Enzo Pulcrano: Un uppercut à la vie
S'il fut une figure récurrente d'un certain nombre de petits westerns italiens, il fut également une des têtes emblématiques du polizesco en multipliant les rôles de petites frappes et autres voyous et hommes de main mafieux, se contentant malheureusement le plus souvent de personnages de second plan. Ce comédien à la carrure solide, boxeur professionnel, reconnaissable entre mille à sa petite moustache et ses faux airs de Bronson transalpin, fait définitivement partie des gueules du cinéma italien. Trop tôt disparu, emporté par ses vices à l'aube des années 90, découvrons en cette rentrée 2015 le parcours sans faute du regretté Enzo Pulcrano.
Né à Acerra en Campanie le 31 mai 1943, Enzo Pulcrano de son véritable nom Vincenzo Pulcrano, s'est très jeune intéressé au sport, plus particulièrement à la boxe tant et si bien qu'il décide d'en faire son métier. Il monte pour la première fois sur un ring à l'âge de 22 ans le 16 novembre 1965 et remporte son premier combat contre Giuseppe Angelini. Enzo va très vite devenir un nom incontournable de la boxe italienne dans la catégorie des poids moyens puisqu'en dix ans de carrière il ne perdra qu'une seule rencontre, celle qui l'opposait à Mohammed Amichaid en mars 1975.
La vie D'enzo va cependant prendre un tournant inattendu en 1971 lorsque Carlo Croccolo lui propose un rôle aux cotés de Klaus Kinski dans le western Black killer. Il faut dire qu'avec sa carrure, son physique peu aimable à la Charles Bronson, son air bourru derrière lequel se cachait un homme d'une douceur exemplaire, Enzo a toutes les qualités pour interpréter des rôles de méchants au cinéma, des qualités dont les réalisateurs vont vite tirer profit. Enzo va devenir une ce qu'on appelle familièrement une gueule du cinéma transalpin, une des figures récurrentes non seulement du western spaghetti mais également du polizesco musclé sans pour autant décrocher de premiers rôles. Enzo se contentera de jouer le plus
souvent les seconds bras voire des personnages de troisième plan sans jamais pour autant passer inaperçu. Suite à Black killer, il va donc enchainer avec sept autres petits westerns, Creuse ta fosse j'aurais ta peau de Edoardo Mulargia avec Tony Kendall, Macho Callagahn se déchaine, Amici mio frega tu... che frego io, et Giu le mani... carogna! tout trois de Demofilo Fidani, Planque toi minable Trinita arrive de Diego Spataro, Un bounty killer à Trinita et enfin Il magnifico West de Gianni Crea.
Afin de diversifier ses rôles, Enzo accepte de tourner quelques décamérotiques, un genre alors prolifique en Italie, malheureusement pour lui pas forcément les meilleures de ce filon
mais elles lui permettent de montrer un autre facette de sa personnalité, plus coquine, plus comique. Il est ainsi à l'affiche de Décaméron 2 / Decameron N°2 le altre novelle del Boccaccio de Mino Guerrini dans lequel il est l'époux cocufié et homosexuel de Claudia Bianchi. Il poursuit sur cette lancée avec Decaméron N°4: le belle novelle del Boccaccio de Paolo Bianchini puis I racconti di Canterbury 2 et Quant'è bella la Bernarda, tutta nera, tutta calda de Lucio Giachin, Les contes pervers / Novelle licenziose di vergini vogliose de Joe D'Amato. C'est hirsute qu'il clôt cette série avec Le favolose notti d'Oriente une fois de plus signé Mino Guerrini dans lequel il est un roi qui tout comme son page est fatigué de l'infidélité des femmes.
C'est alors que le parcours d'Enzo va une fois de plus changer de direction puisque dés 1973 il va devenir un nom incontournable du polar à l'italienne qu'il avait déjà caressé en apparaissant brièvement l'année précédente dans le giallo érotique de Demofilo Fidani A.A.A massaggiatrice bella presenza offresi / Caresses à domicile. C'est Fidani dont Enzo était proche qui lui offrira son premier rôle dans un petit polar mafieux, Le conseiller du parrain / La legge della Camorra. En 1974, Enzo est enfin en tête d'affiche d'un film aux cotés de Femi Benussi de plus est, A pugni nudi de Marcello Zealla dont il est également scénariste. Il y interprète un petit délinquant qui à sa sortie de prison devient
boxeur pour se racheter une conduite, un personnage en or pour Enzo qui peut ici mettre à profit sa passion pour la boxe. On le voit ensuite dans La mafia mi fa un baffo de Riccardo Garrone, Colère noire / La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori de Fernando Di Leo qu'il retrouvera en 1976 pour I padroni della citta, Uomini si nasce poliziotti si muore de Ruggero deodato et Squadra antifurto de Bruno Corbucci pour qui il tournera également Squadra antimafia / Brigade antimafia et Assassinio nel Tevere, tous trois aux cotés de Tomas Milian.
Nous sommes en 1975. Si Enzo est au fait de sa notoriété c'est également l'année où il met un terme à sa carrière de boxeur après un ultime match qu'il remportera contre Branko Barakovic le 14 novembre 1975.
Enzo se consacrera entièrement au cinéma et enchainera polars sur polars. Mario Bianchi, un ami proche qui aujourd'hui encore en parle avec beaucoup de tendresse, fait appel à lui pour jouer dans l'énergique La banda Vallanzasca dont il est le principal protagoniste aux cotés de Gianni Diana.
S'il apparait encore dans quelques sexy comédies dont La bolognese avec Franca Gonella, la lente agonie du cinéma de genre notamment du polizesco à la fin des années 70 va fortement ralentir sa carrière. Afin de pouvoir continuer à jouer Enzo accepte à l'aube des années 80 de se perdre dans de petites productions érotiques voire pornographiques dont
trois bouillonnantes friponneries de Lorenzo Onorati Cameriera senza malizia avec Laura Levi et Guia Lauri Filzi dans lequel il est un camionneur qui a épousé la frivole Marina Frajese, Quella porcacciona di mia moglie / Angela et ses amies et Lea / Perversion très spéciale pour jeunes filles de bonne famille dans lesquelles s'il a des scènes très chaudes il reste décent et ne sombre jamais dans la pornographie. Les plus voyeurs devront donc se contenter de le voir soit en petit slip blanc soit l'objet de toutes les convoitises soigneusement dissimulé lors des scènes d'ébats sexuels.
Après un ultime sursaut cinématographique, un remontage sans intérêt agrémenté de nouvelles scènes de La mafia mi fa un buffo, Ricomincio da zero, Enzo, las, préféra quitter les feux de la rampe en 1982 après presque quinze ans passés devant l'objectif des caméras et une trentaine de films.
Malheureusement l'envers du décor est parfois bien sombre. Enzo avait depuis longtemps un penchant pour la drogue dont il abusait, un vice qui a eu raison de lui et l'a finalement emporté. L'ex-champion de boxe et comédien s'est éteint à Rome le 21 février 1992 à tout juste 49 ans.