La casa nel tempo
Autres titres: The house of clocks
Réal: Lucio Fulci
Année: 1989
Origine: Italie
Genre: Horreur
Durée: 84mn
Acteurs: Keith Van Hoven, Karina Huff, Paolo Paoloni, Bettine Milne, Peter Hintz, Al Cliver, Carla Cassola, Paolo Bernardi, Francesca DeRose, Vincenzo Luzzi, Massimo Sarchielli...
Résumé: Trois voyous s'introduisent dans une vaste villa tenue par un charmant couple de petits vieux qui collectionne les horloges. Le cambriolage tourne mal et un des voyou tue l'épouse puis le jardinier. Le mari est lui aussi assassiné. Au moment même où ils rendent leur dernier soupir toutes les horloges de la villa s'arrêtent puis redémarrent mais dans le sens inverse de leur rotation normale. Sans qu'ils s'en aperçoivent les malfrats remontent le temps. Les victimes reviennent à la vie pour se venger...
Après avoir été un des maîtres de l'horreur à l'italienne, plus généralement un des metteurs en scène phare du cinéma de genre transalpin tout style confondu, Lucio Fulci perd progressivement de son aura dès le milieu des années 80. Après quelques faux pas dénués d'intérêt (2072) sa carrière périclite définitivement en 1987 lorsqu'il réalise un pénible Aenigma. Il va alors enchaîner une série de films plus mauvais les uns que les autres (Un gatto nel cervello, Hansel e Gretel...) même si de temps à autre émergent quelques exceptions (Demonia). Comme Lamberto Bava à la même époque Lucio Fulci va
également travailler pour la télévision que ce soit comme producteur ou comme réalisateur. Sollicité en 1989 par la Reteitalia, Fulci se voit confier aux cotés de Umberto Lenzi un projet nommé Case maledette, un cycle des quatre téléfilms d'horreur sur le thème de la maison hantée destiné à faire les beaux jours de la RAI. La casa nel tempo est un des deux téléfilms que Fulci devait réaliser (les deux autres revenaient à Lenzi) mais le projet sera finalement abandonné. Il ne sera jamais diffusé sur le petit écran car jugé trop sanglant. Il faudra attendre les années 2000 pour que La casa nel tempo et les autres téléfilms soient enfin programmés sur les chaines locales puis édités en vidéo.
Trois jeunes voyous de bas étage, Paul, Sandra et son petit ami Tony, s'introduisent dans une maison de campagne isolée tenue par un vieux couple, Vittorio et sa femme Sara. La maison est remplie d'horloges dont prend grand soin le maître des lieux. Le couple a tué son neveu et son épouse et garde les corps décomposés au sous sol. Sara a du de débarrasser de la domestique qui avait découvert leur secret. Les trois voyous menacent le vieux couple avec une arme factice mais alors qu'ils sont sur le point de partir avec le butin le jardinier les attaque par surprise. Un coup de feu part. Le jardinier s'écroule. Les voyous abattent le couple. Au moment où les propriétaires rendent leur dernier souffle toutes les
horloges s'arrêtent. Pour les trois jeunes désormais prisonniers de la maison commence alors un long cauchemar. Les horloges repartent mais à l'envers comme pour remonter le temps. Sara, son mari et le jardinier reviennent ainsi à la vie et vont se venger alors que chacun des trois gredins revit les heures précédentes. Tous trois vont connaître une fin horrible. Ils se réveillent pourtant bien vivants dans leur voiture et constatent qu'ils ont tous fait le même cauchemar. Malgré leur étonnement ils reprennent la route. Et si tout cela n'était pas un rêve mais bel et bien la réalité? Ils vont très rapidement le découvrir à leurs dépens. La mort les attend au bout de la route.
Réalisé juste après Les fantômes de sodome et Soupçons de mort, deux pellicules horrifiques de triste mémoire qui ne firent que ternir un peu plus l'aura de Fulci, La casa nel tempo s'avère une aussi agréable qu'inattendue surprise. Pour son scénario déjà qui se concentre sur une remontée dans le temps, une idée ici assez fascinante puisque ce voyage dans le temps ne se fait pas avec une machine mais via toute une collection d'horloges que bichonnent un petit couple de vieillards dans leur grande maison perdue au milieu de nulle part. Fulci semble avoir été puisé dans les grandes oeuvres du cinéma fantastique notamment anglais ne serait-ce que dans la description de ces petits vieux si
charmants qu'ils en deviennent vite effrayants de douceur vivant reclus dans une bâtisse isolée non pas remplies de poupées et autres mannequins mais d'horloges aux tics-tocs obsédants. Ainsi présentées ces horloges semblent presque vivantes, détentrices de pouvoirs surnaturels, de secrets. Et un de ces secrets est peut-être les corps décomposés que garde le couple dans sa cave, ceux de son neveu et de sa nièce tués par ses soins pour lui avoir manqué de reconnaissance. Derrière leur apparence joviale Sara et Vittorio sont des êtres cruels qu'il ne fait pas bon décevoir. L'ouverture du film est en ce sens grandiose, à la fois violente et macabre teinté d'un joli zeste d'humour très noir (l'oiseau
gentiment appâté puis jeté en pâture au chat). Intéressante est également l'idée que cette remontée dans le temps due à un mystérieux procédé magique fasse revenir à la vie le couple maudit (et les autres morts) bien décidé à se venger de ces intrus qui leur ont volé la vie (et leurs biens). Nos jeunes voyous sont ainsi prisonniers non seulement de la maison dont ils ne peuvent sortir mais aussi du temps lui même, les condamnant à une mort certaine. Dernier élément assez fascinant également est le fait que nos fantômes soient eux mêmes hantés par d'autres fantômes, une trouvaille somme toute peu banale qui donne au scénario un coté encore plus étrange.
