Lucrezia giovane
Autres titres: Die Sünden der Lucrezia Borgia / Die heissen Nächte der Lucrezia Borgia
Real: Luciano Ercoli
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 83mn
Acteurs: Simonetta Stefanelli, Massimo Foschi, Ettore Manni, Paolo Malco, Aldo Reggiani, Piero Lulli, Fred Robsahm, Anna Orso, Elizabeth Turner, Raffaele Curi, Doro Corà, Edoardo Florio, Guglielmo Spoletini, Giovanni Petrucci, Annamaria Tornello, Vittorio Fanfoni, Rose Marie Keller, Alessandro Perrella...
Résumé: Les Borgia sont la famille la plus puissante d'Italie en cette fin de 15ème siècle. Le patriarche Rodrigo, plus connu sous le nom d'Alessandro VI, le pape, a eu trois enfants: Lucrezia, Cesare et Giovanni. Afin d'accroître sa suprématie, le pape met tout en oeuvre pour annuler le mariage de Lucrezia avec le jeune duc de Pesaro afin de rallier à eux la famille Aragon. Afin de marier Lucrezia à Alfredo, Prince d'Aragon, les Borgia démontrent que le duc est impuissant. C'est dans compter la perversité de Lucrezia, véritable putain débauchée, qui entretient une relation incestueuse avec son père mais également ses deux frères. Le machiavélique et cruel Cesare est fou amoureux de sa soeur. Il ne la veut que pour lui. Il fait ainsi assassiner son propre frère, tue un de ses hommes de main qui mit Lucrezia enceinte mais également son époux le Prince d'Aragon. Renié par le par son père, déshérité, la folie incestueuse de Cesare ne connait aucune limite...
Beaucoup plus connu pour les trois gialli qu'il réalisa en tout début de carrière, Luciano Ercoli mit également en scène deux films en costumes en 1974 demeurés inédits en France, Il figlio della sepolta viva, l'inutile mais fort divertissante séquelle à Sepolta viva / La tour du désespoir de Aldo Lado et Lucrezia Giovane, tournés quasi simultanément.
Durant les années 40 puis les années 60 l'Italie s'était un temps spécialisée dans un certain cinéma populaire qui aimait mettre en scène de jolis romans-photos sous forme de feuilletons rocambolesques en costumes d'époque dans lesquels on retrouvait tous les ingrédients indispensables au genre. Troubadours et promenades bucoliques, amours romanesques et sentimentalisme à l'eau de rose se mélangeaient allégrement aux éléments traditionnels du film de cape et d'épée dont les combats entre une série de personnages corrompus, de traitres et de traitresses, d'imposteurs le tout arrosé d'un soupçon d'érotisme emprunté aux fumetti. La célèbre saga des Angélique et quelques temps plus tard Zenabel et Isabelle duchesse des Diables en furent d'intéressants exemples. Le genre revint gentiment au milieu des années 70 notamment avec Sepolta viva sur lequel rebondit Ercoli plus ou moins obligé suite à la défection de Aldo Lado qui refusa
de diriger sa suite. Ercoli enchaina avec Lucrezia Giovane toujours produit par Enzo Doria avec quasiment la même équipe.
Lucrezia Giovane n'est jamais qu'une nouvelle adaptation des aventures dissolues de la famille Borgia, la belle et si débauchée Lucrezia en tête. Si le cinéma s'est régulièrement inspiré des Borgia pour concocter de fort intéressantes oeuvres, la version de Ercoli reste cependant la plus audacieuse, la plus salace mais également la plus exploitative même si le cinéaste a su respecter quasi à la lettre malgré la minceur du budget tant le contexte historique, la reconstitution de l'Italie du 15ème siècle et les personnages eux mêmes. En résulte un film étonnant de précisions et de détails d'époque relevés de surcroit par le soin apportés aux costumes et aux décors même si on devine une certaine pauvreté financière que Ercoli dissimule du mieux qu'il peut comme il l'avait déjà fait pour Il figlio della sepolta viva.
