Belle d'amore
Autres titres: Erotikon / Belles d'amour
Réal: Fabio De Agostini
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Sex mondo / Erotique
Durée: 91mn
Acteurs: Paola Tedesco, Bruno Garcin, Luisa Giulietti, Giorgio Penna, Daniël Sola, Ernesto Colli, Lea Lander, Raul Lovecchio, Renzo Marignano, Luciano Rossi, Luca Sportelli, Alessandro Tedeschi, Rosita Torosch...
Résumé: Deux étudiants préparent leur thèse de fin d'année. Elle porte sur la prostitution. Pour l'écrire ils n'hésitent pas à se déguiser et s'infiltrer dans ce milieu très spécial pour interviewer les principales intéressées et découvrir leur mode de vie, leurs motivations, les dangers du sexe...
C'est surtout comme scénariste qu'on connait Fabio de Agostini puisqu'on lui doit entre autres les scénarii des Amants d'outre-tombe, Dans les replis de la chair et de L'oeil de l'araignée. Il fut également assistant-réalisateur sur une dizaine de films mais en tant que metteur en scène il n'a à son crédit que deux films, un nazisploitation aussi trash que classieux Les nuits rouges de la gestapo et ce sex mondo qui vire à la comédie érotique, Belle d'amore, un faux documentaire sur l'univers de la prostitution réalisé à une époque où le mondo était un des genres privilégiés des réalisateurs. Et en mondo, De Agostini s'y
connait puisqu'on lui doit là encore les scénarii de Sylvia et l'amour, Le 10 meraviglie dell'amore / Tout le monde il est sexy tout le monde il est cochon tous deux de Sergio Bergonzelli et Ce monde interdit de Fabrizio Gabella.
Silvia et l'amour traitait de manière si désuète des maladies vénériennes, des dangers du sexe en cette fin d'années 60. Le 10 meraviglie dell'amore était un hilarant cours d'éducation sexuelle où on apprenait comment fonctionne un zizi et une zézette et comment gérer les ratés (!). Avec Belle d'amore discrètement sorti en France en aout 1972 sous le titre Erotikon Fabio De Agostini traite cette fois de la prostitution et nous invite à découvrir
l'univers des prostituées. Tout un programme. Pour se faire il reprend le principe des 10 meraviglie dell'amore. Dans le film de Bergonzelli un groupe d'étudiants devait finaliser leur thèse de fin d'année sur la sexualité en enchainant les interviews et les démonstrations. Cette fois ce sont deux étudiants, Monique et son petit ami Bruno, un fils d'avocat, qui pour préparer leur thèse sur la prostitution et obtenir leur diplôme vont s'infiltrer dans le cercle pas si fermé que ça des Belles de nuit afin de les interviewer, de découvrir leur vie, leurs motivations et l'univers dans lequel elles vivent. Pour parvenir à ses fins Monique n'hésite pas à se déguiser en putain pour s'introduire dans le milieu. Notre faux documentaire peut
maintenant commencer.
Il s'ouvre sur une descente de police dans une des rues fréquentées par nos amies les putes puis dans un bordel appelé maison de plaisirs au grand dam de la "respectable" tenancière, outrée, une routine auxquelles nos filles sont habituées. Le ton est donné. On est dans la comédie, le farfelu, le cliché parfois même le grand n'importe quoi mais on rit, on pouffe, car c'est tellement bête que ça devient drôle. Pour preuve cette pute mondaine scandalisée d'être contrôlée dont la voiture possède à l'arrière un bidet en fourrure. Pour justifier la présence de cet ustensile inattendu elle répond: "J'aime avoir les parties
génitales propres"! Et avec tous les sujets que doivent aborder nos deux investigateurs il y a de quoi faire et rire! L''exploitation, l'érotisme blasé, l'industrie du crime dans la prostitution, les maisons de massages et leurs dérivés, les maladies vénériennes, le sadomasochisme, le commerce du sexe... en sont quelques exemples mais ils ont aussi des livres à lire dont un sur la prostitution dans la littérature, le sexe déviant, l'homosexualité et les minorités sexuelles... . Un joli programme qu'ils vont se faire un plaisir d'étudier entre deux interviews, quelques plongées dans les milieux qu'ils étudient, bon nombre de débats et pas mal de déboires car ces investigations ne sont pas toujours sans risque d'où de
régulières apparitions du commissaire de police qui ne fait jamais que son travail: arrêter et interroger.
