Spogliati, protesta, uccidi: quando l'uomo è la preda
Autres titres: Quando l'uomo è la preda / When man is the prey / Strip protest and kill / When the victim is a man
Réal: Vittorio De Sisti
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 74mn
Acteurs: Gabriella Boccardo, Giuliano Vasilicò, Henry Moore, Bill Jones, Sergio Serafini, Claudio Sorrentino, Alessandro Cane, Gianni Pulone, Giuditta Rinaldi, Glena Simerly, Giuliano Vasilico...
Résumé: Après un long séjour en Europe Sam, la fille d'un riche politicien revient à San Francisco. Comme son frère, un hippie convaincu, Sam est en désaccord avec son père, un homme conservateur fermé à la nouveauté. Elle sort avec un jeune activiste de couleur, une relation que son père n'accepte pas. Sam traine avec lui malgré leurs désaccords, va de manifestations en manifestations. Elle finit par quitter son petit ami pour Kenny, un activiste encore plus féroce qu'elle quitte également. Elle retourne vers son ex-petit ami mais son père a porté plainte contre lui. Il l'accuse de s'être enfuit avec sa fille. La police est à ses trousses...
Après avoir débuté à la fin des années 60 dans le mondo, plus précisément le sex mondo, avec ses fameux Lei conosce il sesso et L'Angleterre nue, un genre auquel il reviendra en 1974 (Sesso in confessionale), Vittorio De Sisti s'est surtout illustré dans la comédie avec une illustre décamérotique, Fiorina la vache, et une tripotée de gentils navets dont La supplente va in citta et Lezioni private avec une Carroll Baker en pleine déchéance. Beaucoup moins connus (et pour cause puisque la plupart sont difficilement visibles aujourd'hui voire totalement oubliés) sont ses drames qu'il tourna au début des années 70,
très certainement sa période la plus intéressante. Parmi eux le rarissime Spogliati, protesta, uccidi!, littéralement Déshabille toi, proteste et tue!, connu également sous le titre Quando l'uomo è la preda, réalisé en 1972.
Sam, la fille d'un important homme politique, revient vivre à San Francisco après un long séjour en Europe. Son voyage est marqué un tragique évènement, un passager se suicide dans le bus qu'elle prend. Elle retrouve son père chez lui. Tous deux sont très différents. Lui a une position sociale très confortable, aime l'argent, la réussite, il a un esprit plutôt conservateur et refuse l'innovation. Sam est une contestataire, une hippie. Elle sort avec un
jeune activiste de couleur rencontré alors qu'il faisait du stop, Nathaniel Brook. Il lui reproche d'être partie en Europe pour tenter de l'oublier et d'hésiter à couper les ponts avec son père. Elle retrouve son frère, Harold, lui aussi contestataire convaincu. Il ne veut pas de l'avenir tout tracé que lui offre son père, il refuse de faire son service militaire et de poursuivre ses études de médecine. Il décide de partir au Canada vivre sa vie de Bohême. Sam assiste à diverses manifestations pacifistes, côtoie des hippies, traine avec Nathaniel même s'ils passent leur temps à ne pas être d'accord. Son père n'accepte pas leur relation. Sam finit par quitter Nathaniel et rejoint Kenny, un révolutionnaire particulièrement actif qui aime vivre
recouvert d'un sac en plastique car pour lui l'Homme est comme un cadavre. Quand lors d'une réception Kenny essaie d'embrasser sa mère Sam le quitte et revient vers Nathaniel. Elle découvre qu'il est recherché par la police. Non seulement il est accusé d'avoir tué deux hommes lors d'une manifestation mais pour les séparer son père l'accuse aussi d'avoir enlevé sa fille. Tous deux fuient en voiture. La police les rattrape. Sam se promène avec son père sur une falaise. Un homme armé le tue. Sam s'en va. Elle a vengé la capture de Nathaniel.
Difficile, pas évident de résumer ce film qui ne possède pas vraiment de véritable intrigue.
