Margaret Rose Keil: l'indépendance à 100 à l'heure
Qu'elle soit brune dissimulée sous une perruque ou qu'elle laisse sa blonde chevelure irradier les écrans cette magnifique teutonne fut non seulement une reine de beauté en Italie mais également une des reines de la décamérotique, un genre dans lequel elle excella dans les années 70 après s'être faite une place dans la comédie. Femme libre et libérée bien avant l'heure celle qui fut aussi le visage d'une célèbre marque d'apéritif italien se fit de plus en plus rare dés le milieu de la décennie avant de disparaitre à l'aube des années 80. Le Maniaco va aujourd'hui vous conter le parcours d'une actrice discrète sur laquelle peu de choses ont fuité, la rayonnante Margaret Rose Keil.
Margaret est née le 7 juillet 1945 à Berlin. Elle n'a que 16 ans lorsqu'elle décide de quitter son pays natal pour l'Italie afin d'y entamer une carrière de mannequin, une décision qui avouait-elle a fait peur à sa famille qu'elle laissait derrière elle. Mais prudente Margaret n'abandonne pas pour autant ses études et sort diplômée en littérature. En Italie sa beauté ne laisse personne indifférent. Point étonnant que le cinéma lui fasse très vite de l'oeil. Du mannequinat au grand écran il n'y a qu'un pas très facilement franchissable pour une si aussi belle jeune fille. Elle tourne ses deux premiers films entre 1961 et 1962, Défense d'y toucher auprès d'Ugo Tognazzi et L'ile des filles perdues de Domenico Paolella dans
lequel elle n'a pas peur de bousculer les tabous en tombant amoureuse d'un homme de couleur. 1962 est également l'année où elle s'installe définitivement à Rome et obtiendra la nationalité italienne. Dans les années 60 c'est surtout dans la comédie qu'elle se fait remarquer en tournant avec Toto (Toto di notte N°1), le tandem Ciccio et Ingrassia (Gli Imbroglioni / Les filous font la loi) et de nouveau Ugo Tognazzi pour I magnifici tre. On la voit aux cotés de Maurice Chevalier dans Un américain à Rome de Giuliano Carnimeo tandis que dans Un coeur plein, les poches vides elle joue aux cotés de Gino Cervi et Senta Berger. Elle brise à nouveau les tabous dans Eva s'éveille à l'amour de Gerry O'Hara en
incarnant une jeune fille ayant attrapé une MST.
Si elle poursuit parallèlement sa carrière de modèle et pose très souvent nue pour de très nombreux magazines de mode, de cinéma et pour des revues spécialisées pour hommes Margaret apparait aussi dans bon nombre de spots publicitaires dont le plus célèbre reste celui des apéritifs Punt e Mes (dont elle est aussi le visage) pour lesquels elle interprète aussi la chansonnette qui accompagne la publicité. Ces spots sont d'autant plus fameux qu'ils sont diffusés dans une des émissions télévisées les plus regardées d'alors, Carosello, un programme court éducatif destiné aux enfants. Son heure de gloire arrive
cependant en 1968 lorsqu'elle remporte le titre de Lady Europea organisé à Cortina. Ce titre la propulse à la une de tous les journaux qui s'empressent de vouloir en savoir plus sur cette nouvelle reine de beauté au coeur toujours à prendre. Car oui, Margaret est toujours célibataire et n'a aucune intention de se marier. Elle clame haut et fort que les hommes l'ennuient. Pour elle ils sont tous égocentriques, empêchent les femmes de faire ce qu'elles veulent, de travailler et d'affirmer leur personnalité. L'amour est beau mais il me fait peur confessait-elle en 1965 lors d'une interview, en conséquence de cause puisque durant son enfance elle a vu ses parents se déchirer, leur mariage s'étioler au fil du temps. Cela a
renforcé ses envies de vivre libre, sans contrainte, seule. En outre Margaret ne sait pas cuisiner. Elle ne sait faire que le café et encore... il faut savoir doser le sucre ajoutait-elle, taquine! Margaret en fait n'a qu'un seul amour dans la vie, une seule passion: les voitures de courses, les petits bolides. La vitesse la fascine. Sentir son pied écraser l'accélérateur est pour elle une sensation unique.
1968 est aussi l'année où elle pose pour son premier roman-photo pour la célèbre Lancio. Entre 1968 et 1970 elle en tourne pas moins de seize dont sept dont elle sera la principale protagoniste. Cela ne l'empêche pas de continuer de travailler pour le cinéma. C'est très
surement pour cette seconde partie de sa carrière d'actrice qu'elle est surtout connue. Après le musical La piu bella coppia del mondo avec Adriano Celentano elle est au générique de Scandale à Rome de Carlo Lizzani en 1971. En ce début de décennie elle s'apprête à devenir une des reines de la décamérotique puisqu'elle en tournera pas moins de huit en seulement deux ans se partageant ce titre avec la malheureuse Krista Nell. Margaret illumine donc de sa beauté Le décaméron interdit, Ton diable dans mon enfer, Fra Tazio da Velletri, La nonne et les sept pécheresses, Les nouveaux contes immoraux, Le mille e una notte... è un'altra ancora, Quando i califfi avevano le corna et enfin Novelle licenziose di vergini vogliose en 1973. Après cette faste période la carrière d'actrice de Margaret va
lentement décliner. Elle tourne encore quatre films en 1973 la comédie policière Metti... che ti rompo il muso, le western L'homme de la Winchester d'or, le WIP La vie sexuelle dans une prison de femmes de Rino Di Silvestro et Elena... si ma di Troia. L'année suivante hormis une participation dans Lucrezia giovane elle n'apparait que dans un seul film, Zelda, de Alberto Cavallone dans lequel elle joue une lesbienne. Zelda sera son dernier véritable film puisque par la suite elle se contentera de quelques apparitions dans de petites productions. On l'aperçoit dans Scusi eminenza posso sposarmi (la suédoise du bus), La polizia brancola nel buio (la jolie blonde froidement assassinée), La missione del mandrillo
et Evelyne, une comédie allemande où elle tient le rôle principal féminin. Nous sommes en 1975. Margaret disparait alors des écrans durant cinq ans mais elle continue cependant à poser. En février 1977 elle est l'héroïne de deux nouveaux roman-photo pour la Lancio. Ce n'est qu'en 1980 qu'elle refait surface au grand écran le temps d'une apparition dans Febbre a 40° / Le sexycon et la comédie loufoque Arrivano i gatti. En 1981 elle tourne son ultime film, un petit rôle dans Starcrash 2, un chant du cygne peu glorieux pour la jolie teutonne qui à 36 ans se retire alors de la vie publique et disparait totalement des écrans radar. Extrêmement discrète Margaret Rose s'est fondue dans la masse, anonyme, ne laissant aucune trace derrière elle. Ne reste de celle qu'on comparait parfois en Italie à Jayne Mansfield que sa lumineuse beauté qui irradie quelques incontournables films de genre, des films et des activités artistiques qu'elle n'aimait pas forcément. "Il faut bien manger" se justifiait-elle alors.