Mais ce qui surprendra le plus ici est la témérité dont fait preuve Ercoli au niveau non seulement de la cruauté mais surtout de l'érotisme du moins dans sa version intégrale. Lucrezia giovane fera vite songer aux romans-photos à la Cinesex et aux fameux fumetti érotiques pour adultes à la Barbieri / Angiolini. Autant dire que les amateurs de perversité, de perversions et d'amours incestueuses jubileront face à cette petite bande qui ne recule devant aucune ignominie même si Ercoli ne dépasse jamais le stade du soft-core. Toute l'intrigue tourne bien évidemment autour du personnage de Lucrezia, une véritable putain perverse qui appartient à tous les hommes mais surtout à son père, le frère même du pape, dont elle est amoureuse. L'inceste est à l'honneur et se trouve être au coeur même de cette
histoire puisque si elle entretient une relation charnelle avec son père, ses deux frères, Cesare et Giovanni, sont également amoureux d'elle. Être machiavélique dépourvu d'âme, comploteur aussi cruel que diabolique, Cesare fait assassiner Giovanni puis tue tous les hommes susceptibles de lui voler sa soeur dont il est éperdument amoureux y compris son époux, le duc Alfredo d'Aragon. Entre sa soif de sexe, son amour pour Alfredo et celui qu'elle éprouve tant pour son père que pour Cesare, Lucrezia est au centre d'un drame mû par un amour dévorant quasi cannibale comme en témoigneront les furieuses images qui clôtureront le film.
Ceux qui trouvaient Angélique beaucoup trop sage seront ici ravis puisque Ercoli, tout en sachant rester sage, multiplie les plans de nu et n'hésite pas à déshabiller Lucrezia de façon insolente aussi souvent qu'il le peut. Il se permet même quelques tours d'audace particulièrement pimentés dont le long passage où le malheureux Giovanni Sforza doit prouver sa virilité publiquement devant toute une assemblée alors que deux catins aussi vicieuses que bourgeonnantes s'occupe de son corps. La nuit de noce de Lucrezia sera tout aussi publique puisqu'elle consommera son union face à toute une assemblée.
La violence et les effets sanglants sont tout aussi délectables puisque Ercoli se laisser aller à quelques écarts gore souvent brutaux et inattendus qui nous rappellent que nous sommes en Italie en plein cinéma d'exploitation. On retiendra notamment le visage tuméfié, défiguré de Giovanni violemment tué à coups de pieds, le doigt que se tranche par rage Cesare après que son père l'ait renié, les divers égorgements... Tout comme pour Il figlio della sepolta viva Ercoli ajoute à l'ensemble un nuage de sorcellerie ici par la biais d'un être difforme amputé des deux bras tenu enfermé dans un sombre cachot. Entre deux incantations magiques il faut le voir caresser le corps de Lucrezia avec ses moignons, une scène qui devrait plaire aux amateurs de déviances.
Un vent d'érotisme sulfureux, d'inceste, de trahison, de complots, d'alliances et un zeste de romantisme (les ébats de Lucrezia dans un champ de coquelicots) souffle sur ce très divertissant film d'époque admirablement conduit par une magnifique partition musicale signée tout comme pour Il figlio della sepolta viva Franco Micalizzi. Lucrezia giovane doit également beaucoup à son interprétation Massimo Foschi en tête. Grand acteur de théâtre que beaucoup découvrirent dans Le dernier monde cannibale, Massimo, tout de noir vêtu, tel le Mal à l'état pur, excelle tout simplement dans la peau de l'ignominieux Cesare, odieux, implacable, d'une cruauté inégalable. A ses cotés, on se réjouira de toute une brochette d'acteurs tous très bons dont Paolo Malco trop vite tué, le norvégien Fred Robsahm déjà à l'affiche de Sepolta viva et sa suite, Ettore Manni dans la défroque du pape et Piero Lulli. Le point faible vient de Simonetta Stefanelli, sexy starlette habituée aux sexy comédies entre deux petits rôles dans des films plus importants (Le parrain). Aussi belle et peu avare de ses charmes soit elle, Simonetta s'avère une piètre actrice, trop transparente, incapable de donner à son personnage toute la perversité et le coté intrigant qu'il requérait.
Lucrezia giovane est certainement une des meilleures versions qu'ait donné l'Italie des aventures de la célèbre famille. Malgré le manque de moyens évident, Ercoli signe néanmoins une véritable bande dessinée pour adultes méticuleuse et soignée, une ode au vice et à la débauche particulièrement jouissive et violente qui devrait étourdir les sens de tous ceux qui ont fait de l'inceste leur principale déviance mais également les amoureux de drames historiques machiavéliques. Lucrezia giovane ose tout simplement ce que Il figlio della sepolta viva ne faisait que gentiment souligner.
Le mythe des Borgia resurgira quelques années plus tard à l'aube des années 80 avec deux autres tentatives aussi ratées que fauchées et bien peu passionnantes, le soporifique Le notti segrete di Lucrezia Borgia de Roberto Montero Bianchi avec une toute bouffie Sirpa Lane alors en plein déclin puis l'imbuvable et nullissime Lucrezia Borgia du pornocrate Lorenzo Onorati.