Malheureusement toutes ces idées sont assez mal exploitées. Difficile de développer tant de points en seulement quatre vingt quatre petites minutes, encore moins lorsque le budget, plus que dérisoire, n'en donne pas la possibilité, peu aidé de surcroit par une mise en scène trop anodine. Aussi fascinante que soit le récit la magie a du mal à fonctionner car trop de points restent obscurs et pratiquement aucune de nos questions ne trouveront de réponse. On ne saura jamais qui sont ces deux petits vieillards aussi anonymes que nos trois voyous, on ne saura rien de leur passé, du passé de ces horloges et du lien qui les unit, de leur secret. Voilà qui est bien dommage, bien frustrant surtout. Tout cela est mis en
boite de manière souvent incohérente, une mise en scène qui accumule invraisemblances (les trois jeunes par exemple ne s'aperçoivent à aucun moment que les aiguilles de la centaine d'horloges qui les entourent tournent en sens inverse) et ne suit aucun fil logique. On suit donc cette intrigue temporelle de manière passive sans jamais pouvoir vraiment comprendre ce qui se passe, le pourquoi du comment de tous ces évènements. Rageant au vu d'une telle histoire à la base follement captivante. Et ce n'est pas le final, largement prévisible, qui changera la donne. Bien au contraire il frustre encore plus. Sans moyen, Fulci semble avoir baissé les bras, incapable de donner à l'intrigue la dimension qu'elle méritait et se contente d'une conclusion tellement facile, trop souvent vue.
Quant aux voyous ce ne sont encore une fois que de simples stéréotypes comme on a vu mille fois dans n'importe quel film d'horreur estampillé années 80, trois jeunes idiots dont on compte le nombre de neurones sur les doigts d'une main, qui ne pensent qu'à fumer des joints et faire l'amour entre deux conversations d'une sidérale bêtise. Mais on a l'habitude de ce type de personnages et dans un contexte aussi singulier on aurait pu passer sur leur inconsistance et leur bêtise.
Cependant La casa nel tempo fait son petit effet et se laisse regarder avec plaisir. Pour toutes ses idées bien sûr mais aussi pour ses nombreuses qualités visuelles. La
photographie est absolument superbe et met en valeur les splendides décors de la vaste demeure comme la salle où est exposé le corps des mariés, ses sinistres couloirs où rode la mort, ses inquiétants extérieurs. Quelques très jolies scènes émergent aussi ça et là rappelant la maestria passée du cinéaste, celle qui entre autres fit de L'au delà et Frayeurs de petits chef d'oeuvres de poésie macabre. On citera par exemple celle des trois dobermans placés en triangle devant la maison plongée dans la brume la nuit du crime tels des gardiens de l'Enfer, celle des mains du zombi sortant de terre pour empêcher Tony de s'enfuir, clin d'oeil à l'époque morts-vivants du Maitre. Dernier atout mais non des moindres
les effets sanglants et gore particulièrement réussis, aussi violents qu'inattendus pour une production télévisée si tardive, qui devraient ravir les amateurs d'hémoglobine. On trouve ainsi au menu une fourchette plantée dans une main, un ventre qui explose sous l'effet d'une balle, un empalement avec un pieu.
On appréciera aussi le jeu de ces petits vieux diaboliques très bien interprétés par les vétérans Paolo Paolini (la série des Fantozzi) et l'anglaise Bettine Milne, dame de théâtre avant tout qui apparut de temps à autre à l'écran. Le fidèle Al Cliver qu'on a toujours plaisir à retrouver est le jardinier borgne (un douloureux maquillage qui rendit fou l'acteur durant le
tournage). Quant aux trois voyous, point faible du film, Fulci eut recours à trois jeunes américains qui eurent leur micro heure de gloire en Italie le temps d'une poignée de séries B d'action, les insipides Keith Van Hoven et Peter Hintz. C'est la petite protégée de Carlo Savina, l'anglaise Karina Huff, starlette lancée en 1983 avec Sapore di mare1 et 2, aperçue également dans Voix profondes et Gatto nero / Demons 6, qui interprète Sandra.
Avec La casa nel tempo Fulci signe un petit téléfilm horrifique digne d'intérêt. Malgré ses
nombreux défauts, une idée de base trop peu développée et d'évidentes limites le résultat est loin d'être mauvais et possède même un coté assez fascinant. Fulci tente de se réapproprier un style qui fit autrefois sa renommée. Il parvient à faire illusion. Au final on passe un moment agréable dans cette maison du temps.
Le réalisateur enchainera aussitôt avec le second volet de la quadrilogie, le médiocrissime La dolce casa degli orrori, tandis que Umberto Lenzi s'attèlera aux deux derniers La casa delle anime erranti et La casa del sortilegio.