Rita Silva: Cléopâtre paralysée
Si Rita Silva n'a jamais réellement été une des actrices les plus sollicitées du cinéma de genre italien, elle n'en a pas moins laissé sa trace dans quelques oeuvres joyeusement polissonnes et quelques films Bis tout aussi réjouissants. Malheureusement, après un beau parcours professionnel le sort s'est acharné sur la blonde Rita et c'est de façon dramatique que la belle toscane, ex-Miss Italie, dut mettre un terme prématuré à sa carrière de comédienne. Voici l'histoire d'une belle aventure qui malheureusement se termina en tragédie à l'aube des années 90.
Rita Silva de son vrai nom Rita Pistolazzi est née en Toscane d'une mère originaire de Benevento et d'un père qu'elle n'a pas connu. Enfant, Rita ne se prédestinait pas au cinéma mais aux Beaux-Arts car elle adorait la peinture. Elle fréquenta donc un institut d'arts lorsqu'en 1972 sa mère l'inscrivit à un concours de beauté à Salsomaggiore, le concours de Miss Sogno Italia qui alors supplanta les Miss Italie. Elle remporta le concours et se retrouva aux élections de Miss Young International à Tokyo, trop jeune alors pour s'inscrire à Miss Monde. L'expérience s'arrêta pourtant là pour la jeune Rita qui avait en tête d'autres objectifs et intérêts.
Ce concours l'aida à se faire un nom même si Rita n'en avait pas besoin puisqu'elle évoluait déjà dans le milieu artistique. Comme elle était encore mineure, elle ne pouvait pas faire tout ce qu'elle voulait. Sa mère veillait sur elle d'autant plus que leur situation familiale était assez particulière. Mais de cela Rita ne souhaite guère en parler.
Pourtant quelque part le destin de Rita était déjà écrit. D'importantes personnalités s'étant chargées de s'occuper d'elle dans l'ombre, des contrats étaient déjà signés. La forte personnalité de Rita faisait beaucoup parler. Elle n'était pas du genre à se laisser faire, à n'être qu'un objet qu'on prend et qu'on jette, quelqu'un qu'on aime et qu'on oublie. Entre ce caractère bien trempé et sa beauté dite "internationale", Rita suscitait les passions. C'est ainsi qu'elle débarque à Rome, se fiance à un homme si jaloux qu'il clame haut et fort qu'il l'enfermera afin qu'elle ne s'échappe pas. Afin de sortir des griffes de cet homme maladivement jaloux, elle signe un contrat avec Peppone Patroni Griffi pour un court rôle dans Divina creatura en 1975 aux cotés de Laura Antonelli. C'est ainsi que sa carrière débuta. Ce milieu plut beaucoup à Rita qui apparait ensuite dans La sanguisuga conduce la danza, le giallo de Alfredo Rizzo. L'année suivante, elle tourne deux films, Il letto in piazza de Bruno Gaburro où elle partage l'affiche avec Sherry Buchanan, Patrizia Webley et Anna Zinneman, une comédie légère où Rita apparait nue, courant entre les arbres, une scène qu'elle tourna un peu éméchée afin de se donner du courage, et un autre giallo, le sanglant 9 ospetti per un delitto de Ferdinando Baldi où elle est une des principales protagonistes qui finira décapitée.
Rita tourne ensuite avec Lou Castel sous la direction de Fred Williamson Mr Bean qui resta inédit en Italie mais qui connut cependant une sortie américaine. On la voit en gretchen dans la comédie Tutto suo padre de Maurizio Lucidi. Elle fait un peu de télévision en 1977 avec entre autres Il balordo de Piero Chiara et Accade in Ankara de Mario Landi puis en 1981 après être apparue dans Dove vai in vacanza, le segment signé Luciano Salce dans lequel elle exécute, nue, une danse très érotique, elle est au générique de L'assassino ha le ore contate de Fernando Di Leo.
Jouer nue n'a jamais été un problème pour la belle toscane du moment qu'il n' y avait rien d'obscène dans ses scènes. "Les personnages sont beaux et les scènes aussi" dit-elle. Ses charmes sont mis en valeur par exemple dans le médiocre drame érotique pseudo intello Sensi caldi de Arduino Sacco en 1980.
George Pan Cosmatos tombe sous son charme et souhaite lui donner un rôle dans Cassandra crossing / Le pont de Cassandra mais c'est finalement Joanna Pakula qui héritera du personnage. En 1981, Gianni Siragusa lui offre d'incarner la sadique gardienne chef dans Detenute violente / Sévices à la prison des femmes aux cotés de son amie Leda Simonetti et de Ajita Wilson. En uniforme strict et chignon sévère, Rita, rendue hideuse par le maquillage est une gardienne particulièrement austère, se laissant aller à ses tendances saphiques. Si elle rit de se voir si laide -Rita confesse qu'une de ses amies venue lui rendre visite sur le plateau ne l'avait pas reconnue- le film quant à lui est un bien triste WIP, fade et sans guère d'intérêt au même titre de Perverse oltre le sbarre toujours de Sirugusa, les films ayant été tournés simultanément avec la même équipe et quasiment le même casting. Elle retrouvera Siragusa en 1983 pour le très fade drame érotique Senza vergogna.
