Mariangela Giordano: Désobéir changea son destin
Elle n'en faut parfois pas beaucoup pour que la chance vous sourit et ne transforme à jamais votre vie. Un simple acte de rébellion, un secret bien gardé et une simple jeune fille peut en quelques semaines devenir une des futures étoiles du cinéma de demain. C'est exactement ce qui s'est produit pour la brune et plantureuse Mariangela Giordano qui un beau jour de sa jeune adolescence décida de désobéir à son père, une désobéissance qui allait à jamais changer sa vie.
Née à Dolcedo en Ligurie le 2 septembre 1937, Mariangela est la fille d'un commandant de la marine, un homme rigide et voué aux méthodes d'éducation à l'ancienne. Si la jeune Mariangela a toujours émis le souhait d'être comédienne, il était hors de question que son commandant de père la laisse entrer dans ce monde de turpitudes. Pour lui, la question était close, sa fille suivrait un tout autre chemin. Mais le hasard en décida tout autrement.
Sa rencontre fortuite avec le réalisateur Roberto Bianchi Montero allait changer sa vie. Montero était entrain de mettre la dernière touche sur son nouveau film Ultimo addio o dramma del porto et l'actrice principale était retenue sur un autre tournage. La présence inopinée de Mariangela lui donna l'idée de lui proposer le rôle vacant. En bonne jeune fille obéissante, elle refusa sachant que son père ne la laisserait jamais saisir cette chance. Montero se proposa alors d'aller parler à son commandant de père afin de le convaincre de laisser sa fille interpréter ce rôle en insistant bien sur le fait qu'il pourrait venir aussi souvent qu'il le souhaitait sur le tournage. Nous sommes en 1956 et après bien des discussions, Mariangela réussit à convaincre son père de la laisser tourner ce film à Gênes.
Dès cet instant, la vie de la jeune actrice en herbe va prendre un tout nouveau tournant puisqu'elle décidera de ne pas abandonner cette carrière.
Entre 1956 et 1957, elle apparait dans plusieurs films importants comme Da qui all'eredità de Riccardo Freda ou encore Cortile de Antonio Petrucci, Buongiorno primo de Marino Girolami.
Elle travaille même avec des grands noms tels que Toto ou Pepino De Felipo pour La banda degli onesti de Camillo Mastrocinque.
Sa carrière est lancée, Mariangela est de plus en plus sollicitée. Dans les années 60, elle est à l'affiche d'une vingtaine de films et joue aux cotés des plus grands, Vittorio Gassman dans Una vergine per il principe de Pasquale Festa Campanile, William Berger dans Una lunga fila di croci de Sergio Garrone. Ruggero Deodato en 1969 la réquisitionne pour son western comique I quattro del pater noster avec Paolo Villagio.
Les années 70 arrivent et Mariangela est sur tous les écrans sans interruption aucune, elle diversifie ses rôles, jongle entre le western, Joko, invoca dio e muori de Margheriti, les comédies musicales, Canzone di a tempo di twist, le peplum, Ursus nella vallee dei leoni. Mais c'est surtout le cinéma érotique qui va s'emparer d'elle, un filon alors très à la mode. Elle en devient une des égéries et tourne quelques décamérotiques telles que Decameron 2: le altre novelle del Boccaccio de Mino Guerrini, Decameron N°4: le belle novelle di Boccaccio de Paolo Bianchini, Quanta è bella la Bernarda tutta nera e tutta nuda avec Femi Benussi de Lucio Giachin. On la voit également dans quelques sexy comédies dont Le impiegate stradali de Mario Landi et les piètres Che dottoressa ragazzi / Aïe docteur ne coupez pas! de Gianfranco Baldanello et Moglie nuda e siciliana de Andrea Bianchi.
Mariangela ne renie en rien sa période érotique et l'assume sans honte.
Il n'y avait rien de choquant dans ces films, dit-elle. On les tournait à la chaine, à peine un était il sorti qu'un autre se terminait. Une grande période pleine de beaux souvenirs pour la comédienne qui se souvient quelques moments cocasses comme celui où invitée à diner par un ami à Milan où un de ces fameux films venait de sortir, elle vit un couple arriver vers elle et s'écrier: C'est Bernarda! Toute l'auberge se retourna sur elle et se mit à rire tant ces films étaient alors populaires. La belle actrice sera également sacrée Miss cinema Imperia, Miss cinéma Liguria et Miss cinema Genova.
Mariangela goûte également aux joies du poliziesco aux cotés entre autre de Luc Merenda avec notamment Il conto è chiuso de Stelvio Massi avec qui elle retravaillera pour Il commissario di ferro, Dove volano i corvi d'argento de Piro Lievi.
Mais la grande déception de Mariangela, ce qui fut surtout sa plus grande occasion perdue, c'est le film de Sam Peckinpah qu'elle tourna en 1979 avec Steve McQueen mais qui ne put être fini suite au décès du grand acteur.
C'est à un genre tout à fait différent auquel elle va s'abonner au début des années 80, le film d'horreur à connotations érotiques. Elle prend part en effet à une multitude d'oeuvres sulfureuses et gore comme le particulièrement malsain et vicieux Giallo a Venezia où avant d'être découpée vivante à la scie, elle a une scène d'amour saphique torride avec Leonora Fani. Giallo a Venezia représente sans doute ce que Mariangela a tourné de plus osé dans toute sa carrière. Elle retrouve Landi pour Patrick vive ancora, fausse suite éhontée de Patrick, le film de Richard Franklin. Ses films suivants le seront moins certes mais tout aussi sulfureux. Elle est une soeur possédée dans Malabimba de Andrea Bianchi et son douloureux remake La bimba di Satana de Mario Bianchi où cette fois elle est une soeur séduite et violée par le démon Marina Frajese. Ce remake Mariangela ne l'approuve guère et le renie plus ou moins, d'importantes scènes érotiques qu'elle juge vulgaires et inutiles ayant été tournées sans son accord.
Elle enchaîne avec le film de zombis de Andrea Bianchi qu'elle retrouve donc, le divertissant et surtout très drôle Le manoir de la terreur / Zombi horror dans lequel lors d'une scène qui rentrera dans les annales du gore elle se fait dévorer un sein par son enfant avec qui elle entretient une relation plus ou moins incestueuse.
A la fin des années 80 même si elle tourne moins et apparait dans de petits rôles, Mariangela est toujours dans la course et de grands noms la demandent comme Ettore Scola pour Il viaggio di Capitan Fracassa en 1989. On la voit dans La secte de Michele Soavi en 1991.
En 1994, elle retrouve Vittorio Gassman pour Tutti gli anni una volta l'anno de Gianfranceso Lazotti. En 1996, Jess Franco lui offre un rôle dans son désolant Killer barbies.
Son dernier rôle pour le cinéma sera dans la comédie de Pipolo Panarea en 1997. Elle tournera aussi de temps à autre pour la télévision jusqu'en 2002. Elle fera en 2005 une brève et ultime apparition au grand écran aux cotés de Erika Blanc dans Cuore sacro de Ferzek Ozpetek.
A soixante-huit ans Mariangela a décidé de se retirer du monde du spectacle après une si resplendissante carrière.
Aujourd'hui elle vit à Rome dans un luxueux appartement, entourée de fleurs et de plantes, et goûte pleinement aux joies de la vie notamment celle de la peinture.
Quant à nous, fans de la belle et plantureuse brunette, nous goûtons aux joies de ses films, témoignages d'un succès jamais démenti.