Monica Zanchi: L'edelweiss du cinéma italien
S'il est bien un visage que le cinéma italien n'oubliera pas, c'est celui de la plus candide des jeunes actrices qu'ait connu le Bis transalpin. Son sourire étincelant, son regard malicieux et innocent mais si polisson à la fois, sa fraîcheur, son naturel, cet air candide ont de suite séduit le public qui en a fait une de ses reines. La belle Monica Zanchi a tout à fait sa place au firmament des stars et c'est de façon tout aussi coquine que Le Maniaco va vous conter la vie de cette jeune femme pleine de talent.
La belle Monica est née à Berne d'une mère suisse et d'un père italien originaire de Bergamo. C'est à l'âge de huit ans qu'elle quitte Berne pour s'installer dans la ville natale de son père où elle finit ses études. A quinze ans, ivre de liberté, Monica décide de voyager seule avec pour seul compagnon son sac à dos. Ce seront trois années de stop qui vont commencer où elle va parcourir l'Europe d'une part mais aussi le Maroc.
Forgée par l'aventure, elle retourne chez ses parents à dix-huit ans et décide alors de devenir modèle. C'est à Milan que va débuter sa nouvelle vie. Kenzo, Versace, Fiorucci, elle travaille pour les plus grands et devient en peu de temps l'impératrice de la mode, voyageant de pays en pays. Les défilés seront sa première expérience de la scène mais le problème est que Monica déteste la superficialité de ce milieu. De caractère rebelle, elle aime le contact avec les les gens, les différentes cultures. Dans ce milieu artificiel même si elle aime les flashes qui crépitent, elle hait l'ambiance et l'absence de communication qui y règne.
Si elle ne pense pas encore au cinéma, ses premiers pas y seront eux aussi fortuits. Alors qu'elle est en vacances en Sicile avec une amie, elle rencontre Renzo Arbore qui la convint de venir à Rome où elle fait la connaissance de celui qui sera son agent artistique. Il lui propose de tourner dans un eros-svastica, celui que Sergio Garrone prépare le fameux Holocauste nazi. Depuis le succès de Salon Kitty et le statut de nouvelle star de Theresa Ann Savoy, le genre est à la mode en Italie. Monica refuse la proposition, ne se sentant pas prête pour ce genre de rôle mais elle accepte par contre de poser pour le magazine Playmen. Elle ressortira fort déçue de cette aventure car si les photos montrent bien son visage, le corps est retouché de façon vulgaire. Monica aura la même désagréable expérience avec Tinto Brass lorsqu'il lui propose un rôle dans Action où elle devait tourner des scènes de bain érotiques qu'elle refusa dare-dare car trop osées.
Faire du nu ne la dérangeait pas du moment que l'histoire était un tant soit peu solide et surtout s'y prêtait. La gratuité déplaisait à la jeune fille. Question de temps, d'âge et d'époque aussi. A dix-sept ou vingt ans, elle ne pouvait se permettre de telles scènes d'autant plus que dans les années 70, les esprits n'étaient pas aussi ouverts qu'aujourd'hui. Et de caractère sauvageonne, personne n'a jamais imposé à la belle Monica ce qu'elle ne voulait pas.
Son premier film elle le doit à Pasquale Festa Campanile en 1975, Pasquale qu'elle rencontra dans un restaurant où elle dinait en compagnie de son agent. Le célèbre réalisateur lui proposa de participer à son nouveau film, Autostop rosso sangue / La proie de l'autostop, un film qui allait faire d'elle une des nouvelles stars du cinéma italien.
De ce film, Monica en garde un souvenir à la fois terrible et amusé. Terrible car elle devait y tourner des scènes de nu alors qu'il faisait un froid glacial mais amusé car toute l'équipe fut particulièrement amicale avec elle, du coté paternaliste de Campanile qui ne cessait de s'occuper d'elle à Franco Nero, un homme d'une grande sympathie avec qui elle avoue avoir eu une aventure sans oublier Corinne Cléry, une jeune femme qui ne fut jamais pour elle une rivale mais une amie.
Puis ce fut le film de Alberto Cavallone, Spell- Dolce mattatoio / L'uomo la donna la bestia l'un des plus incroyables films italiens, un conte quasi muet surréaliste dépassant parfois les limites de l'imaginable. Monica se retrouva sur le set par le biais d'un proche de Cavallone, homme d'une grande culture et grand philosophe. Monica trouva le film fort intéressant malgré les scènes obscènes qu'elle devait tourner, les scènes les plus abjectes de sa carrière. C'était la première fois qu'elle faisait des scènes si crues et le tournage fut particulièrement difficile pour Monica, surtout la scène où elle fait l'amour avec un garçonnet mais également celle où, nue, elle doit écarter les jambes afin qu'on lui tire des boules de billard dans le vagin. Monica ou le billard humain!
