Carl Gabriel Yorke: Dévoré vivant!
Nombreuses sont les étoiles filantes dans l'univers du septième art, véritables comètes qui étincelèrent le temps d'un seul et unique film avant de disparaitre à tout jamais dans les profondeurs du néant. Mais en un seul film, ils marquèrent toute un génération, leur visage étant à jamais gravé dans les mémoires cinéphiles. Gabriel Yorke de son nom complet Carl Gabriel Yorke, jeune américain né en 1952, est une de ces comètes. Son visage est aujourd'hui indissociable du film de Ruggero Deodato, Cannibal holocaust, dans lequel il interprète le journaliste Allan Yates. Ce sera en effet sa seule grande prestation pour le cinéma, le reste de sa carrière se résumant malheureusement à quelques rôles de secondes zones quand ce ne sont pas de simples cameos.
Comment Gabriel est il arrivé sur le plateau de Cannibal Holocaust? Deodato était alors en repérage à New York, à la recherche de jeunes comédiens inconnus sachant parfaitement parler anglais puisque Cannibal holocaust devait se tourner entièrement en anglais. Il désirait de jeunes talents pour les rôles des quatre journalistes et c'est à l'Actor's studio qu'il trouva Gabriel ainsi que Francesca Ciardi par la même occasion, une jeune italienne installée à New York. Gabriel qui alors faisait partie de la United artist obtint le rôle de Yates sur un coup de chance puisque l'acteur prévu au départ se désista au dernier moment sans raison apparente. C'est aussi sa pointure qui joua en sa faveur puisque lorsque Deodato lui demanda du combien il chaussait, sa réponse fut celle que le réalisateur espérait, une paire de chaussures l'attendant non loin de là. C'est ainsi que carl Gabriel Yorke s'enfonça avec toute l'équipe dans l'enfer amazonien. Jeune et fougueux, Gabriel tout comme ses compagnons de tournage prirent du bon temps sur le tournage, pensant souvent- trop même selon Luca Barbareschi- à s'amuser sans penser aux dangers de cet environnement austère au détriment de la fatigue engendrée par des journées de travail souvent pénibles. Gabriel garde un excellent souvenir du film, des souvenirs truffés d'anecdotes parfois drôles parfois plus terrifiantes ou plus mitigées. Il s'entendit fort bien avec Luca Giorgio Barbareschi et Salvatore Basile, deux hommes selon lui extraordinaires. Ce fut plus étrange avec Perry Pirkanen dont le caractère n'était pas toujours évident et l'atmosphère fut un peu tendue avec Francesca Ciardi à partir du jour où il refusa sa proposition de lui faire l'amour pour de vrai quelque part dans la jungle afin de répéter leur scène de sexe qu'ils devaient tourner. Carl ne pouvait décemment pas accepter par respect pour sa compagne d'alors. Francesca en prit ombrage et leur relation fut alors un peu froide.
Après le tournage, Gabriel et ses partenaires furent tenus par contrat de disparaitre une année entière. Ils furent donc obligés donc de refuser toute offre cinématographique. Gabriel s'en retourna aux USA et la suite de sa carrière fut un peu difficile. Etre estampillé acteur ayant joué dans Cannibal holocaust n'est pas un titre très glorieux à Hollywood, cela faisait peur et continuer une carrière normale n'était donc pas chose aisée. Pourtant Carl n'a jamais cessé de tourner, souvent des petits rôles tant pour la télévision que pour le grand écran. Il fit aussi du théatre.
C'est ainsi qu'on put l'apercevoir entre autres dans Dynasty, la célèbre série le temps d'un épisode, NYPD Blue, The paper chase, Viper ou encore trois épisodes de Sliders. Au cinéma il apparait furtivement dans Apollo 13, il est le contrôleur qui finit en torche vivante dans Ghost in the machine, il fait un caméo dans The idle hand.
Après 25 ans de silence, Carl Gabriel Yorke est récemment réapparu à l'occasion d'un documentaire sur son personnage dans Cannibal holocaust où durant une heure, il revient sur cette fabuleuse épopée, narrant en détail le tournage du film avec un plaisir évident, revenant sur ses angoisses, ses peurs, ses doutes, ses joies et bien évidemment sa carrière pré et post Cannibal holocaust.
Pour l'amateur de cinéma vomitif, Gabriel restera celui qui osa filmer sa propre agonie alors que les cannibales s'apprêtent à le tuer, ses cris et son regard rempli d'une horreur sans nom fixés à jamais sur l'image tremblotante alors que le film s'achève. Une chose est sûre: à l'instar de ses partenaires, le film de Deodato ne lui porta guère chance et ne sut pas lui offrir la carrière que lui comme eux auraient certainement désiré.