Un gioco per Eveline
Autres titres:
Real: Marcello Avallone
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 85mn
Acteurs: Adriana Bogdan, Rita Calderoni, Luisa Delli, Marco Guglielmi, Wolfgang Hillinger, Franco Jemma, Giorgio Libassi, Simonetta Negri, Erna Schürer, Angelo Tagliavia...
Résumé: Suite à un accident de voiture, deux jeunes mariés, Pierre et Nathalie, sont recueillis dans une villa isolée occupée par un étrange couple Philippe et sa femme Milou. Ils semblent avoir vécu une tragédie puisque leur fillette, Eveline, serait morte quelques mois auparavant. Contraints de séjourner plus longtemps que prévu chez ce couple, Pierre et Nathalie commencent à remarquer des choses étranges. Des pleurs et gémissements d'enfant se font entendre la nuit, un violon joue comme surgi du néant tandis que Nathalie découvre la chambre d'Eveline. C'est alors que la fillette apparait à Pierre. A quel jeu jouent donc Philippe et Milou, une épouse en apparence traumatisée et apeurée. Eveline est elle réellement morte? Est elle vivante? Est ce un fantôme qui hante la villa? Ou n'est elle qu'un rêve, la matérialisation inconsciente des obsessions ou de la folie des protagonistes? Doucement des relations de plus en plus intimes vont se tisser entre ses quatre personnages en pleine crise conjugale au rythme d'un jeu dont la fillette est l'enjeu...
Second film de ce réalisateur bien peu prolifique que fut Marcello Avallone essentiellement connu pour son sex-mondo qu'il réalisa à ses débuts en 1969, L'altra faccia del peccato, et ses deux tardives tentatives horrifiques, Maya et Spectre, Un gioco per Eveline fait résolument partie de ces curiosités du cinéma de genre transalpin qu'il fait bon redécouvrir aujourd'hui. Situé en Corse mais tourné à Mondello prés de Palerme, Un gioco per Eveline rentre dans la catégorie des thrillers psychologiques à la Lenzi en vogue au début des années 70, à mi-chemin entre le drame et le film érotique qui pointerait du doigt les doutes et les inquiétudes de la vie de couple, un sujet souvent traité dans un certain cinéma italien d'alors dit intellectuel.
Le principal intérêt et surtout atout du film est de ne jamais réellement donner de réponse au spectateur en le laissant se poser mille et une questions quant à la fameuse Eveline du titre tout en l'égarant entre rêve et réalité. Qui est en réalité cette mystérieuse enfant sur laquelle repose le film tout entier. Est elle vivante? Est elle morte? Est ce un fantôme, un rêve, un simple souvenir? Est elle le fantasme de l'inconscient d'une mère qui se reproche la mort de son enfant? Est elle l'incarnation des obsessions des protagonistes ou peut être même de leur folie? Avallone joue parfaitement sur toutes ces interrogations en parvenant de surcroit à créer une atmosphère étrange, parfois angoissante, pesante tant durant les scènes de jour (cette villa perdue dressée sur une falaise qui surplombe la mer qu'habite ce couple étrange hanté par la mort présumée de leur fillette) et les scènes de nuit qui utilisent une partie des éléments propre au cinéma d'épouvante gothique (les pleurs de la fillette venus de nulle part, ses apparitions spectrales, la comptine, le violon qui joue dans la nuit, les hurlements à la mort qui réveillent le jeune couple, le vent et les orages...).
Tout est mis en oeuvre pour que le suspens jamais ne se relâche jusqu'aux ultimes minutes où Avallone abattra ses cartes lors d'un final pour le moins surprenant qui pourra en décevoir plus d'un. Tout le scénario repose en effet sur l'existence ou non de Eveline, la petite fille du couple qui recueille Pierre et Nathalie suite à leur accident de voiture. Contraints de rester chez eux quelques jours puisque leur véhicule ne peut être réparé comme par hasard dans l'immédiat, ils vont être les témoins d'étranges évènements, de faits parfois anodins mais troublants (la présence de la poupée qui apparait et disparait, la découverte de la chambre d'Eveline mais surtout ces gémissements d'enfants et ce violon qui joue la nuit...) mais également du comportement plus qu'inhabituel de leurs hôtes, Milou, une épouse névrosée,
fragilisée, malheureuse qui vit dans la peur, rongée par la mort de son enfant et Philippe, son mari, un homme tout aussi mystérieux qui semble cacher un terrible secret qu'il ne veut ou peut avouer. Les liens vont se tisser entre ces quatre personnes, chacun trouvant envers l'autre le propre reflet de ses doutes, ses inquiétudes ou tout simplement de ses désirs. Ainsi Milou se rapproche lentement de Pierre en qui elle voit le conjoint idéal et une porte vers la liberté tandis que Nathalie par vengeance se jette dans les bras de Philippe qui pourtant la repoussera. Tous ces évènements ne feront que précipiter la crise conjugale latente entre Pierre et Nathalie, une jeune femme mauvaise et perfide qui doucement va prendre les rênes de ce jeu inquiétant dont Eveline est le centre.
Sans verser une seule goutte de sang ni avoir recours à une multitude de scènes de nu, Avallone réussit à tenir en haleine son public qui tient à connaitre les tenants et les aboutissants de cette curieuse histoire qui, sans jamais être originale, mélange avec une certaine adresse les bases du thriller classique et du fantastique. Si on pourra reprocher au cinéaste de faire quelque peu trainer en longueur l'intrigue, on pourra surtout regretter une conclusion aussi abracadabrante que facile après avoir entrainé le spectateur dans l'insensé, l'irraisonné et le surnaturel. L'explication beaucoup trop naturelle quant à elle n'est peut être pas à la hauteur des attentes et c'est un brin déçu qu'on verra le générique défiler avec un tête une phrase trop classique qui pourrait résumer l'ensemble: Et le rêve prit vie même si à l'écran c'est une réflexion de Samuel Beckett qui s'y inscrit.
Quoiqu'il en soit Un gioco per Eveline ne laissera pas indifférent et captivera sans mal tout ceux qui se laisseront d'une part prendre à ce jeu et d'autre part à la vénéneuse beauté de Erna Schurer qui domine sans mal scène une distribution peut être un peu trop fade. La
roumaine d'origine belge Adriana Bogdan dont ce fut l'unique apparition en Italie reste trop insignifiante tandis que le blond bellâtre Wolfgang Hillinger déjà repéré dans L'isola delle svedesi puis Diabolik, Les damnés ou encore Le décaméron et Marco Giuglielmi également responsable du scénario sont peut être pas à la hauteur de leur personnage ni à celle de Erna. On appréciera l'apparition de la polsinienne Rita Calderoni en version blonde et chignon sévère dans le double rôle de la maitresse d'école et d'une assistante sociale.
Injustement oublié, difficilement visible aujourd'hui, Un gioco per Eveline qui pourra rappeler 5 filles dans une nuit d'été de Mario Bava de par sa localisation, une sublime île méditerranéenne, et son enfermement, est un petit thriller psychanalytique qui mérite l'attention de l'amateur non seulement pour sa rareté mais également pour ce charme envoutant qui en émane. A sa sortie en Italie le film fut un énorme fiasco que Avallone eut bien du mal à digérer tant et si bien qu'il disparut durant deux ans.
Pour l'anecdote, Erna Schurer avoue que le film fut en majeure partie financé par un mafioso.