Nous voilà parti pour 90 minutes d'illustrations en tout genre durant lesquelles nos péripapéticiennes vont parler de leur quotidien, leurs motivations, leurs clients et leurs désirs et fantasmes parfois bizarres, leurs rapports avec l'argent, leur famille... Des experts et autres sociologues tentent d'expliquer pourquoi ces filles deviennent des prostituées tout en donnant dans le sérieux puisqu'ils citent même Madame Bovary comme exemple ou encore Nietschze, Dostoievski, Pascal... et bien sûr notre bon vieux Freud pour parler de
fellations et de cunnilingus, deux pratiques que seules des putains peuvent exécuter, et de la dégradation de l'être humain qui se vautre dans le sexe donc le mal être! Et ce sont les mondaines, le grand monde qui est le plus exposé au vice du sexe, à ce qu'ils appellent la psychopathie du sexe! La prostitution est la porte ouverte à tous les maux. Les conséquences sont inimaginables. Pour imager cette terrible découverte nos étudiants plongent dans le monde des déviances: un homme qui aime embrasser les pieds, un autre qui fait couler sensuellement de la cire sur le corps d'une femme, une femme qui aime manger un hamburger durant l'acte... sans oublier la zoophilie! Pour illustrer le sujet, un
homme vêtu d'un peignoir zébré qui de retour d'un safari fait désormais l'amour avec une peau de tigre sous laquelle se cache une pute féline. Il a simplement fait un transfert qui a fait naitre en lui un désir de domination animale! L'exploration continue avec les filles punies pour avoir désobéi à la loi du milieu, la permissivité sexuelle dans les pays étrangers (ailleurs c'est toujours mieux, on peut même aller au casino miser auprès de croupières topless!), les relations pré-maritales (l'occasion pour le fiancé de Monique de lui faire l'amour malgré son refus les sex-parties mondaines (un grand moment d'hilarité avec ces quatre participants dont un noir pour faire plus exotique qui assis sur un ballon sauteur
traversent à demi nus un salon cossu!), les drug-parties (très certainement la séquence la plus psychédélique et envoutante du film, une femme qui après avoir pris des acides hallucine sur un coussin rouge en plastique avant d'entrer en transe sur fond de musique hindoue).
Epoque oblige impossible de ne pas parler de féminisme et de libération sexuelle. C'est d'ailleurs sur ces thèmes que se clôture Erotikon. Leurs investigations terminées, nos étudiants peuvent faire la fête. On danse, on jerke sur fond de psychédélisme avant de feindre une immense partouze. Bruno se lance alors sur un long discours sur l'amour
universel et la liberté, celle que cherche la jeunesse des années 70, son refus du système. L'amour comme le sexe c'est la porte sur la liberté, l'entente entre tous les êtres humains. C'est à la jeunesse de montrer l'exemple et d'offrir de l'amour. Faites l'amour pas la guerre. Oui nous sommes en 1970. Et on aime ça!
Erotikon est un pur produit d'époque tout empreint de la philosophie, des idées, du climat libertaire et contestataire de ces années. On appréciera donc l'état d'esprit qu'il véhicule pour le peu qu'on en soit adepte. En tant que mondo il ne vaut guère plus qu'un autre du genre et il est tout aussi daté, hilarant et grotesque dans ce qu'il montre et explique. Quant aux
déblatérations toujours aussi solennelles de la voix off elles sont tout autant hilarantes. Avec de tels propos nos étudiants pourraient décrocher un diplôme ès n'importe quoi en terme de psychologie et de sociologie. Mais il faut néanmoins avouer que le mondo de De Agostini est surement un des plus classieux. Certes on rit beaucoup mais on sera surtout frappé par le soin apporté à l'image, à la photographie, à la mise en scène, une qualité qu'on retrouvera dans Les nuits rouges de la gestapo qui faisait du film un nazisploitation un peu à part dans la production d'alors. A ce niveau Erotikon est purement flamboyant, une véritable petite merveille esthétique qui chatouillera l'oeil, séduira, fascinera tous les amoureux des années
70. Un vrai défilé de mode, de style, de maquillages extravagants, un show-room de décorations psychédélico-futuristes multicolores "so flashy".
La distribution est tout aussi intéressante et alléchante. En tête d'affiche on retrouve une majestueuse Paola Tedesco (L'évangile selon St Mathieu, Satyricon, Boccaccio...) dans le rôle de Monique. Son acolyte est interprété par le filiforme et séduisant français Bruno Garcin qui fit grande carrière à la télévision par la suite. Il rivalise avec un autre français, Danïel Sola (le fiancé de Monique) dont la beauté "à la Delon" illuminera deux ans plus tard
le thriller Vergogna schifosi! de Mauro Severino. Ils sont entourés d'une pléiade d'actrices toutes plus superbes les unes que les autres qui n'hésitent pas à se dénuder gentiment, un des buts premiers de ce type de mondo: montrer de la nudité sous couvert éducatif. On citera notamment Lea Lander, Rosita Torosh et Enrica Bonaccorti. On remarquera la présence de Luciano Rossi, le client bigleux de la séquence "sexe sous acides".
Dans l'univers du sex mondo Erotikon est une petite bulle de fraicheur, un bonbon acidulé aussi pétillant que l'époque et les belles d'amour qu'il décrit.