Blood for Dracula
Autres titres: Du sang pour Dracula / Dracula cerca sangue di vergine e mori di seta / Andy Warhol's Dracula / Andy Warhol's young Dracula / Dracula vuole vivere: cerca sangue di vergine / Young Dracula
Real: Paul Morrissey
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 103 mn
Acteurs: Udo Kier, Arno Juerning, Joe Dallesandro, Silvia Dionisio, Vittorio De Sica, Maxime McKendry, Milena Vukotic, Stefania Casini, Dominique Darel...
Résumé: Dracula se meurt faute de vierges. Il décide, accompagné de son serviteur, de se rendre en Italie où les jeunes filles sont réputées prudes. Il est hébergé par la marquise Di Fiore, mère de quatre resplendissantes filles. Mais les temps ne sont ce qu'ils étaient et trois d'entre elles ne sont déjà plus vierges. De plus en plus infirme, agonisant, Dracula va s'attaquer à la plus jeune...
Tourné à quinze jours d'intervalle de Chair pour Frankenstein, Du sang pour Dracula porte toutes les stigmates du cinéma de Paul Morrissey même s'il fut comme pour Chair pour Frankenstein assisté deAntonio Margheriti pour toutes les séquences sanglantes et à effets spéciaux, l'ombre d'Andy Warhol planant derrière le cinéaste.
Du sang pour Dracula est avant tout une oeuvre artistico-politique qui tend à malmener et même briser avec une ironie parfois lourde le célèbre mythe du vampire. Il nous montre un Dracula agonisant, rachitique et pathétique, un être déchu prêt à tout pour rester en vie dans une société contemporaine où la pureté et l'innocence sont corrompues voire en voie d'extinction y compris en Italie, pays aux moeurs pourtant rigides et à la morale inébranlable que Dracula choisit donc comme terre d'exil pour se trouver une jeune vierge.
Sur cette base, Morrissey signe un film chaotique mais hautement jouissif si on le prend pour ce qu'il est: une simple oeuvre d'exploitation.
Du sang pour Dracula est un film qui surprend d'une part pour son épurement visuel. Les décors sont minimalistes et le rythme très lent ce qui risque de déplaire à tout ceux qui s'attendaient à voir un film sanglant haut en couleur dans la lignée de Chair pour Frankenstein. On lorgne plus vers une tentative de cinéma d'art et essai qui mélange avec désinvolture vampirisme, gore, érotisme et satire sociale puisque Du sang pour Dracula est avant tout une sévère critique sociale comme Morrissey aimait alors en livrer.
C'est peut être là que le bât blesse car le film s'égare dans tous les sens, la réalisation est confuse. Morrissey donne sa vision du capitalisme, du communisme et de la lutte des classes en tentant maladroitement de comparer le vampirisme au capitalisme qui se nourrit du peuple et de ses ressources.
Encore plus vicieux, il s'attaque aussi à l'aristocratie et la bourgeoisie sans pitié car cette fois Dracula, désespéré et mourant est prêt à s'attaquer à sa propre classe aujourd'hui dépossédée de ses biens- son château est vide- et qui vit désormais repliée sur elle même jusqu'à s'adonner à la consanguinité pour pouvoir survivre. Le tableau est donc des plus sombres et Dracula démuni de tout pouvoir surnaturel n'est plus que le portrait de cette décrépitude sociale.
Les serviteurs semblent également prendre le dessus, classe inférieure mais de plus en plus importante incarnée ici par le personnage de Mario qui devance à chaque fois Dracula dans sa quête en volant la virginité de ses proies. Le peuple a pris le pouvoir et écrasé l'aristocratie, il n'y a plus aucune hiérarchie pas même de maitre à valet.
Le peuple tue l'aristocratie symbolisée ici par un Dracula pitoyable vomissant ses entrailles au dessus de la cuvette des toilettes après avoir bu du sang impur ou contraint tel un animal à lécher sur le sol les quelques gouttes de sang des menstruations d'une vierge à peine déflorée.
Ce sont là deux des séquences les plus marquantes du film et les plus symboliques, magnifique représentation de la destruction d'un mythe et de la décadence d'une classe.
Morrissey va encore plus loin pourtant dans sa démonstration, montrant qu'il n'a pas plus de compassion pour les hautes classes sociales que pour les basses. Faucille et marteau sont bafoués en rouge, symbolisant l'anéantissement de l'idéal révolutionnaire qui tua la bourgeoisie tandis que c'est le serviteur qui détruira Dracula, dupé par les siens et jouet de fausses vierges, en le démembrant à la hache lors d'un final haut en couleur.
C'est d'ailleurs là le seul moment réellement gore du film où on retrouve tout le panache d'un certain cinéma d'exploitation transalpin, climax sanglant qu'on doit à Margheriti et qu'on retrouve également lors des deux scènes où Dracula vomit le sang qu'il vient d'ingurgiter, jets d'hémoglobine dégoulinant de ce corps chétif pris de spasmes mortels.
L'érotisme assez poussé là encore tente de démontrer une fois de plus la décadence aristocrate. Les bourgeoises sous le vernis de leur rang ne sont que des catins prêtes à s'adonner aux pires vices y compris avec le bas peuple tant qu'elle connaissent la jouissance, le sexe et l'argent n'étant que le moteur de leur vie. Elles ne sont que des catins et en catins elles sont traitées. Morrissey dépeint avec un certain cynisme un véritable tableau de stupre où se mêlent inceste et saphisme lors de séquences assez osées même si contrairement à Chair pour Frankenstein elles ne sombrent jamais dans le porno soft.
Obnubilé par le coté social et satirique, Morrissey en oublie malheureusement le réalisme. Du sang pour Dracula outre cette réalisation éparse, souvent maladroite, cet amoncellement de critiques, souffre de son coté épuré et minimaliste qui donne au tout un coté parfois stupide peu aidé par une interprétation outrancière, surjouée qui verse dans le comique. Cet aspect comique si noir soit il ne fonctionne malheureusement pas toujours comme il devrait. Faute là encore en incombe à une réalisation brouillon qui ne va pas au bout de son objectif.
Malgré ces défauts, le film reste une oeuvre esthétiquement très belle qui tente par instant de se rattacher à un certain cinéma gothique italien. Du sang pour Dracula de par son coté satirique et jubilatoire est une petite bande attachante hautement délirante qui fera le plaisir des amateurs de cinéma d'exploitation. Voilà un film en tout sens monstrueux dans le plus sympathique sens du terme, une illustration merveilleuse et réussie de la déchéance et de la décrépitude d'un mythe.
On retiendra l'interprétation sublime de Udo Kier à la fois fragile, pathétique, grotesque mais aussi pervers tant et si bien que le pauvre Dracula qu'il incarne nous est attachant et devient par le biais de son interprète la principale force de ce film. Pour l'anecdote, c'est au départ Sdrjan Zelenovic, le jeune comédien qui incarnait le monstre dans Chair pour Frankenstein, qui devait tenir le rôle du célèbre vampire mais des problèmes de passe-port non résolus l'en empêchèrent. C'est donc à Udo que le rôle échut.
A ses cotés, on retrouvera le toujours et malheureusement statique Joe Dallesandro, l'icône gay warholienne à qui on doit une fois de plus la plupart des séquences érotiques qu'il partage avec quelques futures starlettes de l'érotisme transalpin dont Stefania Casini qui deviendra son épouse et la femme de Ruggero Deodato, Silvia Dionisio ici en jeune vierge. On remarquera les apparitions de Vittorio De Sica dans la peau du marquis et de Roman Polanski en caméo.