Ni oedipienne ni complexée: Rena Niehaus
D'Allemagne nous sont venues bien des actrices qui firent les beaux joues du cinéma de genre italien. parmi elles impossible de ne mentionner la plantureuse Karin Schubert dont on connait le tragique et si funeste destin, Solvi Stubing ou encore Barbara Bouchet. C'est également de Germanie qu'est originaire cette jeune et blonde actrice qu'un audacieux et morbide diptyque a rendu à jamais célèbre, le désormais La orca et La oedipus orca dans lesquels elle subissait moult humiliations de la part de son bourreau dont elle finira par tomber follement amoureuse dans le sens le plus pathologique du terme. On sait malheureusement bien de choses sur cette charmante teutonne qui sut se faire une petite place dans l'univers de l'érotisme à l'italienne avant de lentement disparaitre au milieu des années 80 puis semble t-il s'évaporer avant une réapparition au début des années 2000 où elle accepta de revenir sur son passé de comédienne. Découvrons donc sans plus attendre le portrait de la savoureuse Rena Niehaus.
Née en 1954 à Oldenburg, petite ville située dans le nord de l'Allemagne, Rena débute ses activités artistiques en tant que modèle à tout juste 17 ans. Elle faisait alors partie d'une agence milanaise lorsqu'un ami monégasque lui présente un photographe en quête de nouveaux visages. Satisfait des photos qu'il a prises l'homme rappelle Rena quelques jours plus tard et l'engage pour une campagne publicitaire pour des cigarettes sous forme de calendrier qui se fera sur deux mois entre la France et l'Italie. C'est le commencement d'une carrière qui doucement va la mener aux portes du 7ème art.
Durant deux ans Rena va faire le tour de l'Europe, rencontrer de grands noms tels que David Hamilton. La jeune allemande voyage aux quatre coins de l'Europe, se délecte de cette vie dont elle a toujours rêvé. Depuis l'âge de 14 ans Rena a toujours souhaité faire du cinéma, être indépendante. Rebelle dans l'âme elle est heureuse d'être libre, de gagner son argent. Cette vie lui plait et poser nue ne la dérange pas même si elle ne s'est jamais trouvée très jolie. La nudité ne lui a jamais posé de problème et de toutes façons elle fait partie de son travail. Cette vie va durer deux années. Rena se lasse alors de devoir sourire sur commande. Elle rentre alors chez elle à Oldenburg et découvre que durant son absence deux réalisateurs
italiens ont tenté de la contacter, Alberto Lattuada pour Cuore di cane et Pier Paolo Pasolini pour Salo ou les 120 journées de sodome. Rena refuse Salo qu'elle juge trop extrême mais accepte le rôle que lui offre Lattuada. Ce sera son premier film. Totalement novice Rena se sentit un peu perdue, pas très à l'aise avec la langue italienne. Mais ses partenaires dont le grand Max Von Sydow et Mario Adorf notamment l'aidèrent considérablement ainsi que l'équipe technique. Le film est un succès et dés la fin du tournage Rena se voit de suite proposer un deuxième long métrage, I baroni de Gianpaolo Lomi, une comédie avec Turi Ferio et Vittorio Caprioli qu'elle prit plaisir à interpréter tant l'ambiance était agréable sur le
plateau. Elle enchaine avec le célèbre diptyque de Eriprando Visconti, La orca / La oedipus orca. Nous sommes en 1977. A 24 ans tout juste Rena va connaitre la gloire grâce à ses deux films dont elle est enfin l'héroïne principale et pour lesquels on se souvient encore d'elle aujourd'hui, deux films qui ont fait sa renommée, deux films devenus culte au fil du temps.
Tourner ce diptyque ne fut pas facile pour la belle teutonne qui eut quelques difficultés à comprendre le scénario. Toujours bloquée par la langue on dut lui expliquer son personnage et le sens de ses répliques. Quant à la récitation de son texte elle le fit le plus souvent
phonétiquement. Malgré ses problèmes de compréhension Rena garde un excellent souvenir de ces deux films même si certaines scènes furent pour elle difficiles à tourner, plus particulièrement celle où elle se masturbe, seule, dans la pièce où est mort son ravisseur. Elle dut prendre sur elle et surmonter sa honte. Elle avoue avoir été choquée lorsqu'elle comprit ce qu'elle devait faire. Quant aux scènes d'exploitation elle les accepta sans sourciller car elle s'intégraient parfaitement dans le scénario et se justifiaient donc. Elle s'entendit très bien avec Michele Placido et garde un merveilleux souvenir de Miguel Bosé avec qui la presse italienne lui prêta une aventure alors qu'ils étaient juste très bons amis.
