Luigina Rocchi: la cannibale pasolinienne
Son visage parlera à tous les amateurs des films de Pasolini puisque cette brunette très typée, encore mineure aux yeux de la loi italienne d'alors, fut une des héroïnes des 1001 nuits dont elle est devenue depuis une des figures cultes grâce à la célèbre scène de l'arc phallique. Sortie de ces contes orientaux c'est auprès d'Alvaro Vitali dans un tout autre registre qu'elle deviendra une deuxième fois célèbre pour une inoubliable scène de fellation elle aussi culte mimée sur une flûte.
Mais qui était donc cette ravissante brune connue sous plusieurs noms de scène qui par la suite n'eut pas forcément une carrière triomphale mais reste cependant un de ces visages qui marquèrent à leur façon le cinéma de genre italien avant de s'évaporer? Retraçons aujourd'hui le parcours de l'ensorcelante Budur qu'incarna la sensuelle Luigina Rocchi.
Née à Rome le 17 janvier 1955 Luigina Rocchi parfois créditée sous le nom de Claudia Rocchi doit sa chance à Pier Paolo Pasolini. C'est en effet lui qui le premier la repéra en 1974 lors du casting des 1001 nuits. Pasolini eut un coup de coeur pour cette jeune fille alors âgée d'à peine 20 ans, sensuelle et fortement typée. Malgré ses origines italiennes Luigina pouvait en effet sans mal interpréter une belle orientale capable d'envouter Ninetto Davoli dans une des scènes clé du film. C'est ainsi que Luigina décroche le rôle de la jolie Budur surnommée la folle, la cousine d'Aziza, incarnation de l'amour charnel, obsessionnel qui castrera le pauvre Ninetto, symbole de la légèreté, le jour de ses noces ou la mort de
l'innocence donnée par l'arc phallique porté par la jeune femme. Dans un des très rares entretiens, peut être même le seul qui existe de Luigina, la jeune actrice avec un certain aplomb se plaignait sur le tournage des 1001 nuits de ne pas comprendre ses dialogues qu'elle trouvait franchement stupides. Avec la tendresse qu'on lui connaissait et l'admiration qu'il avait pour Luigina, le maitre lui rétorquait que l'important n'était pas de comprendre ses lignes mais de jouer juste. Ni sa prestation ni sa beauté dans le dernier volet de la trilogie de la vie ne passent inaperçus et Luigina se retrouve propulsée nouvelle sexy starlette du cinéma italien. Cette même année elle pose pour la version américaine de Playboy mais il
faut attendre trois ans pour que Luigina réapparaisse sur les écrans. Ce sera à l'occasion de La lycéenne redouble de Mariano Laurenti, une des énièmes aventures de la lycéenne incarnée par Gloria Guida qui offre à Luigina une des scènes cultes du film, une séquence rentrée aujourd'hui dans les annales de la sexy comédie, celle où durant le cours de musique elle mime une fellation avec une flute devant un Alvaro Vitali bouché bée. Il va sans dire que ces deux films restent ceux pour qui on se souvient encore aujourd'hui de la belle Luigina puisque le reste de sa carrière sera bien plus anonyme.
En 1978 cachée sous sa perruque boueuse elle est une des indigènes cannibales de la tribu des Puka dans La montagne du dieu cannibale de Sergio Martino, une des deux femmes qui peint le corps de Ursula Andress dans la caverne. Son physique fortement typé lui permet de pouvoir jouer de façon crédible de tels rôles comme elle le prouve une fois encore en 1979 en apparaissant dans Cannibal holocaust, le temps d'interpréter une fois encore une cannibale au milieu des vrais membres des peuplades amazoniennes. Après une courte figuration non créditée le temps d'une petite séquence dans le polar Gardenia il giustiziere della mala de Domenico Paollela Luigina tourne alors ce qui sera son seul et
unique film en tant que principale protagoniste Dolce calda Lisa signé Adriano Cesari. Drame érotique sans grande envergure à l'intrigue banale, à la mise en scène peu trépidante, son principal intérêt est le traitement plutôt efficace de la violence de certains propos notamment lors de la toute dernière partie, la plus intéressante, de ce softcore où furent incluses des scènes pornographiques pour sa version intégrale. Pour son unique film en tant que personnage principal il faut reconnaitre que le jeu de Luigina est assez fade inversement proportionnel à sa ravissante beauté. Si elle n'a aucun mal à se déshabiller et multiplie les nus elle fut cependant doublée pour les séquences les plus torrides. A la même époque une rumeur circule comme quoi Luigina aurait été à l'affiche d'un film porno signé Lasse Braun entièrement tourné à Rome (Un folle amore) mais la preuve n'en fut jamais apportée puisque dans toutes les versions visionnées du film Luigina n'y apparait pas... à moins que les scènes ait été éliminées au montage. Le mystère reste intact.
Les années 80 seront assez tristes pour l'actrice qui après un passage dans la comédie de Joaquín Luis Romero Marchent Despido improcedente dans la peau d'une jeune asiatique va enchainer une série de petits films parfaitement oubliables sans aucun intérêt. En 1982 elle fait une apparition éclair dans la comédie Scusa se è poco. Elle est la même année à l'affiche de Yor le monde du futur de Antonio Margheriti. Elle y joue Turita la fille du chef Kay qui aimerait qu'elle devienne la nouvelle compagne de Reb Brown / Yor. En 1984 elle est la protagoniste féminine de l'ultime film de Fernando Di Leo Razza violenta / La race violents, un film de guerre situé en Asie mais tourné dans les Abruzzes mené par Harrison Muller Jr
et un Henry Silva cataleptique à l'aube de la retraite. Luigina interprète Ayuta, une jeune et douce prostituée qui tombe amoureuse de Harrison Muller et lui vient en aide. Après quatre années d'absence Luigina réapparait en 1988 le temps d'un petit rôle aux cotés de l'insupportable Lolo Garcia (l'ange de Tobi) dans Computron 22, un hilarant lacrima-movie de science-fiction d'une sidérante mièvrerie signé Giuliano Carnimeo. Elle interprète la domestique de la famille de Lolo, une simple figuration quais muette. Elle tournera son ultime film en 1989, une coproduction américaine réalisée par le tâcheron Leandro Lucchetti intitulée La vendetta, un médiocre film d'aventures qui fleure bon la rambosploitation
agonisante dont certaines séquences proviennent de La razza violenta.
C'est ainsi que se termine le parcours cinématographique de Luigina Rocchi après douze petites années de bons et loyaux services. On perd ensuite totalement trace de cette ex-découverte de Pasolini qui démontre une fois encore qu'avoir joué pour le Maitre n'est en aucun cas un gage de sécurité pour mener sa barque dans l'univers impitoyable du 7ème art. Hormis son rôle dans Les 1001 nuits nous bissophiles garderons surtout de la jeune comédienne l'image de cette étudiante frivole simulant une fellation avec sa flute à bec. Image d'un jour image de toujours.