Rita va ensuite goûter aux joies de l'Heroic Fantasy avec Gunan il guerriero de Franco Prosperi en 1982. Elle y joue une reine Amazone aux cotés de Malisa Longo. Elle endosse ensuite la défroque d'une servante égyptienne adepte du godemiché dans l'intéressant Les nuits chaudes de Cléopâtre de Rino Di Silvestro dans lequel elle a de belles scènes érotiques parfois fort osées avec notamment le vétéran Jacques Stany. Rita avoue s'être vraiment divertie en tournant le film du fait des costumes et de l'ambiance générale. Elle retrouve le péplum érotique avec le soporifique Flavia schiava di Roma e regina d'amore de Lorenzo Onorati déjà coupable des lamentables Orgies de Caligula. Mais cette fois Rita s'y est fortement ennuyée. Le cinéma commence à la fatiguer. L'époque est à la crise et le cinéma de genre se meurt. Les acteurs n'ont plus la possibilité de choisir leurs films ce qui déplait fortement à Rita.
Entre 1988 et 1989, elle va tenter le cinéma d'auteur avec notamment Personnaggi ed interpreti de Heinz Butler.
En 1991 elle apparait dans un film qui lui est cher Quel maledetto tramonto de Albino Coccio qui conte l'histoire d'un célèbre criminel italien, Nardiello. Rita y interprète sa femme, une napolitaine aux cheveux noirs. Nardiello en personne assista au tournage afin que le film soit le plus proche possible de la vérité.
Mais les années qui vont suivre vont être les pires de sa vie, des années noires qui se termineront en drame.
Lasse de lutter elle quitte Rome. A cette époque la presse se déchaîna contre elle, étalant calomnies sur calomnies. Elle ne comprit pas cette haine soudaine et préféra s'enfuir. Elle alla d'abord en Allemagne puis en Espagne accompagnée de sa mère qui tomba malade. Elle trouva refuge à Nice où elle accepta un travail de chanteuse dans un bar sur La promenade des Anglais. Elle monta ensuite à Paris où elle avait encore des contacts avec la Gaumont mais sa mère toujours souffrante ne pouvait supporter l'ambiance parisienne. Rita dut retourner en Italie pour elle et commença à faire la tournée des discothèques en tant que chanteuse.
C'est à Florence qu'un jour une importante boite de nuit devait lui faire signer un gros contrat mais dès qu'elle se présenta elle sentit un froid s'installer. On ne voulait pas d'elle. Rita Silva ne doit plus travailler. Voilà ce qu'elle lisait dans les yeux des gens. C'est à cet instant qu'elle attenta à ses jours par désespoir, à bout de force de devoir sans cesse se battre. Elle aurait pu travailler en France mais elle ne pouvait laisser sa mère et encore moins la mettre en hospice. Elle était sa seule famille.
Et le drame terrible arriva. Rita tombe dans le coma durant plusieurs jours. Tout fonctionnait, son cerveau était conscient, elle voyait tout, entendait tout mais il lui était impossible de bouger. Elle était paralysée. Sa seule chance de s'en sortir était une opération très délicate qui pouvait cependant s'avérer fatale. En battante Rita l'accepta.
D'octobre 91 à juin 92, elle dut subir une myriade d'interventions de micro-chirurgie dorsale et du bassin, en risquant à chaque fois l'amputation. Les lettres de fans qui ne l'avaient jamais oublié s'amoncelèrent. Ceci aida beaucoup Rita à lutter. A cette époque le seul signe de vie que donnait encore son corps était sa main droite restée fonctionnelle. C'était pour elle très important car cette main c'était son salut, cette main qui la faisait manger, boire, fumer, cette main qui était symbole de vie et lui donnait l'impression de ne pas être qu'un corps mort. Puis Rita sortit de l'hôpital certes en chaise roulante mais elle était bel et bien vivante.
En 1998 elle réussit à tourner un nouveau film, une courte apparition dans La prima volta de Massimo Martelli. Ce fut pour elle comme un retour à la vie. Mais désormais les chances de se voir offrir un autre rôle étaient maigres vu son handicap. Comme elle s'y était attendait Rita n'eut plus d'autres opportunités. Ce fut son ultime apparition au grand écran.
Jamais pourtant elle ne perdit espoir durant ces drames, vivant tous ces malheurs avec dignité et surtout courage, sans jamais perdre ni son sourire ni sa joie de vivre, cette auto dérision qui la caractérisait. Un bien bel exemple de force et de volonté qui mérite tout l'amour du public. Bravo Rita, Standing ovation!