Decameron N° 4: le belle novelle del Boccaccio
Autres titres:
Real: Paolo Bianchini
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Decamérotique
Durée: 80mn
Acteurs: Nino Musco, Ann Odessa, Lorenzo Piani, Mariangela Giordano, Ciccio Antonacci, Sergio Rovelli, Luigi Antonio Guerra, Ennio Colaianni, Giulio Baraghini, Mimma Gori...
Résumé: Un groupe de joyeuses lavandières vont se raconter tour à tour cinq histoires salaces de maris cocufiés et de moines en chaleur...
Plutôt connu pour ses quelques westerns qu'il signa sous le pseudonyme très américain de Paul Maxwell et pour une étrange petite série Z d'une stupéfiante ringardise, Hypnose ou la folie du massacre, Paolo Bianchini réalisa en 1972 sa seule et unique décamérotique, Decameron N°4: le belle novelle di Boccaccio qui à défaut d'être une des meilleures du genre a au moins l'avantage d'être l'adaptation de cinq nouvelles tirées des écrits de Boccace.
Chaque récit est ici relié par un groupe de lavandières hystériques qui tour à tour vont se raconter une histoire de maris cocufiés. La première d'entre elles nous conte celle de Ghita, une jeune épouse romane mariée à un sicilien beaucoup plus vieux qu'elle, Toffano. Ghita a bien entendu un bel amant qu'elle va rejoindre chaque soir après avoir fait boire du vin à son mari pour qu'il s'effondre sur la table. Elle peut partir sereine rejoindre son fougueux amant vêtu comme Tarzan et s'ébattre dans le foin. Soupçonneux, Toffano découvre le stratagème. Il feint d'être ivre et s'endort pour mieux surprendre sa traitresse de femme. Mais celle ci
parvient à retourner la situation à son avantage et c'est le malheureux Toffano qui sera accusé par ses voisins d'avoir voulu pousser Ghita au suicide.
Le second sketch narre les déboires du pauvre Calandrino qui ne possède au monde que sa belle et si charmante épouse. Un jour trois malandrins apprennent que le couple vient d'hériter de 200 florins. Avec l'aide de Maitre Simone, ils vont faire croire au malheureux qu'il est "enceint". Ils lui proposent de le "soigner" grâce à une potion magique contre la quasi totalité de cette fabuleuse somme qu'ils vont de suite encaisser. La potion quant à elle n'aura comme seul effet que de donner à Calandrino une bonne diarrhée!
Le troisième segment s'attache à la triste mésaventure d'un moine, le Père Rinaldo, pris en flagrant délit de péché de chair avec la belle Agnesa, l'épouse affriolante d'un fermier. Afin de retourner la situation en sa faveur, le Père fait croire au mari que sa femme soufre d'un mal qui devait se soigner par des attouchements très intimes. Le moine explique alors au fermier crédule que le mal serait contagieux. Il lui demande de baisser son pantalon afin qu'il offre son derrière à un jeune novice gay, Frère Langarello.
Le quatrième récit narre la triste aventure d'un jeune couple d'amoureux, Simona et Pasquino, qui font l'amour dans un pré tandis que leurs amis, Puccino lo Stramba et Lagina,
s'amusent à se quereller pour mieux s'exciter mutuellement. Après l'amour, Pasquino, afin d'avoir des dents éclatantes, se les frotte avec la feuille d'une plante vénéneuse et meurt sur le coup. Puccino accuse la très romantique Simona de l'avoir assassiné. Elle est arrêtée et amenée devant le juge et ses assesseurs tous coiffés du bonnet dirait-on des nains de Blanche-Neige. Lors de la reconstitution du supposé crime, il lui demande de lui montrer comment elle s'y est pris pour empoisonner son amant. Le juge rejoue la scène, se frotte les dents avec la fameuse feuille et meurt. Simona est acquittée.
