Sesso in confessionale
Autres titres: Sexe au confessional / Sex en biechtgeheim / Sex in advice
Réal: Vittorio De Sisti
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Mondo
Durée: 77mn
Acteurs: Marcello Bonini-Olas, Carmine Benincasa, Luigi De Marchi, Patrizia Carrano, Emilio Servadio, Raul Lovecchio, Pier Maria Rossi, Sonia Viviani, Giovanna Mainardi, Franca Sciutto., Gloria Serbo, Adriana Innocenti..
Résumé: A travers diverses interviews, investigations et indiscrétions dans les confessionnaux le film met en exergue la sexualité dans le monde catholique au cours des années 70. Comment les chrétiens vivent-ils leur sexualité en ayant sans cesse en tête que la foudre divine peut leur tomber dessus s'ils désobéissent aux lois de Dieu en matière de relations sexuelles avant et après le mariage notamment...
Avant de se faire connaitre pour ces intéressants drames sociaux malheureusement bien oubliés aujourd'hui puis ses comédies c'est dans un genre très en vogue dès le milieu des années 60, le mondo, Vittorio De Sisti fit ses débuts derrière la caméra en 1968. Il réalise tout d'abord le très léger Scusi, lei conosce il sesso?, un cours d'éducation sexuelle léger très drôle et si désuet comme le genre aimait alors en donner depuis le succès du germanique Helga, de la vie intime d'une jeune femme puis il enchaine avec le tout aussi rigolo mais plus trash L'Angleterre nue l'année suivante. Il faut attendre 1974 pour que De Sisti signe son troisième opus, Sesso in confessionale, qui cette fois associe la sexualité à l'Eglise, un choix osé pour un film qui l'est cependant bien moins.
Tiré du roman éponyme du journaliste Norberto Valentini Sesso in confessionale porte parfaitement bien son titre. De Sisti nous propose en effet de traiter du rapport qu'entretient l'Eglise avec la sexualité, puis particulièrement des relations sexuelles chez les jeunes, des relations prénuptiales et adultèriennes, de la virginité, du sexe dans la vie de couple et les limites autorisées entre époux, les plaisirs solitaires. Tout un programme donc que De Sisti nous sert dans un bénitier à travers une suite de pseudo reportages, de vignettes mises en scène, d'interviews d'éminents théologiens, psychanalystes et journalistes et surtout de caméra dissimulées dans les confessionnaux afin d'écouter les pénitents et autres
pêcheurs confesser leurs fautes charnelles au prêtre. C'est déjà ce procédé qu'avait utilisé Valentini pour écrire son sulfureux livre, déclenchant un véritable séisme au coeur de l'Eglise et du pays. Le scandale est tel que l'affaire est portée en justice mais n'aboutira finalement pas. De Sisti ne fait donc que reprendre les moyens sacrilèges auxquels le journaliste avait eu recours, une pratique malaisante, hérétique, scandaleuse pour beaucoup mais soyons justes. Qui n'a jamais rêvé d'être la petite souris qui s'infiltre dans les confessionnaux pour y écouter tout ce qui s'y dit, se régaler des péchés et secrets les plus intimes des personnes qui y entrent. C'est comme espionner par le trou de la serrure de la chambre, de la salle de
bain ou des toilettes. Immoral oui mais si amusant! Il ne faut pourtant pas trop espérer de ce mondo si on ne veut pas être déçu.
