Fred Robsahm: l'agonie d'un chevalier
Blond, les cheveux longs, il avait dans le regard le bleu des mers du nord dont il était originaire. Si sa vie débuta comme un véritable conte de fée, le destin allait pourtant très vite s'acharner sur ce jeune comédien habitué aux rôles de preux chevaliers. Après avoir été adulé par la foule, après le succès et une starisation plus ou moins désirée, ce fut pour le jeune comédien une lente et très longue descente aux Enfers qui ruina non seulement sa santé mais également sa vie. Ouvrons aujourd'hui les portes d'une tragédie non annoncée qui n'a malheureusement rien d'une fiction, celle du charmant Fred Robsahm.
Né à Lillesand en Norvège le 29 juin 1943, Fred Robsahm, de son véritable nom Fred Otto Robsahm, n'est autre que le frère de la célèbre modèle, actrice et réalisatrice Margarete Robsahm qui de 1962 à 1965 fut l'épouse de Ugo Tognazzi. Si Fred, passionné de bateau et de mer, passe son enfance à bord de chalutiers son destin va vite le pousser vers d'autres horizons et c'est à Rome qu'il va un peu par hasard rencontrer la notoriété et voguer cette fois non pas sur les ondes marines de Scandinavie mais sur les vagues du succès. Lors de vacances dans la capitale éternelle où résida un temps sa mère, Fred, alors beau-fils de Ugo Tognazzi, se fait remarquer par sa beauté nordique alors si recherchée dans le cinéma italien. Maitrisant parfaitement l'anglais et surtout l'italien, Fred fait très rapidement son entrée à Cine città en 1967 en apparaissant brièvement dans Bandidos le western de Massimo Dallamano. Fred va alors devenir une silhouette récurrente du western spaghetti, un genre alors fort à la mode. Entre 1967 et 1969 on le voit plus ou moins rapidement dans notamment Django il bastardo, Cinq gachettes d'or ou encore La corde au cou le plus souvent non crédité au générique.
Il tient également un court rôle dans Barbarella de Roger Vadim dans lequel il interprète l'assistant de David Hemmings. Fred n'a peut être pas l'étoffe d'un grand acteur mais il a le physique et surtout dira t-il le travail était alors facile et très bien payé.
C'est en 1969 qu'il obtient son premier véritable rôle, celui d'un jeune soldat dans le très beau Flashback de Raffaele Andreassi, moult fois récompensé lors de sa sortie. Fred va alors se spécialiser dans le film en costumes qui constituera la majeure partie de sa filmographie. En 1970 il est en tête d'affiche de la comédie dramatique de Bruno Corbucci Nel giorno del signore située en pleine Renaissance dans laquelle le jeune peintre Raffaele Sanzio. Il partage ensuite la vedette avec Klaus Kinski qu'il avait déjà côtoyé dans Django il bastardo dans le western Black killer de Carlo Croccolo. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de la sexy diva Agostina Belli dont il sera le compagnon jusqu'en 1988. De leur union naitra une fille. En 1974 les deux amants se retrouvent à l'affiche de Sepolta viva / La tour du désespoir de Aldo Lado, le film qu'Agostina a toujours chéri tant elle le trouve
beau. Elle y était la malheureuse princesse, Fred son prince charmant. L'idylle est parfaite tant à l'écran qu'à la ville. Fred sera également à l'affiche de la séquelle tournée par Luciano Ercoli Il figlio della sepolta viva auprès cette fois de Eva Czemerys et Pier Maria Rossi. Toujours pour Ercoli il enchaine avec l'excellente version de Lucrezia Borgia, Lucrezia giovane avec l'inquiétant Massimo Foschi et Simonetta Stefanelli. On le voit ensuite dans Ingrid sulla strada de Brunello Rondi avec pour partenaires cette fois Janet Agren et Franco Citti. Il change de registre en 1975 en étant le petit ami de Gloria Guida et l'amant de sa belle-mère, Dagmar Lassander, dans le doux-amer Si douce si perverse / Peccati di gioventu de Sivio Amadio puis revient à ses premières amours le western, avec une apparition dans Mon nom est Trinita de Ferdinando Baldi. Ce sera là sa dernière interprétation au cinéma puisque Fred, suite à des problèmes de santé, doit interrompre sa carrière. Il va alors s'adonner à sa grande passion, la voile et la mer, tout en jouant les pères de famille et époux modèle.
Malheureusement tout va basculer en juillet 1986. La vie de Fred, l'ex-chevalier nordique du cinéma italien, va alors être une véritable descente aux enfers, un drame effroyable. De retour d'une traversée de l'Atlantique, Fred se retrouve mêlée à une sombre histoire de trafic de stupéfiants. Fred est incarcéré puis relaxé mais au cours d'une transfusion de sang faite par le personnel de la prison Fred contracte le virus du SIDA. Tout s'enchaine alors pour l'ex-comédien. Malade, brisé, il doit également affronter son divorce d'avec Agostina. Les mois passent, les années passent rien ne s'arrange. Ravagé par le VIH qu'il doit combattre, ruiné, sans revenu, Fred survit comme il peut, il braconne, il fouille la nuit les décharges publiques. Pourtant aussi dure que soit sa vie, aussi effroyable que fut le sort, il résiste, il se bat, parfois à bout de force. Mais il réussit à garder la tête hors de l'eau.
Aujourd'hui Fred vit à Lillesand, sa ville natale, il a retrouvé une vie décente même si sa terrible maladie est un combat au quotidien. La mer et la voile sont toujours sa passion. En 2007 le réalisateur norvégien Evan G. Benestad réalisa un documentaire sur la vie du comédien intitulé Natural born star, qui remporta un vif succès en Norvège. Fred y racontait son parcours, sa déchéance avec humilité et pudeur. Ricky Tognazzi, le fils d'Ugo, lui aurait proposé également de jouer un petit rôle dans le film qu'il préparait sur la vie de son père.
Si parfois la réalité dépasse la fiction, si la vie de Fred fut un long calvaire fait d'épreuves toutes plus incroyables les unes que les autres, il faut souligner le courage de cet homme qui malgré l'enfer que fut sa vie n'a jamais baissé les bras, n'a jamais cédé sous le poids de la douleur. Il s'est toujours battu avec courage, le courage des chevaliers, comme ceux qu'il interpréta régulièrement à l'écran lorsque la vie lui souriait. Si Fred est très certainement le plus bel exemple de courage qu'un homme puisse un jour rencontrer il est aussi l'illustration même de ce que la vie peut parfois nous réserver de plus tragique, lorsque tout bascule, qu'il ne reste que les cendres d'une vie rythmée par le bonheur, la chance et la gloire.