Inghilterra nuda
Autres titres: L'Angleterre nue / Naked England
Réal: Vittorio De Sisti
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Mondo
Durée: 88mn
Acteurs: Giuseppe Rinaldi (narrateur)
Résumé: En cette toute fin d'années 60 le metteur en scène nous invite à découvrir la face cachée d'une l'Angleterre en pleine révolution sociale, notamment celle de Londres, capitale de la désinvolture, tant au niveau des coutumes que des moeurs...
Lancé par le désormais mondialement connu Mondo cane de Gualtiero jacoppetti, le mondo, une sous branche du cinéma d'exploitation fort controversée par ses détracteurs, fut décliné à toutes les sauces durant les années 60 et 70. Beaucoup de réalisateurs y compris parmi les plus célèbres débutèrent leur carrière en s'y essayant pour le meilleur et parfois (souvent?) pour le pire. Vittorio De Sisti, connu surtout pour sa décamérotique Fiorina la vache, le drame sadien Quando l'amore è sensualità et la désolante comédie Lezioni private (mettant en scène une Carroll Baker en pleine déchéance), ne fait pas exception à la
règle. Après le Danemark, la Suède, l'Amérique et d'autres pays c'est au tour de l'Angleterre de nous dévoiler ses faces cachées en ces années de révolution sociale. On peut compter sur De Sisti pour nous montrer des choses insoupçonnées au pays de Sa Majesté dans cette Angleterre mise à nu dans ce pseudo documentaire aussi fade qu'hilarant.
Nous sommes en 1969, à Londres, la capitale du Royaume-Uni et de la désinvolture, et les temps changent comme le chantait Bob Dylan quelques années plus tôt. L'Angleterre, pays de la rigidité, de la discipline, du conservatisme, de la morale où se mêlent tant d'ethnies. En cette fin de décennie ce n'est plus réellement le cas car la jeunesse chante et danse
dans la rue pour rendre grâce à Dieu sous l'oeil réprobateur des parapluies et des melons, chamboulant la capitale des bonnes moeurs. Immersion dans le Swinging London.
Un des grands changements dans la société anglaise de 1969 c'est que les femmes s'intéressent désormais à la sexualité. Elles veulent plaire à leur mari, séduire et apprendre à se déshabiller. Quoi de mieux qu'un cours de strip-tease entre bonnes ménagères pour s'épanouir et apprendre à enlever son soutien-gorge, ses bas et sa culotte avec élégance grâce à une jeune et belle experte, un bon moyen de filmer ses seins et son petit derrière charnu. La séquence se termine sur l'arrivée très en retard d'une rombière qui rentrera chez
elle très triste de ne pas avoir vu comment retirer de manière bien érotique son soutien-gorge! On reste dans le monde du strip-tease lors de la séquence suivante avec ce prêtre anglican à la tête d'une équipe de strip-teaseuses qui chaque soir s'effeuillent sur scène, des spectacles dont le but est de démontrer que la nudité n'est pas honteuse. "Chaque jour j'approche Dieu, la chair et le diable" admet-il fièrement. Si son nez s'allonge il y a autre chose qui doit également s'allonger.
Une autre révolution chez les femmes dans le domaine du sport cette fois, elles font du catch, une activité encore clandestine. Incroyable! Et pour nous le prouver De Sisti nous
emmène voir un combat de catch féminin soit deux matrones sosies de Susan Boyle (oui oui LA Susan!) qui essaient de s'envoyer non pas en l'air mais au tapis lors d'un round interminable où elles se pincent et se caressent les fesses, ce qui va valoir à l'une d'elles de se prendre une fessée sur les genoux de l'arbitre! Inattendu et hilarant.
La nudité est partout désormais, plus seulement dans la chambre à coucher comme vont le constater trois vieilles bourgeoises qui prennent le thé devant leur poste de télévision, leurs bouclettes aussi bien rangées sur leur tête que les petites cuillers dans le tiroir du buffet. Stupéfaction. La chaine diffuse un reportage sur les camps nudistes. Voilà donc que nos
trois mère-grands guindées découvrent, les yeux écarquillés, tous ces hommes et toutes ces femmes se promenant nus en extérieur. Le thé aura un peu de mal à passer! So shocking!
Une nouvelle preuve que les temps ont bien changé, la jeunesse anglaise ne se cache plus et a pour devise: "Laissez nous vivre à notre manière". Elle s'embrasse en public, dans les parcs, sous les yeux de la police montée qui la salue bien bas même s'il s'agit de deux hommes enlacés contre un arbre. Etonnant! Même les hommes s'aiment en cette sainte année 1969! Mais les garçons peuvent encore prendre la fessée. Un petit tour à Eton pour
en être convaincu. Un élève reçoit la fameuse cane anglaise pour être arrivé en retard à son cours de ping-pong! Ah la fameuse british discipline. On l'adore!
Point de mondo sans sa séquence drogue car oui la jeunesse britannique se drogue, pire elle se shoote d'où cette séquence "retenez votre souffle", celle d'un jeune hippie préparant sa dose d'héroïne pour se piquer dans les toilettes de Piccadily circus suivi du shoot d'un artiste peintre crasseux. La voix du narrateur se fait solennelle. Le shoot terminé, la caméra glisse vers un tableau que notre artiste est entrain de peindre. Incroyable s'écrie le narrateur d'un ton morbide! La drogue ouvre l'esprit et renforce la créativité mais sa peinture est laide.