Spogliati, protesta, uccidi! s'inscrit dans la longue série de drames contestataire très en vogue au début de cette nouvelle décennie, ces pellicules qui mettent en scène la jeunesse révolutionnaire d'alors, les communautés hippie et le fossé générationnel qui se creuse de plus en plus, le tout sur fond d'amour interdit, de racisme et de manifestations. A première vue le film de De Sisti situé à San Francisco se voudrait une réplique à l'italienne de Zabriskie point (dont il reprend une scène, celle où une multitude de hippies se dévêtit et fait l'amour non pas dans le désert mais dans du papier kraft), de Des fraises et du sang de Stuart Hagmann (1970) et du Nerosubianco de Tinto Brass pour son propos et son coté
parfois étrange. Car c'est bien cette étrangeté un des atout principal du film. Il n'est pas toujours évident de suivre la trame narrative par instant confuse. Quelle est la part d'imagination, quelle est la part de réalité, une impression de nager entre deux eaux renforcée par un montage par moment inattendu comme haché, cassé et des allers-retours passé-présent. Certes cela donne un certain style à l'ensemble et nous offre quelques scènes surprenantes comme la fameuse chasse à l'homme qui donne au film son titre alternatif durant laquelle Nathaniel doit échapper à un tueur qui le poursuit au milieu de nulle part. Il est clair qu'il s'agit d'une métaphore. Et de métaphores le film n'en manque pas mais
n'est pas Antonioni ou Godart qui veut, deux noms auxquels De Sisti fait visiblement référence. Il n'est donc pas toujours évident de voir où veut exactement en venir De Sisti, quel message il tente réellement de faire passer à travers cette histoire pas assez développée, trop superficielle. Reste donc les errances de Sam qu'on suit avec ennui si on n'est pas un tant soit peu attiré par cette génération protestataire et son mode de vie, avec une certaine fascination si on est un grand nostalgique de cette époque comme nous au Maniaco.
Voilà bel et bien le grand (le seul?) intérêt de cette pellicule oubliée qui ressemble sous bien des angles à un long documentaire. Vittorio De Sisti vient du mondo et ça se voit. Spogliati,
protesta, uccidi! est tourné comme un pseudo reportage truffé de stock shots d'époque et de scènes de révolte, de manifestations reconstituées souvent bluffantes de vérité tant et si bien qu'il n'est pas aisé par instant de faire la part des images d'époque et celles tournées par le réalisateur. On se régalera ainsi des manifestations contre la guerre du Vietnam, celles pour la libération d'Angela Davis et contre le racisme. On se régalera aussi des mouvements de libération pour la femme, des concerts en plein air à la Woodstock, des grands rassemblements hippies, des acid parties et des sectes Hare Krishna, des discours utopiques de cette jeunesse peace and love. On sera captivé par certaines séquences choc
dont la violence dénote avec le reste du métrage tel le passage à tabac des hippies et la destruction de leur appartement à la batte de base ball par une bande de réactionnaires sous l'oeil approbateur de la police ou l'inéluctable expulsion d'une troupe de beatnick sales et totalement stone qui a élu domicile au coeur de la forêt. Comment ne pas être également sous le charme de la magnifique bande originale signée Ennio Morricone et Bruno Nicolai qui mêle rythmes tribaux, flûte champêtre et sonorités plus rock sans oublier la très belle chanson-phare "No one can" chantée par Shawn Robinson. Le dernier atout et non des
moindres pour les afficionados des années 70 cette fois est la beauté de cette jeunesse chevelue, ces cascades de cheveux longs et de poils, ses tenues colorées et bigarrées et sa liberté d'esprit qui évolue dans les beaux décors de San Francisco, berceau du mouvement hippie.
La distribution rassemble une pléthore d'acteurs inconnus pour la plupart non professionnels qui tous autant qu'ils sont s'en tirent très bien, leur jeu étant tout à fait acceptable. Autour de la séduisante Gabriella Boccardo, la soeur de Delia Boccardo, seule actrice confirmée de ce casting (Un coin tranquille à la campagne, Une fille plutôt compliquée, Django porte sa croix, La donna a 1na dimensione), on retiendra surtout la
prestation et la beauté de l'afro-américain Bill Jones et sa coupe afro tellement 70s (Nathaniel) et l'impressionnante touffe de Harold Adler (Harold). Présents également les génériques Gianni Pulone aperçu dans moult bandes et Alessandro Cane (Les cannibales de Liliana Cavani, Partner de Bernardo Bertolucci).
Oeuvre mineure dans la longue liste des films contestataires tournés à cette époque Spogliati, protesta, uccidi! rate son objectif faute d'approfondir son sujet ainsi qu'à la monotonie et la lenteur de la mise en scène. Malgré tout il reste un film sympathique
suffisamment curieux pour attirer l'attention mais surtout il ne pourra que séduire voire fasciner tous les amoureux de cette fabuleuse décennie, de son esthétique, son mode de vie, sa jeunesse, sa liberté d'esprit. A ce niveau le film de Vittorio De Sisti possède tous les éléments pour plaire. Ce n'est déjà pas si mal d'autant plus que comme une bonne partie de la filmographie du réalisateur il est devenu au fil du temps difficile à visionner, oubliés des éditeurs. Il peut donc être considéré comme une pièce de collection.