What a flash!
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Réal: Jean-Michel Barjol
Année: 1971
Origine: France
Genre: Drame / Fantastique / Expérimental
Durée: 87mn
Acteurs: Kavi Alexander, Jérome Baboulène, Catherine Lachens, Diane Kurys, Jean-Pierre Coffe, Maria Schneider, Daniel Guichard, Jean-Yves Bouvier, Greg Germain, Jacques Collard, Jean-Claude Dauphin, Gregory Ken, Bernadette Laffont, Bernard Le Gall, Serge Marquand, Tonie Marshall, Emmanuelle Rivière, Pierre Vassiliu, Bob Lucas, Michèle Moretti, Yvan Lagrange, Guy Gilles, Catherine Faux, Florence Rollin, Alain Ballaïche, Jean-Claude Dreyfuss...
Résumé: Deux cent artistes tout genre confondu sont enfermés durant trois jours dans un hangar où ils seront filmés. On leur donne un scénario sur lequel ils vont devoir improviser. Ils sont censés être enfermés dans une capsule spatiale après avoir été condamnés à mort pour rébellion contre le pouvoir en place. Ils décident de passer leur trois derniers jours à faire la fête et à organiser une immense orgie...
Proche du cinéaste Jean Eustache et de l'écrivain Christophe Donner dont il adapta un des romans (Le petit Joseph) Jean-Michel Barjol fait partie de ces metteurs en scène un peu à part dans l'univers du cinéma français. Auteur de documentaires et de courts-métrages reconnus pour leur authenticité et leur coté souvent profondément humain, pour la plupart tournés dans les années 60 (Nadia, La peau dure, Au temps des châtaignes, San Pietro, Histoire d'arbres...), Barjol s'est aussi laissé tenter par le grand écran en réalisant moyens
et longs métrages dont en 1970 le très décrié Le cochon, un croisement entre Le sang de bêtes de Franju et Guinea pig, et ce très étrange et inclassable What a flash! l'année suivante auquel participa Donner.
Un metteur en scène a l'idée de réunir dans un hangar deux cents comédiens et artistes professionnels et non professionnels (acrobates, peintres, musiciens...) dans lequel ils devront rester 72 heures. Ils improviseront un scénario comme bon leur semble. Ils sont censés être en l'an 2000 et représentés des marginaux, des anarchistes. Le pouvoir alors en place les a condamné à mort. Le hangar est censé être l'intérieur d'une capsule spatiale.
Durant ces trois jours de sursis ils vont passer le temps comme ils peuvent dans une ambiance de plus en plus décadente. Ils décident en effet de faire de leurs dernières heure une gigantesque orgie en protestation contre l'ordre incarné par le Grand Inquisiteur (aka Monseigneur Bodart) qui les a rejetés. Ils commencent à transformer les lieux en un grand dortoir, s'installent puis finissent par se mettre nus. Ils peignent les murs, organisent un mariage, mettent en scène des amours nécrophiles, revisitent à leur manière la crucifixion du Christ tout en se posant des questions sur cette condamnation, sur la société, le pouvoir. Plus les heures passent plus la folie gagne. Certains craquent. Cela se termine en une
gigantesque partouze, une immense fête orgiaque psychédélique avant l'extermination finale. Au bout des trois jours tout le monde sort du hangar, heureux de cette expérience, enthousiastes, prêts à recommencer.
Expérimental vient d'expérimentation et qui expérimente risque l'échec. C'est ce qui semble être le cas pour Barjol. Qu'est il donc arrivé au cinéaste connu pour être particulièrement pointu? On reste bouche-bée devant le résultat, sans mot pour décrire ce qu'on a vu. Difficile ainsi de parler de ce film dont l'idée de départ était plutôt intéressante. Faire de l'improvisation sur un thème donné en enfermant trois jours durant deux cents artistes de
tout bord dans un hangar transformé pour l'occasion en studio de cinéma et les laisser donner libre cours à leur imagination. Nous sommes en 1971 en pleine ère post-hippie et post-psychédélique, à l'heure de la libération sexuelle, de la contre culture et de l'underground warholien. Le cinéma d'anticipation aime traiter du despotisme, du pouvoir anesthésiant. Point étonnant que le scénario qu'on donne à ces marginaux soit apocalyptique. Ils vont devoir imaginer qu'ils sont dans un vaisseau spatial dans lequel ils vivent leurs derniers instants puisque le Pouvoir les a condamné à mort. Leur objectif commun: faire de ces 72 heures une formidable débauche. On reste dans l'ère du temps.
