Il vero e il falso
Autres titres: Manoeuvres criminelles d'un procureur de la république
Real: Eriprando Visconti
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Terence Hill, Martin Balsam, Paola Pitagora, Adalberto Maria Merli, Shirley Corrigan, Maria Teresa Albani, Calisto Calisti, Ettore Geri, Piero Gerlini, Luigi Montini, Alessandro Sperli, Pietro Tordi, Esmeralda Ruspoli, Vittorio Sanipoli, Simmons Barrie, Gian Paolo Marras, Giovanni Brusadori, Alfredo Nardi, Francesco D'Adda, Salvatore Puntillo, Antonio Della Rocca, Enzo Robutti, Bianca Doria, Carlo Romeo, Luca Sportelli, Luigi Antonio Guerra, Orazio Stracuzzi, Giorgos Kovaios, Ugo Tonti, Dante Cleri...
Résumé: Claudio et sa maitresse mettent au point un plan machiavélique pour accuser de meurtre Luisa, l'épouse de Claudio, Celle ci est arrêtée et condamnée malgré les preuves qui pouvaient l'innocenter. A sa sortie de prison, Luisa découvre la vérité et tue sa rivale. Elle se retrouve une fois encore devant les tribunaux. Mais la jeune femme peut elle être à nouveau condamnée pour un crime pour lequel elle a déjà bien involontairement payé? C'est ce que son avocat va tenter de mettre en lumière. Si Claudio sera arrêté et condamné, la justice n'en a pas pour autant fini avec Luisa...
Cinquième film de Eriprando Visconti, le neveu de Lucchino Visconti, Il vero e il falso est celui que le réalisateur aimait le moins non pas pour son résultat final mais avant tout pour les problèmes qu'il rencontra durant tout le tournage avec les producteurs qui lui imposèrent nombre de choses qu'il n'appréciait guère, notamment le cinémascope alors très utilisé pour le western. Fort heureusement, toutes ces basses querelles ne ternirent pas le brillant scénario de ce thriller juridique qui embrasse le film noir dont l'intrigue tourne principalement autour de cette question: peut on être condamné deux fois pour le même crime? Claudio avec l'aide de sa maitresse met en place une machiavélique stratégie afin de faire accuser son épouse Luisa de meurtre. Celle ci est condamnée mais une fois sa peine purgée elle découvre les manigances de son mari et tue sa rivale. Un nouveau procès est alors engagé. Luisa peut elle être réellement condamnée pour ce crime pour lequel elle a déjà payé bien inutilement?
Si Il vero e il falso se déroule dans sa majeure partie dans l'enceinte d'un tribunal où défilent à la barre les différents témoins, cela ne nuit en rien à la précision mais surtout à l'intensité de ce film qui parvient avec dextérité à marier les turpitudes du système juridique aux tourments de l'âme humaine dans une atmosphère souvent tendue qui rappelle en de nombreux points les polars noirs traditionnels. Situé à Latina, une petite ville de la région du Latium, très rarement utilisée dans le cinéma italien, Il vero e il falso est l'histoire d'une double trahison, celle d'une jeune femme trompée par son mari puis injustement accusée d'un meurtre qu'elle n'a pas commis. La malheureuse Luisa est une double victime, celle d'un époux odieux et calculateur et celle des institutions juridiques qui l'ont condamné après qu'elle ait décidé de faire justice elle même, déçue tant par les hommes que par le système.
Ce sont aux tribunaux, à la loi, à l'implacable balance de justice de discerner le vrai du faux, de peser le pour et le contre. Derrière son couperet se cachent des hommes, des arbitres qui doivent voir par delà les apparences. Les choses, les gens ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être. Entre l'objectivité autrement dit le vrai et la subjectivité, le faux, ces arbitres doivent savoir comment s'orienter sans avoir le droit à l'erreur. Mais peut on condamner la justice pour ses erreurs, ses fautes ou tout simplement son manque de discernement quant aux failles humaines? Telle est la grave question que pose Visconti. Il vero e il falso n'est pas un film à thèse même s'il joue sur cette duplicité et des doutes qu'elle engendre. Si Luisa a payé pour un crime dont elle n'est pas coupable, elle n'est plus condamnable par la suite car d'une certaine manière elle serait alors punie deux fois pour le même délit. Cette question d'éthique se transforme alors en question philosophique. Mais la justice est elle philosophe?
Avec beaucoup de talent et de finesse, Eriprando Visconti tente d'apporter une réponse sujette à débat dans une oeuvre splendide du point de vue du scénario qui se rapproche beaucoup plus du cinéma de Claude Chabrol que du giallo civil à la Damiani alors en vogue et du giallo psychologique à la Lenzi encore moins des gialli de Argento. En ce sens Il vero e il falso s'éloigne du cinéma italien traditionnel. Voilà un giallo provincial passionnant et implacable qui bénéficie d'une mise en scène rigoureuse et d'une interprétation d'une infinie justesse de la part d'une jolie brochette d'acteurs parfois surprenants dans de telles
compositions tel Terence Hill dans la peau de cet avocat qui pointera du doigt la justice lors d'un final cruel et particulièrement sombre. En osant accuser ouvertement la justice et faire son procès en dénonçant le juge d'avoir en toute conscience commis une erreur, il remet en cause le système mais cette remise en question ne pourra éviter la tragédie. C'est sur une terrible image que défilera alors le générique de fin.
Ce petit drame judiciaire méconnu et aujourd'hui injustement oublié, difficilement visionnable à l'instar des autres films du réalisateur, mérite amplement d'être redécouvert et apprécié à sa juste valeur tant pour les problèmes qu'il soulève et dénonce que pour la rigueur de son passionnant scénario.