Le tue mani sul mio corpo
Autres titres: Mes mains sur ton corps / Your hands on my body
Réal: Brunello Rondi
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Giallo psychologique
Durée: 90mn
Acteurs: Lino Capolicchio, Colette Descombes, Erna Schurer, José Quaglio, Daniel Sola, Pier Paola Bucchi, Elena Cotta, Irene Aloisi, Anne Marie Braafheid, Gianni Pulone, Paolo Rosani...
Résumé: Andrea a perdu sa mère très jeune. Devenu un jeune homme, traumatisé par le drame, il s'est enfermé dans son propre univers, un monde macabre qu'il s'est crée dans lequel tout ce qui se rapporte à l'âge adulte est exclu. Andrea a décidé de rester un enfant. Ceci exclut donc les relations sentimentales et bien entendu le sexe. Attiré par sa belle-mère qui profite de sa folie, il est également attiré fortement par la meilleure amie de celle ci, Carol. Une étrange relation triolique s'instaure basée sur le jeu et l'humiliation. Mais lorsque Carol, ignorant tout d'Andrea, décide de passer a une relation plus sérieuse, Andrea perd pied. Rien ne le fera quitter son monde, surtout pas une femme...
Réalisateur peu prolifique mais coupable d'une envoutante aventure de notre infatigable Black Emanuelle, Velutto nero, et précurseur du sexy giallo avec le tortueux L'adorable corps de Deborah, Brunello Rondi met en scène deux ans plus tard cet autre giallo au ton plutôt macabre résolument plus psychologique cette fois.
Dans un univers morbide où tout ce qui se rapporte à l'âge adulte est banni, Rondi s'attarde à décrire son personnage principal, le jeune Andrea. Il s'y est enfermé depuis la mort tragique de sa mère et refuse toute sortie à l'extérieur. Andrea a décidé de rester un enfant. Il rejette tous les éléments qui font la vie d'un adulte aussi bien sentimentalement que sexuellement.
Il n'a aucune relation sexuelle auxquelles il préfère des jeux macabres, cruels et voyeurs. Il espionne ou filme les ébats adultères de sa belle-mère, une femme sans scrupule qui profite de la folie d'Andrea pour satisfaire l'attirance que le jeune homme a pour elle afin de l'humilier en sachant qu'il ne franchira le cap. Il collectionne les bandes magnétiques sur lesquelles sont enregistrés d'atroces ricanements et les photos de femmes nues dont il orne les murs de sa chambre. Il a remplacé la tête de chacune d'elle par celle de Carol, la meilleure amie de sa belle-mère, pour qui il a une profonde attirance. Nait ainsi une étrange et morbide relation à trois basée sur la perversité des actes. Ce triolisme est le moteur de toute la première partie du film. Chacun utilise l'autre à ses propres fins entretenant ainsi la folie d'Andrea qui atteindra son paroxysme lors de la séquence étonnante où il invite une jeune noire qu'il présente aux deux femmes comme sa fiancée. La jeune femme lui donnera toute une lignée de petits cannibales avant de tenter de séduire la belle-mère et Carol afin de les unir dans un baiser saphique.
Toute la deuxième partie se rapporte quant à elle à la relation d'Andrea et Carol. Elle met l'accent sur les interrogations de la jeune femme face au comportement de plus en plus bizarre du jeune homme qu'elle met sur le compte de sa peur viscérale des femmes jusqu'à la montée de tension finale qui aboutira au drame, terrible, violent, cruel.
Judicieusement mis en scène, Le tue mani sul mio corpo joue beaucoup sur l'incertitude des personnages quant à leur personnalité et leur sexualité, plus particulièrement celle d'Andrea, personnage tortueux à la psyché très fragile. Rien est jamais très explicite, tout reste plus ou moins dans le flou. De cette manière, Rondi tente d'impliquer le spectateur dans cette histoire pour laquelle il ne pend jamais partie, préférant l'ellipse quant à sa position.
Cette incertitude est renforcée par une mise en scène qui use très souvent de la fragmentation de l'image, les miroirs renvoient les reflets et les images se découpent jusqu'à se demander au spectateur ce qui est réel et ne l'est pas, ce qu'est la réalité et le reflet de l'esprit malade d'Andrea, ce qui est un jeu et ne l'est pas.
L'ambiguïté sexuelle est l'essence même du film. Quel est la part de jeu dans le comportement d'Andrea, où se situent exactement les limites de sa peur des femmes et son refus de grandir, partagé entre désir, refoulement et folie. Tous ses facteurs font que Le tue mani sul mio corpo désoriente et crée un incessant léger climat de suspicion. L'absence de tout espace-temps ne fait qu'appuyer cette impression d'étrangeté, de perte de repère.
Le terme convient également au film lui même. Rondi n'insiste jamais pas même sur le traumatisme d'Andrea se contentant de l'assaillir régulièrement par les images de son passé quand sa mère jouait avec lui à la plage avant que témoin des préparatifs de mise en bière du corps, il ne surprenne les infirmiers toucher ce corps nu jadis adoré afin de l'apprêter pour son dernier voyage. Voilà ce qui serait le point de départ supposé de ce rejet de la sexualité, donnant au titre un de ses sens, une image qu'il associe désormais aux femmes.
Le tue mani sul mio corpo est l'exemple parfait du giallo psychologique à la Lenzi, lent, atmosphérique, un exemple renforcé par la présence de Colette Descombes déjà présente dans Orgasmo /Une folle envie d'aimer et des éléments propres au genre: la villa isolée au bord de la mer, le traumatisme et la folie du personnage principal, l'omniprésence du sexe, des personnages qui jouent et entretiennent d'obscures relations souvent malsaines qui fleurent bon la machination. Le tue mani sul mio corpo fera également songer à par certains aspects à La mort a pondu un oeuf, le coté haute bourgeoisie en moins, notamment pour ce climat étrange et les relations tordues qu'entretiennent les différents protagonistes.
Les amateurs de gialli à la Argento risquent quant à eux d'être déçus. Aucun meurtre, pas la moindre ombre de violence, pas une seule goutte de sang si on excepte le final d'une brutalité étonnante, un inéluctable dénouement dont la violence n'est que le froid reflet de cette folie destructrice qui ne pouvait se conclure autrement. Cette magnifique et bouleversante conclusion faite d'un défilé d'images douloureuses qui symbolisent cet enfant qu'Andrea a décidé de rester à jamais, contraste fortement avec le climat général du film de par sa violence désespérée.
L'ensemble, rythmé par la très belle partition musicale signée Giorgio Gaslini, bénéficie d'une interprétation des plus correctes notamment d'un tout jeune Lino Capolicchio, à la fois fragile et déterminer. A ses cotés, on retrouver la blonde Erna Schurer dans le rôle de la belle-mère perverse.
Le tue mani sul mio corpo n'est certes pas un giallo majeur mais il demeure un bel exemple de thriller psychologique au ton morne, désespéré, une illustration de plus de la folie d'un être traumatisé à vie par une enfance.
Un peu de plus de force dans la mise en scène lui aurait été certainement bénéfique mais en l'état le film de Rondi demeure un giallo psychologique intéressant qui devrait plaire aux amateurs du genre d'autant plus que la rareté du film en fait aujourd'hui un titre ayant au fil du temps gagné en réputation.