Il aurait juste fallu que l'improvisation fonctionne et que ces artistes suivent une ligne conductrice tout en étant un peu plus professionnels. Car il faut le reconnaitre What a flash! est un joyeux foutoir, un monstrueux bordel, un immense capharnaüm de tout et de n'importe quoi, une véritable cacophonie sans queue ni tête vite insupportable d'où n'émerge strictement aucune véritable idée. Il n'y a rien à quoi se raccrocher, rien qui ne permette un minimum de discussion. On se croirait dans une cour de récréation géante où tout le monde fait tout et n'importe quoi au son d'une musique rock expérimentale ou non assourdissante, un groupe de hard faisant partie des artistes retenus enfermés. La première idée qui vient
en tête c'est que What a flash! pourrait être l'ancêtre des télés-réalités façon Loft story géant. C'est d'ailleurs peut-être la seule qui pourrait permettre de lancer un micro débat si on s'en sentait encore le courage à la fin d'un tel assommoir.
Barjol a donc laissé tourner non stop ses caméras trois longs jours pour filmer sans relâche ses comédiens jouer si on peut ici user de ce terme leurs délires comme ils le peuvent, avec ce qu'ils ont sous la main, c'est à dire quasiment rien. A peine les portes du vaisseau-hangar se sont elles refermées qu'ils commencent par badigeonner les murs de peinture, y écrivent des slogans post-soixante-huitards et s'ils ne peignent pas les murs ils
font du body-painting, un art alors très à la mode. La plupart se déshabillent et se mettent nus dans la promiscuité générale. Un groupe revisite de façon pathétique la crucifixion du Christ. Pourquoi? Pourquoi pas! On frôle l'absurdité, on plonge dans le ridicule avec ce Christ travelo visiblement interprété par un comédien sous acides (il est quasi certain que les substances illicites ont circulé sur le plateau même si à aucun moment Barjol ne montre de scènes de drogue explicites) qui en guise de couronne d'épines porte un chapeau de persil tandis que la Vierge, une bourgeoise tout aussi à l'ouest, déblatère sur l'importance qu'un homme sache faire l'amour à une femme si celle ci veut prendre son pied. Certains
organisent un pseudo mariage, les jeunes mariés font l'amour au milieu de la foule. Dans un autre coin du studio-vaisseau une femme allongée dans un cercueil joue une morte à qui les hommes font l'amour à la chaine, l'important étant qu'elle ne bouge pas pour qu'on pense qu'elle est décédée! Toutes ses saynètes hallucinantes sont accompagnées de pseudo interrogations philosophiques sur tout et n'importe quoi. Il faut bien parler. Rien a vraiment de sens, un peu comme les conversations que peut tenir quelqu'un d'un peu trop alcoolisé. On retiendra tout de même les préoccupations sanitaires de notre Christ rondouillard qui peste contre les W.C à la turque et leur manque d'hygiène. "Comment va t'on
faire pour chier pendant ces trois jours"? hurle t-il furieux! On vous laisse débattre sur le sujet! Ce n'était pas un souci à Woodstock! Ce gros problème d'aisance ne l'empêchera pas de penser à faire manger pour tout le monde. "C'est salade de tomates ce soir" lance t-il! "C'est bon la salade". Voilà à peu près le niveau des discussions de nos condamnés dans ce contexte bien particulier où certains se demandent même s'il s'agit d'une vraie expérience et s'ils seront vraiment tués une fois celle ci terminée. Quelque soit leur niveau les discussions sont souvent noyées dans une incroyable cacophonie, crispante. Voilà qui clôt rapidement les débats chez le spectateur. Plus on avance et plus la folie semble gagner les
participants qui organisent une partouze géante dans une atmosphère de trip psychédélique assez hallucinant. Ils dansent peinturlurés sur des musiques stridentes, défoncés, simulent des combats de boxe nus... C'est du Fellini sous champignons. Puis c'est l'extermination. Tout le monde est mort. Ne reste qu'un survivant dans ce hangar envahi de mousse (c'est soirée mousse ce soir!) Au bout des trois jours tout le monde sort du hangar, tous heureux de cette expérience. Barjol retrouve son sens du documentaire et fait en sorte que ce qu'il vient de filmer passe pour un reportage que les journalistes du monde entier vont s'arracher. Fin du film!
