Sherry Buchanan: Du roman-photo aux étoiles
Si son nom est irrémédiablement associé à quelques fleurons du cinéma de genre italien, elle ne défraya pourtant que peu la chronique. Aussi belle que discrète, elle est restée une sorte d'énigme pour ses nombreux admirateurs d'autant plus qu'elle semblait s'être évaporée à la fin des années 80. Si certains se souviennent d'elle pour les quelques oeuvres érotiques dans lesquelles elle apparut, elle n'a cependant jamais réellement accédé au statut de sexy starlette. Choix personnel ou aléa d'une carrière pas toujours évidente, elle est quoiqu'il en soit le plus souvent restée cantonnée aux rôles de second plan.
Le Maniaco se devait de rendre un bel hommage à cette si délicieuse et frêle actrice dont on a jusqu'alors que trop peu parlé, la douce Sherry Buchanan dont l'aura de mystère va doucement s'estomper.
De son vrai nom Cheryl Lee Buchanan, Sherry est née à Biloxi aux Etats-Unis. Elle passe toute son son enfance à la Nouvelle-Orleans où elle suit un parcours scolaire des plus normaux. C'est alors que le destin va venir frapper à sa porte sous les traits de Sergio Leone qui tournait alors Mon nom est Personne. La production avait absolument besoin d'une personne sachant parler italien pour accueillir un groupe de figurants choisi pour le film mais la secrétaire s'était absentée pour convoler en justes noces. Un ami de la mère de Sherry vint un soir lui demander en catastrophe si elle pouvait laisser sa fille y aller. C'est ainsi que Sherry qui parlait français et espagnol se retrouva propulsée dans le monde du 7ème art. Un véritable hasard! Fort contente de son travail, la production lui demanda ensuite de les accompagner en Espagne. Et de fil en aiguille, Sherry se fraya un chemin jusqu'à Rome après qu'un couple travaillant sur le film lui ait offert de gentiment l'héberger.
Sherry n'a que 20 ans mais les portes du cinéma vont très vite s'ouvrir à elle. Après quelques petits boulots toujours dans le milieu du cinéma elle apparait pour la première fois à l'écran en 1974 dans La polizia chiede aiuto / La lame infernale de Massimo Dallamamo. Sherry y incarne une jeune fille particulièrement rebelle et désinhibée dont Dallamano profite de la nudité lors de quelques plans qui auraient pu envoyer Sherry au rang des lolita italiennes alors fort en vogue. Elle enchaîne avec la sexy comédie de Bruno Gaburro Il letto in piazza où elle interprète cette fois la fille de John Ireland pour qui Renzo Montagnani va perdre la tête. Elle poursuit sur cette voie avec L'inconveniente de Pupo De Luca dans lequel elle a pour
partenaire Gilles Kohler, l'inoubliable ange de La merveilleuse visite et futur protagoniste de Bilitis. La comédienne ne garde pas un excellent souvenir de ce film où elle ne s'amusa guère, faute à une ambiance peu ludique et un peu tendue avec ses jeunes partenaires. Sherry se cantonne dans ce type de rôle érotique et coquin où elle se dévêt facilement. Sherry confesse d'ailleurs à ce propos que la nudité ne l'a jamais gênée et la considère comme quelque chose de tout ce qu'il y a de plus naturel.
Mais à l'époque des Gloria Guida et consorts Sherry demeure quelque peu dans l'ombre de ses consoeurs malgré sa silhouette gracile et sa beauté quelque peu particulière assez éloignée des critères de la lolita. Sherry va ainsi continuer à apparaitre dans ce type de rôle.
Elle est au générique de l'énigmatique Maldoror de Alberto Cavallone avant d'incarner une junkie dans Action immédiate de Castellari. Vont suivre en 1977 une trop courte apparition dans Tentacules de Ovidio Assonitis, plus radieuse que jamais, dans lequel elle donne la réplique à Franco Diogene avant d'être dévorée par la pieuvre géante, le mystérieux Maldoror de Alberto Cavallone qui ne tarissait pas d'éloges sur Sherry et sa beauté, Occhi delle stelle / La quatrième rencontre de Mario Gariazzo en 1978 où elle est une modèle qui disparaitra trop tôt, enlevée par des extra-terrestres belliqueux et surtout en 1979 La settima donna de Franco Prosperi où elle est une des jeunes otages dont on n'oubliera pas la mort insoutenable, déflorée à l'aide d'un manche à balai.
Si la beauté de Sherry éclairait nos écrans et enchantait ses nombreux admirateurs depuis prés de six ans déjà, il faut dire que le cinéma n'était pas toute la vie de la jeune comédienne qui a une autre corde à son arc, le roman-photo dont elle est une des jeunes stars.
C'est au début des années 70 que la belle Sherry a débuté dans cette branche sous le nom de Kitty Sullivan. Elle fut en effet une des comédiennes attitrées de la maison d'édition Condor. Elle travaillera ensuite pour la Lancio et deviendra à la fin des années 70 un des personnages de Jacques Douglas et surtout du mythique Lucky Martin entre 1979 et 1980. Elle y apparait aux cotés des plus grands noms du genre dont Franco Gasparri et fera rêver toute une génération de fans italiens à travers ces histoires sentimentales même si Sherry ne s'est jamais imposée comme une vedette incontournable du genre comme purent l'être Marina Santi, Anna Zoli, Susie Sudlow, Simona Pelei ou encore Ornella Pacelli. Elle eut entre autre partenaires masculins certains comédiens qui à leur tour tentèrent une carrière au cinéma comme notamment Robert Gligorov qui incarna pour mémoire Caligula dans le piètre Les orgies de Caligula.