On ne le savait pas mais les anglais même dans la haute société aiment rire et s'amuser de tout d'où la séquence clé de ce mondo, la séquence nazi car tout bon mondo surtout italien a son passage nazi. Il s'agit ici de nous faire entrer dans un club très spécial, un bar-restaurant huppé soudainement envahi par une meute de soldats SS belliqueux qui vont malmener les rombières outrées, leur interdire de boire et manger, invectiver leur mari pétrifié avant de fermer les portes à clé afin de retenir prisonnier tout ce beau monde. Voilà que du gaz se met alors à sortir des murs imitant les tristement célèbres chambres à gaz. Panique! Qu'on se rassure. Ce n'est que du gaz hilarant. Tout n'était qu'une farce et se
termine en bacchanales sous les croix gammées. Nos bourgeois so british adorent régulièrement se réunir en ces lieux pour jouer au jeu du "camp de concentration". Voilà bien une idée inédite dans ce type de film, originale avouons le, mais fortement perverse. On savait la bourgeoisie perverse depuis bien longtemps mais à ce point... vive Sa Majesté!
Si la mode est mise en avant avec les boutiques "hype" où s'habille la jeunesse hippie et branchée, faisant valdinguer les imperméables, chapeaux melons et costumes stricts pour des tenues multicolores c'est surtout et avant tout la sexualité qui intéresse De Sisti, le but de tout bon mondo en fait. Nous avons donc une école pour femmes frigides car le gros
problème des londoniennes c'est qu'elles ont quasiment toutes des problèmes et frustrations sexuelles. Rien de mieux que cet établissement où elles vivent nues entre elles sous l'égide de la directrice, une poupée à couettes qui joue du piano. Bye-bye complexes et frustrations.
L'homosexualité n'est pas oubliée mais représentée de manière toujours aussi débile. Nous pénétrons non pas un cul mais un club où règne le chaos, l'apocalypse, nous dit le narrateur. Nous sommes en réalité dans une salle où chantent et dansent joyeusement un groupe de travestis droit sortis dirait-on d'un mauvais péplum au son d'une musique
hystérique (dixit le narrateur), en fait le tube planétaire de Barry Ryan "Eloise". On mange, on boit, on rit, on s'embrasse. Il y a certes des travelos mais aussi beaucoup de jeunes aux cheveux longs et lunettes rouges. Si c'est ça l'enfer on veut tous être damnés!
La seconde séquence choc du film est d'une rare crétinerie mais elle fait son petit effet. Un gourou a pour théorie que pour se libérer de ses peurs, de ses inhibitions, il faut évacuer le sang par le sommet du crâne d'où l'utilité de faire le poirier! Mais il faut surtout se percer le milieu du crâne. Son épouse lui sert de cobaye. Assise dans son fauteuil face caméra, elle
se coupe les cheveux, son mari lui bande la tête, lui fait une piqure de novocaïne puis lui perce le sommet de la tête avec une sorte de... tire-bouchon en acier! Le sang coule, ses peurs disparaissent. La trépanation est réussie. Personne ne saura si elle se sent enfin libérée. Elle a l'air triste et surtout très conne. Le narrateur lui même se moque d'elle: "elle aura surement un bon mal de crâne". Il est clair qu'une telle aberration filmée avec autant de sérieux est aujourd'hui LA scène culte du film.
On ne sait pas si cette femme aurait rencontré Dieu si elle était morte mais l'homme qui se fait crucifier au sommet d'une colline en avait quant à lui l'intention. Il a voulu vivre le martyr du Christ. Ses deux amis l'y ont aidé et le crucifie devant l'objectif de la caméra. "Pardonnez
leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font" a dit Jésus sur la croix. Eux ont du le faire pour un petit paquet de livres sterling mais la crucifixion n'est pas très réussie encore moins spectaculaire.
Et pour rester dans le morbide De Sisti nous entraine à Scotland Yard. Londres est la capitale des meurtres sexuels nous dit-on. L'anglais est de nature perverse. La preuve: une petite fille a été tuée dans un parc. Son corps git dans l'herbe, la caméra nous la montre. L'ambulance l'emmène. Le narrateur essaie d'imaginer comment elle a été assassinée et insiste sur le fait que son doudou a été retrouvé un peu plus loin. Quelle honte! Le tueur a
jeté le jouet! Qui a t-il de plus affreux? Que la peluche ait été jetée ou que l'enfant soit morte? Peu importe. La gamine joue mal. On la voit respirer sur la civière censée l'emmener à la morgue.
Toutes ces réjouissances anglaises se termineront dans un club psychédélique où un groupe de jeunes gens nus recouverts de peinture fluo se trémoussent, se mêlent et s'emmêlent frénétiquement au son d'une musique rock obsédante, une séance de body painting sous acides assez surprenante qui se finit en orgie face à un public beatnick (qui comprend des enfants en très bas âge, on adore) hypnotisé par la musique et les joints.
La Perfide Albion avait déjà été mise à l'honneur dans d'autres mondos tels que Primitive London et Raw London mais il est évident que la vision de De Sisti est une des plus hilarantes et surtout une des plus bêtes même si quelques séquences valent leur pesant de cacahuètes niveau trashouille, le restaurant nazi, l'assassinat de la fillette et surtout la trépanation resteront en effet dans les annales du mondo movie malgré la crétinerie de ces scènes. Les commentaires sont à l'avenant, oscillant entre débilité, hilarité et moralité réactionnaire d'un autre temps (une autre ère?) le tout déclamé sur un ton qui souvent frise le théâtral. Mais comme tout mondo Inghilterra nuda, psyché et très coloré, a son charme et
l'amateur trouvera toujours de quoi se satisfaire ne serait-ce qu'un petit peu. S'il est sorti fin 1969 en France le second mondo de De Sisti après Scusi lei conosce il sesso?, cette Angleterre nue, ne fut distribué que très tardivement en Italie, en 1974 précisément. Voilà qui le rend encore plus idiot et surtout daté, le Swinging london, les hippies et la libération des moeurs n'étant plus qu'un lointain souvenir.