Max Delys: La chute d'une idole
Après avoir été un des princes du roman-photo, il fut un des jeunes dieux du cinéma de genre transalpin voué aux rôles de délinquants après que Andy Warhol en ait fait une des idoles de la nouvelle vague. Promu à un brillant avenir, ce petit français qui fit carrière en Italie fut victime de ce succès, détruit par le milieu. Il est grand temps de nous souvenir de ce cannois que l'Italie un jour idolâtra et dont la beauté ravageuse hante encore bien des mémoires de bissophiles, cet ange rebelle nommé Max Delys.
C'est à Cannes le 11 juin 1951 que Max voit le jour. Fils d'un pâtissier et d'une ex-reine de beauté cannoise, Max grandit à République. Passionné de cinéma, il voit ses premiers films au cinéma du Lido où il nourrit ce rêve d'être un jour comédien. Plus intéressé par les pâtisseries de son père que par les études, Max gagnera tout de même les championnats du cent mètres natation, élu meilleur jeune nageur de sa catégorie. Max encore adolescent fait pour la première fois de sa vie la une des journaux locaux. Tout semble sourire à Max qui un jour alors qu'il descendait les marches de l'ancien festival croise un homme qui lui sourit et l'accoste. Cet inconnu n'est autre que le réalisateur Paul Morrissey qui voit en lui un futur jeune premier. Max est beau, terriblement, dangereusement beau et sa beauté ne laisse personne indifférent, ni les hommes ni les femmes. Le jeune homme le sait, s'en rend compte. Il n'a que 17 ans lorsqu'il rencontre une jeune fille, Dominique, qui travaille à Cinecittà. Il décident de partir ensemble pour Rome sans rien dire à personne. Max enverra juste une lettre à ses parents sans y mentionner d'adresse où le joindre. Cette folle décision, il ne le sait pas encore, si elle lui offrira la chance de sa vie, lui ouvrira les portes du paradis elle sera également sa propre condamnation à mort.
Une fois à Rome, la beauté de Max est vite remarquée des producteurs et agents artistiques. En quelques mois, soutenu par son amie, il devient une des nouvelles idoles du roman photo italien, un support alors très à la mode. Il travaille pour la célèbre Lancio, on s'arrache ces magazines dans lesquels Max fait rêver les jeunes filles en fleur et rend jaloux leurs fiers fiancés. Max est ambitieux et c'est avant tout de cinéma dont il rêve. Le chemin est dur, la vie pas toujours facile mais Max traine dans les endroits branchés de Rome. Il va apprendre l'anglais et l'italien et passera même six mois à New York pour prendre des cours à l'Actor's studio.
Les efforts paient et le petit cannois est sur le point de devenir un des nouvelles star du cinéma italien. Son premier rôle il le décroche en 1969 lorsque Eriprando Visconti lui propose de participer à son nouveau film La monaca di Monza / La religieuse de Monza. Il n'a que 18 ans et sa carrière de comédien vient de débuter pour le meilleur et ... pour le pire. Sa véritable chance c'est Siro Marcellini qui lui offre lorsqu'il se voit proposer un des rôles principaux de La legge dei gangsters / La loi des gangsters aux cotés de Klaus Kinski, premier des trois polizeschi que Max tournera dans lesquels il incarne un personnage de jeune truand. On le reverra en effet dans
Jeunes désespérés et violents de Romolo Guerrieri aux cotés de Benjamin Lev et Stefano Patrizi voyous sans foi ni loi et Brigade antiracket / Ritorno quelli dalli calibro 38 de Giuseppe Vari. Mais sa grande chance c'est en 1973 qu'elle survient lorsqu'il rencontre pour la seconde fois Paul Morrissey qui lui offre sans hésiter un des rôles principaux du dernier film de Andy Warhol L'amour. La carrière de Max est véritablement lancée avec ce film et il devient l'idole de toute une génération. Morrissey aujourd'hui encore ne tarit pas d'éloges sur Max qui pour lui restera une des plus belles rencontres de sa carrière de réalisateur.
Le jeune acteur va alors enchainer les films jusqu'à la fin des années 70. On l'admire dans Pain et chocolat, il est un gangster ambigu dans le curieux La nottata où on peut subrepticement l'admirer nu et enfin on le voit dansVieni vieni amore mio. En 1977 il apparait brièvement dans Disposta a tutto de Giorgio Stegani aux cotés de Eleonora Giorgi qui fut déjà sa partenaire dans le film de Guerrieri. Il vivra alors une intense mais brève histoire d'amour avec Eleonora. Ce film dans lequel il joue le temps d'une trop courte séquence un étudiant en anglais sera pour Max son ultime apparition au cinéma. Dans une interview qu'il donna alors Max avoua que même s'il n'a jamais réellement apprécié le travail qu'il avait fourni pour le roman-photo, c'est bien ce support qu'il lui avait offert le plus de satisfaction, quelque peu déçu par le cinéma et surtout les rôles auxquels il semblait définitivement voué.
S'il est riche, s'il est célèbre, s'il est adulé par tout un public, l'ange est cependant malheureux. L'envers du décor est bien différent de l'image que Max veut en donner. A force de vouloir briller, l'ange s'est brûlé les ailes. Déçu par une carrière de comédien qui ne correspond pas forcément à ses rêves, jeté trop vite ou trop tôt dans un monde souvent cruel, rongé par un certain mal de vivre, les raisons de sa lente déchéance peuvent être nombreuses mais Max souffre surtout d'un mal qui ronge nombre de ses confrères et consoeurs, la drogue. Sa carrière en pâtit. Il réapparait une toute dernière fois sur les écrans de cinéma en 1982 dans Una di troppo. Il rentre alors à Cannes. Max quitte ses amis, son luxueux appartement, ses fans, le fisc italien lui a tout pris, il n'a plus d'argent et la drogue le ravage.
Renfermé, peu loquace, Max accorde encore quelques interviews mais n'aborde jamais ses problèmes d'addiction. Il tente de refaire sa vie en travaillant dans une entreprise alors bien mal réputée avant de rentrer à l'hôpital. Son état s'est aggravé, il a parfois des éclairs de lucidité avant de perdre la mémoire. Max qui au cours d'une interview avait un jour déclaré que son rêve était de vivre très longtemps s'éteindra au milieu des années 80. Il n'avait qu'une trentaine d'années. Son décès passera inaperçu. C'est l'acteur Roberto Farnesi qui annoncera la triste nouvelle. Ses parents ne lui survivront pas et mourront de chagrin laissant ses deux soeurs Michelle et Myriam.
Max s'en est allé victime d'un fléau qui fit s'abattit sur toute une génération dans l'univers du 7ème art. S'il avait tout pour lui, l'Ange qui un jour avait déclaré que son rêve était de vivre très longtemps s'est perdu sans ses rêves et le tourbillon infernal de la vie, brisé par ce milieu impitoyable, une fulgurante ascension pour une vertigineuse chute qui lui fut fatale.
Outre sa foudroyante beauté, Max restera pour nous un jeune comédien plein de talent éminemment sympathique, celui qui restera à jamais tant le séducteur papier glacé que le voyou à l'esprit rebelle.