Si on le décortique on trouve en fait trois sections qui se mélangent parfois de manière anarchique. La première est les interviews de professionnels réputés, la journaliste Patrizia Carrano, le théologien Carmine Benincasa, le psychanalyste Emilio Servadio et le sociologue Luigi de Marchi qui pour une fois ne sortent pas trop d'âneries et ont un discours plutôt cohérent et surtout pas trop stupide même si aujourd'hui certains propos, certaines idées paraissent tellement révolus, appartiennent à une autre époque mais cela fait du film
un témoignage d'un temps où le sexe était encore tabou, mystérieux pour beaucoup, une chose interdite par l'Eglise qui se faisait la gardienne de la morale et de la vertu, un temps où tant de générations ont vécu dans la peur du Diable, des Enfers, de la foudre divine. L'Eglise a toujours aimé entretenir la peur de Dieu chez ses fidèles afin qu'ils ne sortent pas du droit chemin. Quoi de mieux que la peur pour se faire obéir? Il n'y à qu'à voir ces fresques effrayantes qui ornent les églises où des démons abominables torturent les damnés au milieu des flammes de l'Enfer. Voilà ce qui vous attend pauvres pécheurs! Le Diable s'invite même au Vatican dans les discours du pape Paul VI en 1972 devant une foule béate. La
peur est cependant une arme à double tranchant car elle mène à l'ignorance, au doute, au mal être, au questionnement, par conséquent elle participe au malheur du couple et non pas à son épanouissement, l'homme, la femme ne sachant plus ce qui est bien, pas bien, permis ou non. Sur ce point le film marque un point. Beaucoup d'autres sujets sont abordés comme la contraception, indispensable pour éviter la surpopulation comme dans certains pays, mais encore interdite par l'Eglise, la procréation dont le sexe devrait être l'unique l'objectif, les discours féministes à une époque où la femme est encore écrasée par la toute puissance de l'homme dont lui seul à le droit de parler de sexe mais sont surtout traitées
toutes les questions de couple qu'entraine la suprématie de l'Eglise. Quand, comment un couple doit il faire l'amour pour être en harmonie avec les lois de Dieu, doit-il avoir peur d'avoir des relations sexuelles? La femme peut elle prendre des initiatives et ressentir du plaisir? Certaines le voudraient mais ont peur car l'Eglise est contre. L'homosexualité n'est pas oubliée ni les pratiques dites déviantes. Un homme peut-il sodomiser son épouse sans craindre les foudres divines? Ces diverses interventions plutôt bien amenées étayent la thèse de l’asservissement de l’Église sur des idées dépassées, désuètes, souvent stupéfiantes contraires aux progrès scientifiques, aux avancées sociales, une Eglise qui
persévère dans l'idée pécheresse de la sexualité et de la femme.
Autre section qui compose ce "catho mondo" les saynètes mises en scènes pour illustrer les thèmes abordés. Comme dans tout mondo qui se respecte elles sont le plus souvent assez ridicules et plutôt superficielles cette fois. Rien de très audacieux, on suggère plus qu'on ne montre. On devra se contenter de simples bisous, de tendres câlins et de brefs plans de nudité filmés dans la pénombre. On mentionnera tout de même deux séquences hautes en couleur, celle où sont mis en parallèle deux chiens en chaleur se poursuivant joyeusement sur une plage et un jeune couple de hippies torse nu, le garçon tentant
d'attraper fougueusement sa compagne pour quelques ébats nature, ceci pour montrer que l'humain n'est guère différent de l'animal lorsqu'il s'agit de sexe. La seconde est bien plus brutale et surtout trash. Lors d'un cours de catéchisme le curé raconte aux enfants, images à l'appui, que le petit Lucien fut tué par un éclair divin parce qu'il n'avait pas confessé toutes ses fautes. Dieu l'a puni par la mort. Voilà la peine qui attend tout enfant ayant péché. Tout commentaire est inutile. Mentionnoss aussi cette danse tribale exécutée par une danseuse à demi-nue dont le front est orné d'un vagin!