L'essai (bien raté) de Barjol aurait pu être une sympathique expérience mais mal menée, sans aucune direction d'acteur, de mise en scène et de montage digne de ce nom (on imagine les kilomètres de pellicule qu'il a du tourner), ce que l'improvisation n'empêche pas, What a flash! ennuie (énerve?) très rapidement surtout que Barjol même s'il en donne l'apparence semble n'avoir absolument rien à dire à l'image même de ses acteurs plus abrutis les uns que les autres qui sont livrés à eux mêmes et semblent totalement perdus, n'ayant eux aussi rien à dire. Ils comblent le néant en parlant de tout et de de rien. Voilà qui représente fort bien cette bande loufoque car s'il fallait donner une image au vide ce pourrait
bien être ce film. Inutile de dire qu'il n'y a aucune réflexion, le propre de l'expérimental, What a flash! n'est qu'un long délire aussi prétentieux que crétin, même pas drôle.
Aussi vain et vide soit-il What a flash! possède quelques très rares atouts pour lui. Au delà de son ratage absolu il reste cependant un témoignage sur le mouvement hippie et post-soixante-huitard, sur le rêve de vie en communauté, sur la libération sexuelle et la vie très libre des artistes de cette époque mais également des milieux décadents d'une certaine bourgeoisie. Le fait qu'à sa sortie en 1972 il provoqua une véritable onde de scandale lui donne là encore une petite aura qui peut piquer la curiosité des amateurs d'oeuvres
considérées comme scabreuses mais l'atout majeur du film reste son prodigieux casting, totalement impensable. Parmi cette foule bigarrée et chevelue on apercevra et tentera de reconnaitre des comédiens et artistes à leurs tout débuts, certains encore inconnus, comme Tonie Marshall (la mariée dans une scène érotique assez osée), Catherine Lachens déchainée et nue pour son tout premier rôle au cinéma, Diane Kurys, Jean-Pierre Coffe (barbu et chevelu), Maria Schneider, notre Daniel Guichard national en jeune éphèbe fellinien, Greg Germain (qui malheureusement garde son petit slip blanc), Jacques Collard, Jean-Claude Dauphin, Gregory Ken (le futur chanteur du duo Chagrin d'amour), Bernadette,
Laffont, Serge Marquand, le chanteur Pierre Vassiliu (le fameux "Qui c'est celui là"), Maria Vincent (la Vierge angoissée), Jean-Claude Dreyfuss... la plupart nus puisque What a flash! est un fes(se)tival de pénis (et de cheveux longs), ultime atout de ce bordélique happening dont on retiendra néanmoins une scène qui mène à l'apocalyptique final, l'immense bacchanale psychédélique suivie de la revisitation de Woodstock dans le hangar, assez fascinante avouons le et tellement seventies tant dans le fond que la forme. Difficile de croire devant la folie ambiante de certaines séquences que les drogues furent absentes
du plateau.
Les années 70, période O combien magique à jamais révolue, ont vu le cinéma régulièrement plonger dans l'expérimental, le happening, s'essayer à des oeuvres délirantes, étranges, singulières. What a flash! vient rallonger la liste plus pour le pire que le meilleur. On aurait aimé l'inverse. Si le film est une expérience c'en est une également pour le spectateur. Jean-Michel Barjol nous a fait un Picasso sous psychotrope et comme tout Picasso on y voit ce qu'on veut ou ce qu'on peut. On aime ou on déteste. A vous de juger ici!