrement Monica, tentatrice machiavélique tendance naturiste qui soutient détenir les clés du véritable amour, d'une sexualité parfaite. Kitch fort certainement mais représentatif des courants de pensées d'alors. Rondi appuie comme d'accoutumée ces aspects jusqu'à faire osciller sans cesse le résultat entre pur cinéma d'exploitation et film d'auteur, incapable semble t-il de choisir ou simplement laisser ses penchants pervers de coté. Sans être un véritable défaut, cela risque de faire tiquer les plus consciencieux mais cela devrait ravir tous les autres d'autant plus que Tecnica di un amore est visuellement très beau. Et c'est sur ce point précis que le réalisateur fait preuve de grand art. Tourné à Ponza dans la région du
Latium, il nous en fait découvrir les superbes paysages maritimes baignés de soleil, ses plages sauvages, magnifie cette gigantesque villa perdue au milieu de ces splendides décors naturels fort bien mis en valeur par une excellente photographie. On appréciera les très nombreux nus d'une Janet Agren au top de sa beauté, jeune hippie naturiste désinhibée qui communie avec la nature, fend les eaux claires telle une sirène mi-ange mi démon. De quoi satisfaire une fois de plus les nombreux amateurs de drames exotico-érotiques sur fond d'océan dont l'Italie s'était un temps faite la spécialiste, ce qu'est et demeure finalement Tecnica di un amore sous ses airs faussement philosophiques et artistiques. On appréciera la merveilleuse et envoutante partition musicale de Alberto Verecchia qui apporte au film
une bonne partie de sa force émotive que transcende Erna Schurer, qui arbore ici une coupe garçonne du plus mauvais effet, dans le rôle de Sabina. Déjà à l'affiche de Le tue mani sul mio corpo et Valeria dentro e fuori, Erna nous livre ici une formidable et douloureuse composition, entièrement investie par son personnage de femme désespérée. Est il donc étonnant que Erna lui porte encore aujourd'hui une affection toute particulière, le considérant comme un des plus beaux films qu'elle ait tourné dans sa carrière? A ses cotés Silvano Tranquilli, le visage fermé et impassible, offre un jeu des plus corrects sans être pour autant au maximum de ses capacités de comédien. A leurs cotés on retrouvera une toute jeune et trop inexpressive Paola Corazzi qui interprète la mystique Kamen et l'énigmatique mais O combien fantasmatique Norberto Botti, le séduisant Yorgo, aperçu auparavant dans Racconti proibiti... di niente vestiti.
Tecnica di un amore est un joli drame que devraient aimer les nombreux amateurs du cinéma de Rondi qui y retrouveront les travers habituels. Ce ne sera donc point une surprise. A moins d'être exigeant, on ne pourra que se laisser aller face à cette sombre tragédie pourtant si ensoleillée devenue depuis outre une oeuvre très recherchée car aujourd'hui rare un véritable culte auprès des amoureux du réalisateur.