Suivra un de ses films les plus connus Emmanuelle e gli ultimo cannibali / Viol sous les tropiques de Joe D'Amato, film dont elle garde un bon souvenir, un souvenir surtout amusé car contrairement à ce qu'on pourrait croire il fut tourné prés de Rome, à Mazzano, en quatre semaines. Monica aime raconter une anecdote à propos du film: dans la scène finale où Laura Gemser doit la sauver des eaux, la rivière censée représenter un fleuve amazonien était si bas qu'elle devait faire semblant de nager. Fous rires garantis! Lors du tournage, elle avoue avoir eu une aventure avec un ami de Gabriele Tinti qui venait souvent les voir sur le tournage, Angelo Infanti. Une belle amitié nait entre elle et Joe D'Amato, réalisateur qu'elle respectait pour sa gentillesse, sa douceur et sa sympathie.
Elle apparait ensuite dans l'excellent Suor Emmanuelle / Emmanuelle et les collégiennes, film dans lequel elle retrouve d'ailleurs Laura Gemser et Gabriele Tinti avec qui elle partage des scènes très osées devant Laura. Monica tint à la rassurer et Laura comprit vite que Monica n'était pas une intrigante et ne représente aucun danger pour son couple. Monica a toujours eu le respect d'autrui et n'était pas comme beaucoup d'autres actrices, des profiteuses qui aiment le sexe et se jettent sur l'occasion. D'autant plus que ces jeux ne l'intéressaient. Du sexe, elle en connaissait beaucoup de par ses nombreux voyages et n'avait donc point besoin de ça.
Mais le sexe rongeait alors l'envers des décors où chacun couchait avec tout le monde, du photographe à l'agent artistique en passant par l'équipe technique. Monica a toujours refusé ce système, voulant être reconnue pour son talent et son travail. Sinon autant se prostituer confesse t-elle. Suor Emanuelle fit beaucoup parler d'elle notamment pour la séquence de fellation qu'elle fait dans le train. La belle actrice était assez intimidée de tourner une scène aussi dérangeante et elle prit soin de demander au producteur de bien notifier sur son contrat qu'elle refusait tout contact buccal. Telle que fut tourné le plan, l'illusion est parfaite!
Un autre souvenir que Monica raconte volontiers à propos de ce film est l'étrange mésaventure qui lui est arrivée avec Vinja Locateli qui joue sa colocataire. Vinja était dans le privé une amie d'enfance. Monica insista auprès du producteur pour qu'il la choisisse pour ce rôle afin que les scènes saphiques soient plus faciles à jouer. Mais Vinja montra vite une face insoupçonnée de sa personnalité. Par jalousie ou rivalité Vinja cacha sous le matelas de Monica des bijoux appartenant à l'accessoiriste du film afin de la faire inculper pour vol. Elle parvint à son but mais le producteur découvrit la vérité et la gifla méchamment pour cet acte impardonnable.
Comment Monica abordait elle donc les scènes saphiques qu'elle devait faire? Le plus naturellement du monde en parlant de celles ci avec le réalisateur et l'actrice concernée puis définir les limites de chacune.
Après Suor Emanuelle, elle apparait dans Incontri molto ravvicinati del quatro tipo de Mario Gariazzo, une parodie érotique aux limites du hardcore de Rencontres du troisième type, où Monica joue de torrides scènes lesbiennes avec notamment Maria Baxa notamment celle du divan. Elle confesse d'ailleurs avoir été doublée pour celle ci tant elle était osée.
On l'aperçoit dans le drame trash de Sergio Bergonzelli Porco Mondo.
Suivra un petit rôle, une des invitées déguisée et maquillée de la swimming pool party, dans Caro papa de Dino Risi, réalisateur qu'elle apprécie énormement. Elle était également trés amie avec son fils Marco Risi avec qui elle sortait souvent en compagnie de Michele Placido. Marco lui a enseigné une chose trés importante. Dans l'univers du septième art, tout fonctionne sur l'amitié, ce n'est pas une affaire d'agents et encore moins de fêtes et autres parties mondaines où tout se finit dans un lit. Ce cinéma, Monica l'a toujours refusé sinon comme elle le dit elle même: J'en aurais fait des millions, des milliards. Toujours la même année, elle fait une apparition dans Voyeurs pervers de Giuliano Petrelli.
