Annik Borel: la louve sanguinaire
Blonde, grande, très grande, la stature imposante, un visage singulier à la beauté étrange taillée au couteau, son nom demeure bien souvent un mystère. Sa frénétique prestation dans La louve sanguinaire de Rino Di Silvestro est à jamais gravée dans nos mémoires de bissophiles comme son nom restera éternellement associé à cette série érotico-horrifique qui à sa façon traite d'un mythe bien spécifique au cinéma fantastique, la lycanthropie. Elle est également une des rares actrices françaises à s'être faite plus ou moins un nom dans le domaine de l'exploitation tant américaine que transalpine, une petite fierté bleu-blanc-rouge que nous allons étaler sans plus tarder à travers ces quelques lignes consacrées à la reine incontestée des lycanthropes, Annik Borel.
Si Annik Borel de son véritable nom Anne Borel est née en 1948 à Besançon, elle s'est cependant installée assez tôt aux Etats-Unis afin d'y tenter une carrière de modèle et de comédienne. C'est ainsi qu'elle fait ses débuts à l'écran en 1970 à tout juste 22 ans dans le film Week end with the baby sitter, une gentille dramatique signée Don Henderson dans laquelle elle interprète le rôle d'une dealeuse de drogue. Après un passage par le petit écran pour la série télévisée The odd couple, Annik dissimulée sous le pseudonyme de Angie Monet obtient son premier vrai rôle grâce à Tom De Simone, un des grands spécialistes du film porno gay des années 70. Elle est en effet une des principales protagonistes de son WIP, Prison girls, l'histoire à la limite de la pornographie soft de quatre détenues, quatre tigresses, qui racontent les aventures sexuelles qui les ont envoyé droit en prison. Annik,
hargneuse, y dévoile déjà ses charmes les plus intimes et interprète une scène saphique particulièrement pimentée. Prison girls sera pour elle ses premiers pas dans l'exploitation, un univers qu'elle ne quittera plus. La nudité ne lui ayant jamais fait peur, désinhibée, Annik pose également à cette époque pour des magazines de charme américains puis apparait dans Blood orgy of the she-devil, une série Z érotico-horrifique de Ted V. Mikels parfaitement brouillonne et ridicule dans laquelle elle joue la sorcière condamnée et exécutée en début de film qu'on retrouve également dans la peau d'une des filles conviée à une séance de spiritisme. On l'aperçoit par la suite aux cotés de Michael Pataki dans une comédie érotique, The last porno flick, puis le blacksploitation de Jonathan Kaplan, Truck Turner and Cie, avant qu'elle ne quitte l'Amérique pour l'Europe.
Annik s'installe alors à Rome en 1976. C'est là que Rino Di Silvestro lui offre son heure de gloire en lui confiant le rôle principal de son nouveau film, La louve sanguinaire. Le choix d'Annik fut un pur hasard confiait le metteur en scène. Di Silvestro cherchait une actrice au visage étrange pour interpréter cette femme louve. Il recherchait ce qu'en terme cinématographique on appelle "une gueule", une beauté atypique, étrange, capable d'aussi bien plaire au public que de le marquer. Un soir alors qu'il dinait dans un restaurant, il remarqua Annik qui mangeait avec un des amis du réalisateur. Il fut de suite séduit par cette femme immensément grande, à la fois belle et imposante, à l'air si triste, si désemparée et insatisfaite. Il lui proposa le rôle qu'elle accepta de suite, enchantée, s'écriant qu'au fond d'elle elle s'était toujours sentie love. Ce personnage était fait pour elle. Est ce pour cela que la
performance d'Annik alors au top de sa beauté est si impressionnante et aura marqué toute une génération? Il faut avouer que La louve sanguinaire doit beaucoup à la prestation hors norme, hystérique et particulièrement convaincante de la jeune actrice, investie par son personnage. Cette composition explosive agrémentée de scènes de nu très osées, explicites pourrions nous dire, sera le rôle de sa carrière, celui pour lequel on se souvient d'Annik encore aujourd'hui. Cependant, malgré cette performance, elle ne retrouvera plus jamais de rôle aussi fort, seul et unique coup d'éclat d'une carrière bien peu reluisante qui dés lors va vite s'effriter.
C'est en Grèce qu'on la retrouve l'année suivante aux cotés de Ajita Wilson pour Black Aphrodite dans lequel elle joue une dangereuse espionne. Ce James Bond au féminin
version érotico-porno tourné à Athènes sonnera le glas de sa carrière. Condamnée à y jouer des scènes érotiques aux limites du hardcore aussi laides que vulgaires, Annik n'avait jamais été aussi mal mise en valeur. C'est en France qu'elle mettra un terme à sa carrière en 1978 en apparaissant dans un des segments d'une paillardise indigeste et hideuse L'amour chez les poids lourds, une adaptation pornographique de L'Odyssée vue et corrigée par le pornocrate Jean-Marie Pallardy dans la peau d'un travesti! Ce sera le chant du cygne de la carrière d'Annik qui résume essentiellement à un film. Elle disparaitra par la suite et ne donnera plus jamais signe de vie. A la question de savoir ce qu'elle était devenue, Rino Di Silvestro aimait répondre cette phrase certes peu élégante mais néanmoins touchante: Annik est partie faire la louve autour du monde!
Espérons que la nouvelle vie de celle qui restera à jamais notre louve préférée fut mieux remplie et moins triste que son parcours au grand écran!