C'est également durant cette période, en 1979, que Sherry va avoir pour la seule et unique fois de sa carrière un des rôles principaux dans un film. Il s'agit de Il mondo porno di due sorelle / Emanuelle et Johanna de Franco Rossetti dans lequel elle partage l'affiche avec sa soeur fictive, la sombre et pervertie Paola Montenero. Il s'agit également du film le plus osé que Sherry tourna puisqu'elle y a de nombreuses scènes de nu intégral et quelques séquences aux limites du hardcore avec notamment son partenaire Brunello Chiodetti, un des pionniers du X italien, pour lesquels Sherry fut bien évidemment doublée. Malheureusement le film fera du tort à Sherry. Jamais elle ne se serait imaginée que les scènes où apparait sa doublure soit si réalistes et que cette dernière lui ressemble à un point tel que beaucoup de gens y compris parmi ses amis pensèrent que c'était elle. Déçue, blessée, elle décide alors d'arrêter le cinéma pour la télévision.
A l'aube des années 80 Sherry met donc ses talents au service du petit écran même si elle est encore à l'affiche de quelques films qui feront les beaux jours du cinéma de genre italien. Après Il medium, un petit film discret de ghost story signé Silvio Amadio, elle est aux cotés de Ian McCulloch et Alessandra Delli Colli, une des protaganistes du célèbrissime Zombi Holocaust de Franco Girolami dans lequel elle subira une des plus belles et inoubliables trépanations du cinéma gore d'alors. Ian Mc Culloch se souvient de Sherry pour sa douceur et sa beauté mais surtout pour son anglais impeccable. Rarement confesse t-il avait il alors entendu quelqu'un parler sa langue avec tant de charme et d'application.
Son dernier vrai rôle au cinéma sera Starcrash 2 de Bitto Albertini où, dans la peau d'une reine du cosmos, elle tente de remplacer Caroline Munroe dans cette série Z fauchée et fort drôle. Le film connaitra le même sort que Il mondo di due sorelle et sera distribué en Italie avec de nombreuses scènes où Sherry fut doublée à son insu.
Sherry va alors se tourner définitivement vers la télévision. On la voit dans un épisode de la série française Sam et Sally avec Georges Descrières et Nicole Calfan. Elle est au générique de la mini-série L'isola del gabbiano/ Les tigres sont lâchés aux cotés entre autres de Gabriele Tinti qui lors d'un épisode la sauvera de la noyade avant d'être une des protagonistes de la fameuse série I ragazzi di celluloide puis de Grand hotel.
Ses admirateurs auront l'immense plaisir de la revoir en 1984 dans Crawlspace de David Schmoeller, un éprouvant souvenir pour Sherry qui dut supporter le caractère insupportable de Klaus Kinski puis en 1987 le temps d'une trés brève apparition dans le film de Tinto Brass Vices et caprices.
Si Sherry a définitivement fait ses adieux au grand écran cette année là, elle ne mit pas pour autant fin à sa carrière de comédienne. Elle a poursuivi quelqque temps dans le roman-photo puis elle s'en est retournée aux Etats-Unis, s'est inscrite à l'université de sociologie où elle resta trois ans avant de rencontrer celui qui deviendra son époux.
Par la suite Sherry et son mari sont retournés vivre définitivement à Rome à la fin des années 80. Elle est apparue dans quelques spots publicitaires pour la télévision, elle a également travaillé comme archiviste et vendeuse pour le haut couturier Rocco Barocco durant six années. Elle travailla également sur le scénario de Internet story, l'ultime projet de Alberto Cavallone juste avant qu'il ne meure.
Toujours aussi belle et radieuse, Sherry, la cinquantaine passée, a un regard malicieux et trés juste sur sa carrière d'actrice. Sherry confie qu'elle n'a jamais réellement aimé les films d'horreur. Par conséquent Zombi Holocaust fut un doux traumatisme pour elle notamment pour la scène de trépanation. Mais elle garde un merveilleux souvenir de ces années où l'industrie du cinéma n'était en rien semblable à aujourd'hui. Faire un film était une distraction, un amusement, une époque où on pouvait se permettre beaucoup sans aucun souci tout en rigolant. Le cinéma d'alors était un jeu.
Sherry s'est faite discrète, trop discrète, mais elle est restée dans le coeur de ses innombrables admirateurs qui ne l'ont pas oublié, gardant d'elle l'image d'une jeune femme quelque peu à part dans le monde du cinéma de genre transalpin mais avant tout simple et radieuse ce qu'elle a su rester au fil du temps. Sherry n'a peut être n'a pas eu la carrière cinématographique qu'elle aurait mérité au vu de son talent. C'est peut être là le seul bémol au parcours de cette actrice, rêve en celluloide et papier glacé. Sherry nous te saluons.