La dernière histoire raconte comment Alberto Da Venegono, un gueux, insatiable coureur de
jupons, va être remis sur le droit chemin par un prêtre qui en fait un de ses novices. Selon lui cela refroidira ses ardeurs. Très vite Alberto va succomber aux charmes de la belle Lisetta qui régulièrement vient à l'église. Le Frère ne rêve que d'elle et ne désire plus qu'une chose, que ce fantasme devienne réalité. Il met alors en place un stratagème: se faire passer pour l'ange Gabriel. Il se fabrique une fausse paire d'ailes en carton et pénètre ainsi chaque nuit dans la chambre de Lisetta pour lui faire l'amour. Il est malheureusement surpris, chassé et ridiculisé.
Les connaisseurs apprécieront le fait que Decameron N°4 le belle novelle del Boccaccio
ait respecté les écrits de l'auteur même si Bianchini a parfois changé la morale de certaines histoires. Voilà qui importe peu d'autant plus que cette décamérotique, loin d'être désagréable, se laisse sagement visionner. Le ton est enjoué, allègre, les décors naturels fort plaisants, que ce soit les vertes campagnes romaines, les vestiges romains du quatrième sketch ou vieilles fermes envahies de poules dont une qui lâche une fiente sur le bras du pauvre Toffano, endormi, la tête dans son assiette! S'il n'est pas le plus riche en scènes de nu, Decameron N°4 en compte cependant quelques unes, tant féminines que masculines, un atout non négligeable dans ce type de production.
En fait le principal souci du film tourné en différents dialectes pas toujours très exacts est l'inégalité des saynètes. Les premier et deuxième sketches demeurent les meilleurs, les plus drôles. Le troisième, trop bref et amodin, reste quelque peu frustrant. Quant aux deux derniers ils semblent s'étirer en longueur et deviennent assez rapidement lassants. Ainsi, le quatrième récit aurait mérité d'être raccourci afin de nous épargner les querelles des deux amants qui se chamaillent comme deux clowns dans une arène de cirque. Tout à fait ridicules (elles sont de surcroit absentes de la nouvelle de Boccace), leur prise de bec et fausses chamailleries fatiguent vite d'autant plus qu'elles alourdissent le récit sans rien lui
apporter. Le film se termine de façon mitigée avec l'ultime nouvelle retranscrite de manière un peu trop stupide, voire grotesque, le gag de l'ange et ses ailes en carton accrochées maladroitement dans son dos est ici trop puéril pour vraiment fonctionner malgré le bon vouloir des acteurs.
Le déséquilibre entre les premiers récits et les derniers rend le film bancal même si au final on sera indulgent au vu de ses qualités et d'une brochette de comédiens enjoués qu'on a toujours plaisir à voir, Luca Sportelli, Nino Musco, Giulio Baraghini version Sean Connery, Enzo Pulcrano en tête, l'indispensable sosie de Ninetto Davoli, ici le séduisant Fernando Monago dont ce fut l'unique film, et deux éternels jeunes figurants du cinéma de genre Luigi Antonio Guerra et Lorenzo Piani (le bel amant du premier sketch dévoué aux rôles de
hippies et petites frappes dans une pléiade de films d'exploitation). A leurs cotés, on reconnaitra avant tout Mariangela Giordano, seule actrice à ne pas se déshabiller ici, et Ann Odessa, étoile filante du Bis découverte l'année précédente à la télévision avant qu'elle ne s'évapore de la surface de la planète en 1974 sans laisser de trace. Toujours dans les crédits du film trois parfaites inconnues dont on ne sait absolument rien, trois mystères qui disparurent aussitôt le film sorti, la blonde et charmante Mimma Gori, la brune Suzy Kuster et l'ingrate Denise Klara Tundis dont le nom ressurgit très brièvement quatre ans plus tard dans Sorbole... che romagnola d'Alfredo Rizzo!
En dépit du peu d'originalité des récits et d'une réalisation très conventionnelle, Decameron N°4 le belle novelle del Boccaccio est une décamérotique honorable qui fera sûrement le plaisir des amateurs du genre même s'ils n'en ressortiront pas transcendés.