Tobi
Autres titres: Tobi el nino con alas
Real: Antonio Mercero
Année: 1978
Origine: Espagne
Genre: Comédie / Fantastique
Durée: 90mn
Acteurs: Lolo García, María Casanova, Francisco Vidal, Silvia Tortosa, José Lifante, Andrés Mejuto, Norma Aleandro, Antonio Ferrandis, Walter Vidarte, Willy Rubio, Manuela Camacho, Lorenzo Ramírez, José Yepes, Chiro Bermejo, Ángeles Macua...
Résumé: Tobi, un petit garçon de 8 ans, voit un jour des ailes lui pousser dans le dos. Aucun scientifique ne parvient à expliquer le phénomène. Tobi devient vite une véritable vedette, un petit être miraculeux au coeur d'une Espagne fortement catholique. Mais il est aussi la proie de publicistes véreux qui voient en lui une merveilleuse source d'argent. Exploité par la société, rejeté par ses camarades, Tobi ne supporte plus d'être un ange. Ses parents décident de le faire opérer. Ses ailes ne vont pas tarder à repousser pour le plus grand bonheur des publicistes qui en font un monstre de foire...
Très connu en Espagne pour les séries télévisées qu'il réalisa, Antonio Mercero, metteur en scène venu du court-métrage et du documentaire, tourna cette étrange petite comédie fantastique en 1978 devenue au fil du temps non seulement une véritable curiosité mais surtout une véritable rareté, Tobi, ou l'histoire d'un garçonnet qui un un jour devient un ange!
Tobi a sept ans et vit heureux avec ses parents, un petit couple de prolétaires madrilènes. Tout irait pour le mieux si Tobi ne se plaignait pas d'avoir très mal au dos. Apparaissent un jour deux étranges taches jaunes de chaque coté de ses omoplates qui ne cessent de grossir. Emmené dans un institut de recherches scientifiques afin de comprendre le phénomène, les parents de Tobi tout comme les scientifiques découvrent un beau matin avec stupeur que les deux mystérieuses tâches se sont transformées en deux petites ailes blanches. Tobi est devenu un ange. Le petit garçon devient vite le centre d'intérêt du monde. Véritable miracle pour les plus pieux, bénédiction divine ou curiosité pour d'autres, tout le pays acclame l'angelot et veut le voir. Etre un chérubin ailé n'est cependant pas de tout repos. A l'école il devient pour ses camarades un monstre qu'on rejette. l'un d'entre eux tente même de lui couper les ailes. Tobi souffre, refuse de retourner à l'école, ne parvient plus à dormir.
Une société de publicité en fait sa mascotte, l'obligeant à poser pour des spots. Las de cette vie devenue invivable, ne supportant de voir Tobi souffrir, ses parents décident de le faire opérer. On lui coupe les ailes mais celles ci repoussent. Profitant de l'aubaine, la société de publicité le reprend et en fait cette fois un monstre de fête foraine. Las de cette vie, Tobi s'enfuit, les yeux tournés vers le ciel, prêt à prendre son envol et fuir ce monde.
Le thème de l'ange n'est pas nouveau dans l'univers du cinéma fantastique. Un des plus bel exemple est le conte de Marcel Carné, La merveilleuse visite, dans lequel un ange tombé du ciel va perturber la vie d'un village côtier breton. Le cas de Tobi est quelque peu différent puisque rien n'explique la raison de cette étonnante métamorphose en ange de Tobi, un enfant au départ comme tant d'autres, il se réveille tout simplement un beau matin avec deux petites ailes dans le dos. A partir de ce point de départ, Mercero construit une jolie fable familiale, une sorte de féerie puérile qui a cependant un peu de mal à trouver sa véritable orientation. C'est donc mitigé qu'on ressort de la vision de ce film qui oscille sans cesse entre la comédie familiale, la farce, la satire sociale, le conte philosophique et une certaine forme de cinéma d'exploitation.
Il est clair que Tobi, resitué dans son contexte post-franquiste, est une ode à l'évasion, à la liberté, celle d'une Espagne trop longtemps prisonnière d'un régime drastique. Cet enfant, son amour, son lien avec les oiseaux dont il possédera les ailes, sont le symbole de cette liberté qu'il s'accaparera en toute fin de bande lors d'une conclusion hautement onirique sur fond de coucher de soleil rougeoyant. Tobi traite également de la différence et de son acceptation dans une société dans laquelle elle n'a pas sa place, du rejet, de la marginalisation et de la souffrance pour celui qui la subit qu'elle entraine irrémédiablement. L'aspect religieux est lui aussi bel et bien présent. Symbole divin, l'ange ne peut être qu'une bénédiction, sa venue sur Terre un miracle encore plus dans un pays comme l'Espagne où la religion tient une place capitale. Il n'est donc pas étonnant que Tobi déplace les foules, devienne une attraction que tout le monde veut voir et toucher. Dernier thème mais non des moindres, l'exploitation du phénomène par les médias qui voient en l'enfant un juteux filon financier. Il n'est pas surprenant qu'il tombe donc entre les mains de publicistes véreux, dans un premier temps comme icône de spots publicitaires puis comme monstre de foire. Tobi, simple enfant aux désirs d'enfants, devient bien malgré lui un "freak", une "machine à fric" contre laquelle ses parents ne peuvent rien.