Elle avoue tout de même avec eu une liaison qui dura environ six mois avec Luc Merenda.
Par la suite Rena va apparaitre dans deux autres films où elle n'a qu'un rôle mineure cette fois, Un amore targato forli avec Adriana Asti et Il maestro di violino, un drame d'amour léger dans lequel elle a une scène de séduction sur un balcon à la Roméo et Juliette. Elle est ensuite à l'affiche de Una donna di una seconda mano de Pino Tosini dans lequel elle récite aux cotés de Senta Berger et Enrico Maria Salerno. Il s'agit là d'une intéressante comédie érotique à caractère auteuriale qui tend dans sa deuxième partie vers la tragédie romantique située dans l'Italie des années 60. C'est dans un film d'horreur que Rena se
retrouve ensuite, celui de Ugo Liberatore Nero veneziano, un film de possession démoniaque se déroulant à Venise dans lequel elle joue la soeur de Renato Cestié, l'ex-enfant star du lacrima-movie désormais adolescent. De ce film Rena garde un souvenir cauchemardesque pour la simple et bonne raison que le tournage fut pour elle extrêmement difficile. Cela faisait presque sept années déjà que la jeune actrice travaillait sans relâche. La fatigue, le stress mais également une santé alors fragile et bon nombre de questions existentielles la firent sombrer dans une profonde dépression nerveuse. A fleur de peau Rena craqua bien des fois sur le plateau de Nero veneziano jusqu'au jour où suite à un très
léger différend avec le réalisateur elle voulut le frapper à la tête. Ce geste incontrôlé fut un déclencheur. Rena plia bagages, déménagea de Rome et rentra chez elle en Allemagne le temps de souffler et de se refaire une santé. L'univers artistique l'avait rendu schizophrène, Le monde impitoyable du cinéma n'étant qu'un immense miroir aux alouettes où tout semble si beau mais l'envers du décor est souvent bien plus sombre. Durant cette période noire Rena tourna tout de même deux films. Le premier, un film à sketches érotique, est Voglia di donna qu'elle accepta car Franco Bottari, le metteur en scène, était un ami. Elle est l'héroïne du deuxième épisode. Le second est Ciao Cialtroni réalisé par le fils de Stelvio Massi, Danilo Massi. Ce sera le dernier film qu'elle fit avant une très longue pause qui dura sept ans.
Rena va alors tenter de rentrer dans une agence de modèles en Allemagne mais ça ne fonctionnera pas. Durant cette même période elle rencontre un homme avec qui elle restera avant qu'ils ne se séparent en 1988 après sept années de vie commune. Elle retourne en Italie et essaie de renouer avec le milieu cinématographique. Pour la première fois de sa vie c'est elle qui doit faire le premier pas, aller sonner aux portes des réalisateurs, passer des coups de téléphone, Force est de reconnaitre que les propositions se font rares. Son âge joue aussi en sa défaveur. A 34 ans elle n'est plus la jeune fille d'autrefois. Rena décroche néanmoins un petit rôle dans le décevant giallo Arabello l'angelo nero de Stevio Massi, celui de l'inspectrice lesbienne, et un autre tout aussi court en 1993 dans le polar Il ritmo del silenzio. Ce sera son ultime apparition au cinéma. Rena se retire alors définitivement de cet univers. Sa décision coïncide avec le fait que Rena est enceinte et s'apprête à accoucher de sa fille. A sa naissance l'ex-jeune actrice va se dévouer à une toute autre vie, celle de mère et de femme au foyer dans le plus parfait anonymat. Elle coupe tout lien avec l'univers artistique avec lequel elle renouera jamais. Durant u,n temps elle va travailler dans une université au département spectacles. Rena est redevenue Madame tout le monde.
Si elle a coupé tout lien avec son passé Rena Niehaus ne renie en rien sa carrière d'actrice. Elle est fière d'avoir fait tout ce qu'elle a fait, Ce fut une période intense durant laquelle elle s'est beaucoup amusée, vit bon nombre de ses rêves se concrétiser, rencontra tant de gens intéressants, incroyables. Un rêve de petite fille tout simplement. Si elle devait aujourd'hui recommencer elle éviterait simplement une chose: se faire moins d'illusions, Notre rêve à nous c'est de pouvoir continuer d'admirer Rena, décomplexée, désinhibée, celle qui à nos yeux restera à jamais la orque.