Maniaco Deprebis

Après les trois gialli qui lui valurent ses lettres de noblesse, les inégaux Photos interdites d'une bourgeoise, La morte cammina a tacchi alti et La morte accarezza a mezzanotte, Luciano Ercoli s'attaque à un étrange film hybride assez difficilement classable, mélange de giallo, de polar, de noir et de comédie. L'ensemble pourra déconcerter mais Troppo rischio per un uomo solo également connu sous le titre Dérapage contrôlé n'est cependant pas une mauvaise surprise. Bien au contraire.
Rudy Patti, un célèbre pilote de F1, est victime d'un accident lors d'une course. Il part

retrouver à Londres sa petite amie Nina. Cette dernière lui a réservé une petite surprise à son domicile. Elle a organisé une réception à laquelle elle a convié bon nombre de ses amis. S'y sont glissées quelques personnes qu'elle ne connait dont une mystérieuse jeune fille blonde qui drogue Rudy à son insu. Totalement ivre Rudy rentre chez lui. Un des invités, un homosexuel, le raccompagne à bord de sa coccinelle rose. A son réveil il apprend que Nina a été assassinée chez elle. Tout incrimine Rudy qui ne se souvient absolument de rien. Il est incarcéré. Rossé de coups par ses compagnons de cellule il est envoyé à l'infirmerie puis transféré dans une autre prison. Lors de son transfert de faux policiers l'aident à

s'évader. Rudy se cache chez un ami, Alan, et va mener son enquête aidé par Piero son mécanicien. Il tente dans un premier temps de rassembler ses souvenirs et reconstituer sa soirée. Son seul indice est une Fiat 127 rose parfumée conduite par un homosexuel. De fil en aiguille Rudy comprend qu'il est victime d'un complot dirigé par le colonel Brauner, un important homme à qui il faisait confiance. Il découvre que Nina faisait partie d'un petit réseau de trafic de drogue et possédait de la marchandise qu'elle devait remettre au colonel. Cette marchandise et la valise qui la contenait ayant disparu les hommes de Brauner l'ont fait assassinée puis s'en ont pris à Rudy persuadés qu'il détenait la drogue. Pourchassés par

les sbires du colonel le pilote va devoir prouver son innocence, retrouver sa voiture où la fameuse valise a été cachée et surtout ne faire confiance à personne hormis Piero et une jeune fille nommée Eva, une amie de Alan, qui lui sera d'une aide précieuse.
A la lecture du scénario on reconnait la patte d'Ernesto Gastaldi, responsable de cette histoire de machination somme toute banale mais cependant suffisamment bien ficelée pour tenir en haleine et surtout divertir. Car plus qu'un thriller dont il n'a que l'apparence, une ouverture en forme de giallo ou plutôt gialetto, Troppo rischio per un uomo solo est avant tout un pur divertissement, un film d'action mené sous la forme d'une comédie dirigée tambour

battant. Peu importe si l'intrigue est par moment quelque peu improbable, si certains rebondissements sont énormes (Rudy sortant vivant de l'explosion de la serre) le tout fonctionne grâce au ton décontracté employé par le cinéaste et une histoire qui captive l'attention du spectateur pris dans les rouages de ce complot fomenté par une bande de trafiquants de drogue très remontés.
En fait il faut voir le film de Luciano Ercoli comme une sorte de pastiche, de parodie du genre au ton léger qui malgré ses invraisemblances ne tombe jamais dans le ridicule. Après une ouverture très sportive (la course de F1) et une party mondaine aux relents psychédéliques

de fort bon aloi l'action (poursuites, courses-poursuites en voiture, moto..., bagarres, traquenards, cascades orchestrées par le spécialiste français Rémy Julienne...) prend très vite le dessus, les aventures rocambolesques de Rudy s'enchainent sans aucun temps mort ne laissant pas l'occasion au spectateur de s'ennuyer. L'humour qu'on retrouvait déjà à plus ou moins forte dose dans les gialli de son réalisateur est omniprésent tout en restant plaisant.
Censé se dérouler à Londres mais essentiellement tourné à Rome notamment à la célèbre Villa D'Olgiata, pour dire que l'ambiance britannique ne se ressent guère, Troppo rischio per un uomo solo vaut également pour sa distribution Giuliano Gemma en tête, déchainé, qui ne

cesse de courir durant toute la pellicule, déguisé ou pas, formant avec un Venantino Venantini bègue et dragueur à l'accent romain un duo tout à fait efficace. Il aurait été impensable que Nieves Navarro, l'épouse de Ercoli, ne soit pas de la partie. Elle interprète Nina bien trop vite assassinée mais qui nous offre tout de même une scène d'amour certes prude mais assez singulière, un de ses jeux favoris étant de faire avec ses cigarettes des ronds de fumée en visant le sexe de son partenaire tout excité par cette étonnante coquinerie. Troppo rischio per un uomo solo n'est très certainement pas un film anti tabac puisqu'on ne compte plus le nombre de cigarettes que fume Gemma en 100 minutes, à faire bondir toutes

les ligues anti tabac de France et de Navarre, quelque chose d'impensable aujourd'hui au cinéma. Vu le nombre de fois où la marque apparait le film dut être sponsorisé par Marlboro!
A leurs cotés on retrouve quelques incontournables noms du cinéma de genre, quelques gueules d'alors notamment Nello Pazzafini, Franco Beltramme, Giovanni Cianfriglia, Carlo Gentili, Glauco Onorato et les présences féminines d'Isabelle Marchall, les jumelles Christa et Hansi Linder et la starlette Stella Carnacina. Plus étonnante est la composition de Giancarlo Zanetti dans la peau de l'homosexuel, efféminé certes mais acceptable, évitant le

cliché et surtout cette lourdeur souvent insupportable.
Si le dérapage est totalement contrôlé le film de Luciano Ercoli l'est également. Troppo rischio per un uomo solo est un pur divertissement d'action, un cocktail de genres sympathique, ludique qui n'a pas d'autre but que de distraire au mieux son public. L'objectif est atteint.