Carla Brait: une ballerine haute en couleur
Si elle fut une des rares actrices de couleur du cinéma de genre italien contrairement à ses consoeurs Laura Gemser, Zeudi Araya et Beryl Cunningham, elle ne fut jamais ou que très rarement utilisée afin d'apporter cette touche d'exotisme si prisée des réalisateurs alors indispensable à bon nombre d'oeuvres érotiques. Les metteurs en scène pour qui elle travailla surent avant tout mettre en avant une de ses grandes passions, la danse. Un visage joufflu, la mine avenante, un corps musclé, elle rythma et ensoleilla ainsi par sa seule présence une multitude de films qu'elle ne faisait parfois que traverser. C'est en collant et tutu que nous vous invitons sans plus tarder à découvrir le parcours de cette jolie mulâtre qu'est Carla Brait.
Née le 1er septembre 1950 à Innsbruck d'un père autrichien et d'une mère italienne, c'est à Bolsano que grandit la petite Carla. Très jeune, la petite fille est happée par le démon de la danse et c'est tout naturellement qu'elle suivra des cours de danse classique pour devenir ballerine. A 18 ans tout juste le cinéma lui fait alors de l'oeil. C'est dans le western, un genre alors fort en vogue, qu'elle fait ses grands débuts à l'écran. Elle est en effet au générique de Pour un dollar je tire de Osvaldo Civirani, un petit rôle certes aux cotés de George Hilton mais suffisant pour qu'elle soit de nouveau à l'affiche d'un autre western, Blindman le justicier aveugle, de Fernando Di Leo. On l'aperçoit également dans la comédie de Mariano Laurenti Ma che musica maestro.
Si le cinéma s'empare de la jolie mulâtre, Carla n'abandonne pas sa passion première, la danse, et le plus souvent elle apparaitra désormais dans des rôles où elle pourra concilier les deux. Ainsi donc dans l'impressionnant drame de Brunello Rondi, Valeria dentro e fuori, elle interprète brièvement une ballerine tout comme dans le giallo de Armando Crispino L'etrusco uccide ancora où l'amateur la reconnaitra, virevoltante, parmi les danseurs d'une troupe qui donne un spectacle sur scène.
Parallèlement à ses activités de danseuse et comédienne, Carla est à cette époque une des coprésentatrices d'une émission musicale sur la RAI intitulée Su di giri.
Plus conséquent sera son rôle dans le giallo de Giuliano Carnimeo Les rendez vous de Satan. Envoutante, elle incarne une jeune et féline danseuse strip-teaseuse qui se fera tuer par l'assassin. Elle fait un détour par la case décamérotique en jouant la servante de couleur dans E si salvò solo l'Aretino Pietro con una mano avanti e l'altra dietro de Silvio Amadio. Elle revient au giallo en 1974 avec Torso de Sergio Martino dans lequel elle est Ursula, une des amies de Tina Aumont, une prestation qui donne à Carla l'occasion de nous offrir une jolie petite scène de saphisme. On la retrouve rapidement la même année dans Colpo in canna / Les aventures d'une air-hôtesse aux cotés de Ursula Andress et Marc Porel.
Si Carla durant toute sa carrière cinématographique n'aura décroché que de très rares fois des personnages de premiers plans, se contentant de simples apparitions et de rôles de second voire troisième plan, elle sera pourtant en 1975 en tête d'affiche d'une sexy comédie de Mario Bianchi dont elle est une des principales héroïnes aux cotés de Femi Benussi, La cameriera nera. Elle y est la servante noire du titre qui fera tourner la tête de Gianni Dei. Une fois de plus, Carla y déploie tous ses talents de danseuse lors de deux séquences, celle où elle exécute une danse exotique au beau milieu du salon et celle qui clôt le film, la longue scène où, seins nus, elle danse sur le toit de l'immeuble avec tous les locataires. Cette même année, elle est une des vedettes aux cotés des chanteurs Gianni Nazzaro et Pippo Naudo d'un spectacle chantant sous chapiteau, Alle nove sotto casa, mis en scène par Gianfranco Nicotra. Elle y a entre autres partenaires Solvi Stubbing et Lino Banfi.
Si Le film de Mario Bianchi aura été son seul et unique rôle conséquent ce sera également sa dernière véritable apparition au cinéma. On la retrouvera encore brièvement dans L'erotomane et Yuppi du de Adriano Celentano dans la peau d'une servante le temps d'une entrainante et trop courte séquence de danse.
Carla va alors disparaitre des écrans pour se consacrer uniquement à sa passion. Elle sera à l'affiche de nombreux spectacles musicaux comme entre autre celui mis en scène par le chorégraphe Vittorio Biagi où Carla s'envole sur la 7ème symphonie de Beethoven.
Elle réapparaitra cependant sur les écrans méconnaissable et non créditée en 1982 dans un rôle aussi étonnant que androgyne, celui du leader noir du gang contre lequel se bat Mark Gregory dans Les guerriers du Bronx, un personnage qu'elle interprétera de nouveau l'année suivante dans la séquelle Bronx warriors. Ce sera là son ultime prestation pour le 7ème art. Carla abandonne alors le cinéma pour ne revenir qu'en 2000 pour la télévision cette fois à l'occasion de la série Linda e il brigadiere, le temps de deux épisodes.
Carla dont la vie est un éternel ballet a toujours su mener de front sa carrière de danseuse professionnelle et le cinéma, une simple distraction, une opportunité qui ne lui a jamais fait oublié sa passion première. Elle continue aujourd'hui à l'exercer. A l'instar de sa consoeur Rosemarie Lindt, elle a ouvert une école et enseigne cet art qui est toute sa vie.