Donald O'Brien: le plus irlandais des italiens
Son visage restera à jamais associé à toute une pléiade de western et d'oeuvres érotico-horrifiques qui firent jadis la joie du bissophile. Si son nom fut au générique d'une multitude de films dans lesquels il apparut tout au long d'une carrière qui s'étendit sur quasiment 35 ans, il n'a pourtant pas ni accédé à cette notoriété qui aurait du lui revenir de droit ni reçu la reconnaissance de ses pairs. Il dut simplement se contenter de rester dans l'ombre des plus grands. Curieux, intrigant, quelque peu mystérieux, il reste pour l'amateur encore aujourd'hui une des figures les plus populaires du cinéma de genre transalpin. C'est peut être bien là la récompense fort méritée de cet homme qui derrière ses airs bourrus cachait un coeur d'or et une touchante sensibilité. Voici le parcours riche en émotions du regretté Donald O'Brien.
Fils d'un vétéran irlandais de la cavalerie américaine expatrié aux USA, Donald voit le jour en France, à Pau très exactement le 15 septembre 1930. Donald a la chance de grandir dans une superbe maison avec plage privée. Mais dés 1939 l'ombre de la guerre menace sa famille. Afin de fuir les troupes allemandes, les O'Brien quitte Pau pour regagner Londres. Donald y passera son adolescence. Il y mène une vie aussi triste et monotone que la ville elle même. L'adolescent s'ennuie, peu passionné par les études. A 17 ans, il quitte le toit familial pour retrouver ses terres d'origine. Il s'installe à Dublin et décide de s'adonner à sa passion: le théâtre et la scène. Il prend des cours bien déterminé à devenir comédien. Malheureusement son père ne l'entend pas de cette oreille. Afin de ramener son fils à la raison, il lui coupe les vivres. Pour lui ce métier est un métier d'homosexuel et jamais il n'acceptera cela de la part de son fils. Donald tient tête mais ses cours ne mènent pas à grand chose. Rien ne va assez vite à ses yeux. A 18 ans il quitte Dublin pour vivre à Paris. Il continue à prendre des cours tout en travaillant occasionnellement dans les locaux de l'armée américaine. En 1952 il décroche une courte apparition dans un épisode de la série télévisée, Robert Montgomery presents avant d'obtenir son tout premier rôle au cinéma l'année suivante dans Un acte d'amour de Anatole Litvak. Malgré cette chance, sa carrière toute fraiche, piétine.
Donald vit de vaches maigres jusqu'à ce que la chance lui sourit à nouveau en 1959 où il va commencer à apparaitre plus ou moins furtivement dans bon nombre de films français où souvent il joue un anglais ou un américain. On peut l'apercevoir entre autres dans Les scélérats de Robert Hossein, Les parisiennes, Week end à Zuydecoote, La métamorphose des cloportes ou encore Le procès de Jeanne D'Arc de Claude Bresson dans lequel il interprète un prêtre. Donald avoue que c'est Bresson qui lui donna cette passion du métier qui ne le quittera plus tant le réalisateur lui demanda de s'investir sur le tournage du film. Il tournera deux fois pour John Frankenheimer dans Le train et Grand prix.
Le jeune acteur se voit alors appeler pour jouer en Italie aux cotés de Jane Mansfield. C'est pour lui la chance de sa vie. Bien malheureusement le film ne se fera pas suite au décès de l'actrice. Donald fait alors le point sur sa vie, ses réels désirs, il se cherche encore. Il est conscient qu'avec sa "gueule" il ne pourra jamais jouer les latin lovers et se sait condamné à incarner des personnages de méchants et le western est à cette époque un genre très en vogue en Italie. Donald s'installe chez un ami à Fregene. C'est à ce moment que Sergio Sollima le choisit pour être le partenaire de Tomas Milian dans Saludos Hombres. Malgré cette opportunité, la carrière de Donald ne décolle guère. Il va désormais être cantonné dans des rôles de vilains de second ou troisième plan dans toute une série de westerns. Ainsi le voit on dans Si je te rencontre je te tue, Le sheriff di Rockspring, Son colt était son dieu, Il giustiziere di Dio, 2 chinois dans l'Ouest, Les âmes damnées de Rio Chico ou encore Jesse e Lester due fratelli in un posto chiamato Trinita. Il tourne deux fois pour Lucio Fulci dans Les 4 de l'apocalypse d'une part et Le retour de Croc blanc d'autre part. Donald était déjà apparu auparavant dans une des adaptations du roman de Jack London, celle de Tonino Ricci Croc blanc. Outre le western, il est à l'affiche d'un étrange film qui mêle giallo et horreur, Il sesso della strega. Donald a une "gueule", Donald a du talent, il a la rage et la passion pour son métier mais il restera
cependant un acteur de deuxième zone dont la valeur ne sera jamais réellement reconnue ni du métier ni de ses pairs.