Dernier composant du film, celui qui donne à l'oeuvre son titre, celui qu'on pourrait intituler
indiscrétions au confessionnal. La caméra du réalisateur s'infiltre à l'intérieur des confessionnaux pour y surprendre les aveux des pécheurs qui ont commis le péché de chair, eu des pensées ou gestes impurs, les conseils du prêtre et la pénitence qui leur ait donné. On murmure plus qu'on ne parle vraiment, il faut tendre l'oreille mais on capte quelques croustillantes fautes surtout et avant tout commises par des femmes. On retiendra notamment cette confession durant laquelle une jeune fille encore vierge (le prêtre le lui demande) avoue avoir eu des gestes déplacés envers son petit ami. Elle l'a embrassé puis a voulu toucher ses parties intimes. L'horreur est à son comble! La jeune fille est terrifiée à
l'idée que Dieu la punisse. Très calme, le prêtre lui demande alors si elle l'aime. La réponse est positive. La faute est donc moins grave. L'ecclésiastique s'empresse alors de lui demander comment elle l'a embrassé, avec ou sans la langue, bouche ouverte ou fermée, baiser profond ou léger. Il fut assez prude. On respire! C'est alors que le curé l'interroge sur la façon dont elle a voulu toucher son intimité, avec la main ou avec la bouche autrement dit a t-elle voulu le caresser, le masturber ou le sucer! On peut donc se demander à juste raison qui est ici le plus pervers, le plus vicieux, l'homme d'église qui se repait, se régale des confessions de ses ouailles, qui profite de sa position pour satisfaire ses propres vices
ou le pauvre pécheur apeuré à l'idée d'avoir commis le pire des crimes en ayant osé vivre sa sexualité. Cette scène résume parfaitement bien ce que la caméra et le micro de De Sisti capte au fil des séquences de confessionnal comme elle résume bien les idées véhiculées par l'Eglise. Le discours des prêtres, leurs conseils, leur vision du sexe est le plus souvent aberrante et peut faire peur. User du sexe hors mariage est bestial rétorque sur un ton outré un curé à sa jeune pénitente qui lui confie son désir d'avoir des relations intimes avec non pas son petit ami mais son fiancé car il y a nuance là encore! Nous sommes en 1974 mais on semble encore vivre au Moyen-âge. Le plus désolant, effrayant, c'est que ce type de
pensées, de discours existe toujours cinquante ans plus tard. Les choses, les mentalités ont évolué mais parfois en surface seulement puisqu'on s'aperçoit assez vite que les choses n'ont pas toujours aussi bien évolué et que les peurs, les questions, les tabous sont toujours là encore plus aujourd'hui avec ce retour virulent à la morale. Le film se clôt sur un tourbillon d'images, de scènes de pénitence, d'adoration, de fanatisme religieux souvent brutales alors que des évêques se préparent à ce qui semble être une grande cérémonie religieuse.
Rythmé par une ténébreuse partition musicale signée Ennio Morricone et une pléiade de
chants liturgiques Sesso in confessionale est certes un mondo mais contrairement à la majorité d'entre eux on y sent cette fois une sincérité et une certaine intelligence dans le propos malgré d'inévitables travers de stupidité. Malgré la monotonie de la mise en scène on se laisse prendre à ses confessions plutôt bien confectionnées, intéressantes sur un point de vue social et historique mais surtout sur l'hypocrisie et l'immense et dangereuse mascarade qu'est l'église catholique. Ne serait-ce que pour cela Sesso in confessionale mérite d'être visionné. Déconseillé aux fervents chrétiens et grenouilles de bénitier. L'amateur notera une auto référence assez drôle puisqu'on aperçoit l'affiche de Quando l'amore è sensualità, le précédent film de De Sisti, que joue un cinéma italien.
Non crédités au générique on reconnaitra quelques noms incontournables du cinéma Bis de cette époque comme le christique Pier Maria Rossi (le hippie qui court sur la plage), Sonia Viviani et les figures génériques que sont Giovanni Mainardi, Raul Lovecchio et Marcello Bonini-Olas (tous deux dans la défroque de prêtre).
Lors de sa sortie en Italie le film jugé hérétique fit scandale et fut retiré de l'affiche puis séquestré afin de subir de sévères coupes. Cela ne suffit pas à calmer l'indignation de la Censure et des ligues catholiques. Le film disparut avant de pouvoir enfin ressortir vingt ans plus tard mais dans sa version expurgée malheureusement, soit 77 minutes au lieu des 95 initiales. En France il ne bénéficia qu'une très brève sortie en Province en 1976, la pellicule étant restée inédite à Paris.