En 1978, elle tourne en Espagne Ines de Villalonga / Il peccato di una monaca de Jaime Jesus Balcazar, une histoire d'amour entre un soldat espagnol et une jeune novice. La soeur de l'officier étant éperdument amoureuse de la religieuse cela jettera la discorde dans le couple. De ce film, elle se souvient surtout de sa colère contre les trésoriers et les magouilles financières qui retardaient sans cesse les salaires des acteurs. Femme de caractère, Monica n'était pas du genre à jouer gratuitement. Plus amusant est le souvenir qu'elle garde de Maria Rey, sa partenaire, qui dans la vie était réellement lesbienne et fit tout son possible pour dormir dans la même chambre qu'elle durant les cinq semaines de tournage. Naturelle et innocente, Monica mit cela sur le compte de l'amitié au départ car elle l'avoue elle même, à cette époque elle était très naïve. Une nuit, Maria passa à l'acte ce que Monica prit très mal, sa franchise naturelle n'arrangeant pas la situation. Elle regrette beaucoup cette réaction et ne réagirait plus ainsi aujourd'hui mais à cette époque, elle comprenait mal l'homosexualité et le comportement homosexuel.
C'est alors que la belle actrice va mettre sa carrière en suspend pour se consacrer à une autre activité: la chanson, une passion qu'elle a toujours eu, renforcée par l'homme qui partageait sa vie, un producteur et compositeur mondialement connu. Il n'aimait guère que sa compagne tourne certains films et n'en voyait surtout pas l'utilité. Ils avaient tout pour être heureux et le cinéma n'apportait rien de plus à leur bonheur idyllique.
Monica décide donc de partir à l'assaut des hit-parades dès 79/80 avec un premier single, Plastic doll, et une vidéo présentée à Cannes. Enorme succès, le clip passait en boucle sur les chaînes italiennes et les plateaux télé se l'arrachaient. Monica interpréta également quelques titres pour des films dont Vacanze in America.
C'est alors que sa belle-soeur lui présenta un jour son fiancé, un des membres du groupe Pooh. Mais bizness et famille font rarement bon ménage. Le compagnon de Monica refuse de continuer à la produire, ne désirant pas devenir le producteur d'une affaire de famille. Cette aventure mit fin à leur relation qui durait depuis neuf ans et Monica se trouva un autre producteur. Elle sort son nouveau single, No word, mais la collaboration fut de courte durée, son nouveau producteur ayant tenté de coucher avec elle.
Fatiguée de cette vie artificielle, de la jet-set, des parties de golf, Monica se remet en question, en proie à une crise existentielle. Elle décide de repartir à zéro, de retomber dans l'anonymat et surtout d'abandonner définitivement le cinéma, lasse d'attendre des rôles, lasse d'attendre tout simplement.
Elle entame alors une longue tournée au Danemark à l'occasion d'un festival de jazz et c'est à cette occasion que la chance lui sourit à nouveau en la personne de Danu extrem, chanteur excentrique très connu en Suisse. De cette rencontre va naître une collaboration professionnelle et musicale. L'entente entre eux est parfaite et ils vont écrire des morceaux en anglais, italien et même en allemand. Monica intègre le groupe du chanteur punk et commence alors une longue tournée en Allemagne notamment. L'occasion de faire un CD en Suisse se profile alors. Ils paient aux mêmes la création ce disque, composé de morceaux à base de guitare essentiellement et le proposent à Sony ainsi qu'à Polygram. Cette dernière maison d'édition est intéressée et accepte de sortir le CD.
Monica souhaite alors partir pour Rome mais après avoir payé tous les arrangements du disque et sa fabrication, elle n'a plus assez d'argent pour continuer à voyager. Démoralisée, elle retourne à Zürich, son fiancé y habitant, et avec une amie, va ouvrir un petit magasin de vêtements puis d'antiquités qu'elle fait venir des quatre coins de l'Europe. Le petit négoce s'agrandit et Monica se retrouve désormais à la tête d'une affaire en plein essor.
Elle refera une apparition sur le petit écran dans un épisode de la série télévisée Helena aux cotés de Helmut Berger puis sur grand écran en 1991 dans le film de Claude Chabrol Giorni felici a Clichy dans le rôle furtif d'une danseuse perdue parmi d'autres danseuses.
Son ultime apparition sera en 1996 une fois encore pour la télévision dans Gegen drogen de Jean Paul Vuillemeunier qui la choisit surtout pour la qualité de son français. Le rideau tombe alors pour l'actrice.
Aujourd'hui, Monica n'a aucun regret et avoue avoir aimé tous les films dans lesquels elle a joué, apprécié chacune des tournées qu'elle a faite et les chansons qu'elle a chanté, profité pleinement de tous ces instants de bonheur.
Elle ne garde que de très bons souvenirs de ces années et si elle devait émettre un seul regret c'est que telle une malédiction, chaque fois que le cinéma la réclamait elle n'était pas là et lorsqu'elle était enfin là, le cinéma ne faisait plus appel à elle. Un jeu de cache-cache qui lui fit perdre de nombreuses occasions.
Nous aussi nous n'avons qu'un seul regret, Monica, celui de ne pas t'avoir vu davantage afin d'admirer ta luminescente beauté.