Les sujets abordés sont louables, peut être un peu trop nombreux pour être réellement efficaces, mais le problème du film vient dans sa façon de les évoquer. Plus qu'une fable philosophique Tobi est avant tout une comédie loufoque, parfois grotesque, mièvre, une guimauve un brin indigeste qui contient une partie de ce que le film pour enfants en général a de plus irritant. Difficile de ne pas avoir envie par moment de donner une fessée à ce chérubin qui pleurniche, fait ses caprices, n'arrête pas d'appeler sa maman pour qu'elle le câline et de s'enfuir à tout va dans les rues de Madrid. Quant à ses blagues, elles n'ont pas vraiment lieu d'être ici et brisent tout simplement l'intérêt du film qui se transforme en une quelconque comédie farfelue. Pour preuve l'interminable séquence du tournage du spot de publicité pour déodorant et son avalanche de gags dans laquelle ne manque plus que les tartes à la crème.
Ce manque de sérieux, ce ton résolument comique qu'on retrouve dans certains dialogues effarants de bêtise (le père qui pense que son fils a des ailes car sa mère lui a trop donné de poulet à manger) rendent non seulement notre angelot blond joufflu encore plus insupportable mais privent surtout le film de cette féerie dont il aurait pu jouir d'autant plus qu'il est dénué de poésie si on excepte la scène de l'épouvantail et le très joli final. Voilà qui est regrettable car Tobi avait tous les éléments pour toucher, émouvoir, tout en faisant rire ou sourire. Voilà l'erreur de Mercero dont la mise en scène, sans originalité, se rapproche de celle d'un banal téléfilm.
Plus équivoque, donc surprenant, est l'aspect scatologique présent dans une bonne partie du film. A sept/huit ans, l'âge supposé de Tobi, un enfant a généralement terminé sa phase pipi caca dont notre angelot ne semble pas s'être encore débarrassé. Mercero multiplie bizarrement les scènes de WC, celles où il urine ou veut aller aux toilettes pour la grosse commission, cette facilité pour les besoins naturels trouvant son apothéose dans la séquence où il se soulage la vessie sur un policier puis défèque dans son casque! Lorsqu'il réalise qu'il s'agit de Tobi l'ange divin le pauvre homme se ravise de lui donner une fessée mais portera désormais fièrement son couvre-chef sur lequel il a inscrit: Tobi a chié dans ce casque! Et ce n'est pas le langage parfois fleuri de Tobi qui calmera les intransigeants du verbe puisqu'il aime employer des mots et expressions tels que couler un bronze, chier, péter ou bite! Ce coté très libre souvent gratuit dans un tel contexte étonne, dénote. On peut y voir une forme de cinéma d'exploitation déguisée en féerie angélique à une époque où sur les écrans italiens rugissaient d'audace des films tels La maladolescenza et Nenè entre autres exemples d'une teensploitation dans toute sa sulfureuse splendeur. Aussi délicat soit il le rapprochement effleure l'esprit d'autant plus que Tobi est loin d'être avare en nudité infantile. En ce sens, le film de Mercero appartient à cette catégorie de cinéma particulièrement audacieux aujourd'hui totalement impensable.
Doit on rappeler le sort réservé en 1990 au poignant Tom et Lola de Bertrand Arthuys, l'histoire de deux enfants-bulles qui s'évadent de l'hôpital où ils sont soignés, dont la nudité fit scandale (le film est d'ailleurs resté inédit en DVD malgré son passage remarqué au Festival d'Avoriaz). Hormis son statut de joli conte, Tobi témoigne également de toute une époque où le cinéma tant italien qu'ibérique osait, se permettait, sans aucun tabou, sans interdit.
Découvert par Mercero qui avait déjà l'année précédente tourné avec lui La guerra de papa, c'est le petit Lolo Garcia, l'enfant-star espagnol, qui incarne le chérubin ailé. soit on sera attendri par sa frimousse joufflue soit on aura qu'une seule envie, lui voler dans les ailes! On reverra Lolo quelques années plus tard, majeur cette fois, puisqu'il sera le héros de Computron 22, un lacrima movie teinté de science-fiction réalisé par un Giuliano Carnimeo en fin de course. Un fait est sûr, Lolo semble s'être bien amusé sur le tournage!
Totalement inédit en France, devenu aujourd'hui rarissime, une curiosité d'un autre temps difficilement visible si ce n'est sur une vieille vidéo espagnole, Tobi est un classique du merveilleux espagnol à qui il manque justement le coté merveilleux. Reste au final une petite bande familiale sympathiquement mièvre mais à double tranchant. Soit on rira et appréciera les facéties de cet angelot potelé soit il tapera sur les nerfs et nous fera faire la grimace tout en savourant néanmoins certains passages. Dommage que Mercero n'ait pas vraiment su orienter son film qui avec plus de sérieux aurait pu être une petite perle d'émotion.