A cette même époque Donald est fou amoureux d'une jeune française mais sa relation stagne en parti dû au caractère très particulier de la jeune fille. Partagé entre l'Italie et la France, Donald rompt avec elle en 1976 lorsqu'il se voit offrir par Castellari le rôle de co-protagoniste dans Keoma. Il est si heureux qu'il réussit donc à briser cette relation amoureuse qui l'emprisonnait et s'installe définitivement à Rome. Donald ne mariera jamais, un choix volontaire de sa part qu'il ne regrettera pas. La vie de Donald est loin d'être un long fleuve tranquille. Il a toujours mener une vie dissolue où morphine et prostituées étaient ses
principales addictions. Ses erreurs il les assume fièrement et confesse que parmi elles, il n'a par chance jamais commise celle du mariage avant d'ajouter avec humour que sans les prostituées il serait probablement devenu homosexuel!
La mort du western Donald va alors se tourner vers d'autres genres notamment les productions érotiques et l'horreur bon marché. Petit à petit il sombre dans un cinéma commercial de plus en plus fauché. On le voit ainsi nu dans l'érotico-giallo Giochi erotici di una famiglia per bene dont il garde un souvenir charmant notamment pour la présence de Erika Blanc qu'il adorait, Yeti le géant d'un autre siècle, La grande attaque de Umberto Lenzi, Les amours interdites d'une religieuse, Hard to kill sans oublier Emanuelle et les derniers cannibales tous trois signés D'Amato.
Donald n'a jamais eu de réels problèmes avec la nudité et l'érotisme même s'il se souvient avec cet humour qui le caractérisait de la scène où il voit sa soutane être arrachée par une horde de nonnes possédées dans Les amours interdites d'une religieuse. Donald était entièrement nu dessous et être ainsi assailli par toutes ces furies pour finir son exorcisme en tenue d'Adam le tétanisa tant et si bien qu'il ne parvenait plus à réciter son texte au grand dam de D'Amato.
Il fait une ultime apparition dans la case western en 1977 avec Mannaja l'homme à la hache de Sergio Martino et c'est en 1979 qu'il tourne le mythique Zombi Holocaust de Girolami, un film dont son nom est indissociable. Donald avoue beaucoup aimer ce film pour qui il a énormément d'affection et qu'il juge franchement intéressant. Il s'est beaucoup amusé à le faire même s'il demeurera à jamais une série Z aussi sanguinolente que hilarante. Il retrouvera l'année suivante Girolami pour Sesso profondo / Chaleurs exotiques.
Les années 80 lui seront fatales. Une nuit alors qu'il est à Paris au chevet de sa soeur, il se relève pour aller boire. C'est alors qu'il trébuche sur le sol de la cuisine et se heurte la tempe contre le mur. Il sombre plusieurs jours dans le coma et en ressortira entièrement paralysé du coté gauche, un caillot de sang compressant la partie droite de son cerveau. Malgré son douloureux handicap, Donald décide de se battre, il ne veut pas se laisser aller. Il se prend en main et souhaite plus que tout continuer son métier, cette passion qui est toute sa vie. Fulci lui offre un rôle dans 2072 mercenaires du futur dans lequel il réussit facilement à dissimuler son handicap. Avec le temps l'hématome va se résorber et Donald retrouve une bonne partie de sa mobilité. Entre 1984 et 1990 il tourne encore et toujours quelques petites séries telles que 2020 Texas gladiators, Ghosthouse, Atomic cyborg, L'épée du saint Graal et Ritorno della morte, son dernier véritable grand rôle film. En 1986 Jean-Jacques Annaud lui offrit un petit rôle dans Au nom de la rose qui restera pour Donald un grand moment de sa vie d'acteur.
Il tournera son ultime film en 1994, Caro dolce amore de Enrico Coletti puisque malheureusement le destin va le frapper une seconde fois en juillet 95 quand sa hanche droite s'affaisse suite à toutes ces années où il dut forcer pour se déplacer. La douleur est intense. Il ne pourra plus désormais se mouvoir sans béquilles. Ce coup du sort met un terme définitif à sa carrière. Si c'est le coeur déchiré qu'il doit abandonner ce qui a représenté toute sa vie, si le cinéma va lui manquer cruellement, Donald ne se laisse pourtant pas abattre. Il chérit au plus profond de lui toutes ces années durant lesquelles il a tourné, ne regrettant rien de ce qu'il a fait, ne reniant aucun des films dans lesquels il est apparu si fauchés soient ils. Tout ce qu'il a fait, il l'assume et surtout l'apprécie à sa juste valeur.
S'il ne peut plus se mouvoir dans ses béquilles, cela ne l'empêche pas d'aller encore de temps à autre nager au bord de la mer ce qui lui procure un immense bonheur. Ce nouvel accident a donné une autre définition à sa vie. Si travailler lui manque énormément, Donald a su trouver un autre sens à la vie. Il vit désormais du peu d'argent que sa défunte soeur lui a légué à sa mort et s'étonne encore qu'aujourd'hui on se souvienne de lui, qu'on l'aime et apprécie son travail. C'est pour Donald la plus belle des récompenses, celle du public.
L'acteur donnera sa dernière interview en 2001. Il s'éteindra deux ans plus tard le 29 novembre 2003, à l'âge de 73 ans, emporté par un infarctus.