Venerdi nero
Autres titres: Dark friday
Réal: Aldo Lado
Année: 1993
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 87mn
Acteurs: Silvia Cohen, Robert Egon, Daniele Antonelli, Zoe Scott, Paolo Calissano, Mary Dicorato, Bruno Billy, Peter Palladino, Val Barberis
Résumé: Un vendredi soir Mary et Anne rencontrent dans un restaurant deux fils à papa, Luke et Allen, qui les draguent. Ils leur proposent une virée en voiture. Une femme que Luke a séduit les accompagne. Très vite Luke fait un détour pour se rendre à sa villa qui serait entrain d'être cambriolée. Les deux jeunes femmes se retrouvent prises en otages par les trois bourgeois qui vont jouer avec elles à un jeu sadique dont ils vont vite perdre le contrôle. Une longue nuit de terreur commence alors...
Ce sont bel et bien les années 70 qui furent pour Aldo Lado ses plus glorieuses puisqu'il réalisa quelques un des fleurons du thriller à l'italienne comme Je suis vivant!, Dernière chance, Qui l'a vue mourir sans oublier Le dernier train de la nuit. Les années 80 lui furent moins chanceuses. Il signe un intéressant drame de guerre La désobéissance qui ne rencontra pas le succès escompté avant de se tourner essentiellement vers les productions télévisées avant de revenir vers le grand écran à la fin de la décennie puis dans les années 90 en signant quelques pellicules sans grand intérêt. Venerdi nero, réalisé en 1993, en fait
partie. Ce qui devait être à la base un remake moderne du Dernier train de la nuit fut en fait un des plus gros flop de la Futura film qui le produisit.
Anne, enceinte de trois mois de son fiancé, un policier, et son amie Mary vont un triste vendredi soir dans un Luna park puis au restaurant afin de se changer les idées et s'amuser un peu. Après avoir été prise à partie dans une rixe elles peuvent enfin savourer leur soirée. Ils font la connaissance de deux jeunes bourgeois, Allen et Luke, qui finalement les invitent à passer le reste de la soirée avec eux. Une femme simplement nommée Lady appartenant visiblement à la haute société se laisse draguer par Luke et couche avec lui
dans la voiture d'Allen. Elle finit par les accompagner dans leur virée nocturne. Très vite Luke dévie du trajet prévu pour soi-disant se rendre à sa villa qu'on serait entrain de cambrioler. Arrivés à la villa il invite le groupe à rentrer chez lui le temps de tout vérifier. Commence alors un jeu sadique orchestré en fait par les deux garçons et la femme. Mary et Anne sont leurs jouets. Mais est-ce une plaisanterie macabre comme ils le prétendent où sont ils de dangereux meurtriers? Mary trouve la mort. Anne est désormais seule entre les mains de ses trois bourreaux, enfermée dans la villa devenue un gigantesque piège. Dépassés par les évènements les trois bourreaux décident de se débarrasser d'Anne. Son fiancé arrive au
moment où ils s'apprêtent à la tuer...
Venerdi nero est né de l'envie de l'épouse d'Aldo Lado de produire un film et du désir de quelques producteurs étrangers de faire un remake du Dernier train de la nuit. Malgré ses réticences Lado s'est laissé convaincre et a finalement accepté le projet que devait distribuer un de ses amis producteurs. Rien ne se passa comme convenu et après cinq semaines de tournage cet ami que Lado n'a jamais voulu nommer a refusé de le distribuer. Lado s'est retrouvé sur la paille et Venerdi nero, produit par la Futura film, n'est jamais sorti sur les écrans ni en Italie ni à l'étranger. Très affligé par cet échec Lado décida de mettre fin
à ses activités de producteur mais aussi de metteur en scène après un ultime film en 1994 La chance. La destinée du film fut-elle finalement un mal? Réponse mitigée. Les déboires du pauvre metteur en scène expliquent peut-être la platitude de ce thriller qui a tout d'un téléfilm horrifique dans lequel Lado a donc repris les grandes lignes de son Dernier train de la nuit en les adaptant aux années 90. Les nouveaux riches qui dans la première version étaient les victimes sont aujourd'hui les bourreaux présentés sous la forme de deux jeunes fils à papa qui pour tromper leur ennui et leur triste vie bourgeoise s'adonnent à des jeux sadiques qui mêlent sexe et violence, et d'une Lady cruelle shootée à la morphine qui
attisent leurs pulsions sexuelles et trouvent en eux un moyen d'exprimer ses propres instincts animaliers. Leurs victimes sont deux jeunes filles, deux prolétaires (les bourreaux du premier film) attirées par le faste et l'argent. Les bases, intéressantes, sont jetées, le résultat, lui, n'est pas réellement convaincant.
Les trente premières minutes sont d'une telle platitude que l'ennui pourrait presque submerger le spectateur frappé par la pauvreté de l'ensemble. Un Luna park de quartier, un restaurant-club classieux mais peu enivrant, des personnages fades, des dialogues pas très accrocheurs, Venerdi nero débute de manière bien terne et ne donne guère envie d'aller
plus en avant. Il faut attendre que les cinq protagonistes arrivent à la villa située près de la mer pour que le film prenne enfin sa vitesse de croisière et finalement intrigue. La villa surnommée "la villa près des dunes", référence à la Dernière maison sur la gauche mais aussi La maison au fond du parc, devient le lieu unique de l'action où les deux jeunes filles vont être la proie d'un jeu sadique. Voilà bien le véritable intérêt du film. Est-ce une plaisanterie de très mauvais gout dont elles sont victimes ou ces trois jeunes bourgeois sont-ils de vrais tueurs en force prêts à les massacrer? Tout repose sur cette interrogation, la curiosité parvient à tenir en haleine et cela permet à Lado d'entretenir un peu de suspens.
Il ne faut cependant pas s'attendre à un déluge de violence graphique et d'effets sanglants. Nous sommes dans les années 90, Lado reste sage. Tout se joue sur une nuit, dans l'obscurité des lieux, quelques bons coups et corps à corps entre geôliers et victimes et la mort de Mary. Rien de plus mais dans un climat d'épouvante basique assez bien entretenu. Cela suffit pour retenir l'attention même si les moins tolérants trouveront cela vite lassant et répétitif.
Au crédit du film également son interprétation professionnelle et convaincante en tête Daniele Antonelli (Allen), acteur éphémère vu auparavant aux cotés de Valentine Demy dans
l'érotique Maitresse, et Silvia Cohen (Lady), parfaite dans son rôle à qui elle apporte un peu de consistance psychologique, une qualité qui explose lors de son long monologue sous morphine sur la douleur. Elle se substitue aisément à Macha Méril du Dernier train. On sera également content de revoir l'androgyne Robert Egon (Luke), l'inquiétant nazi des Fantômes de Sodome découvert auprès de Florence Guérin dans Profumo, dont ce sera l'ultime prestation, une performance honnête même si son rôle est là encore trop peu défini. Mal dessinés tous manquent en effet de profondeur et ne dépassent jamais le simple stade du stéréotype. Difficile ainsi de comprendre leurs agissements, leurs réactions, leurs
motivations, de donner un sens social à l'intrigue. Certes ce n'était qu'un jeu pervers dont ils ont perdu le contrôle comme seule la bourgeoisie peut en inventer pour tromper son ennui mais on reste sur sa faim cette fois. Et ce n'est pas le final précipité et sans surprise (frustrant?) qui changera quoi que ce soit à une histoire qui prend l'eau de toutes parts, gâchée de surcroit par un montage parfois approximatif, bon nombre d'invraisemblances, incohérences et autres points franchement ridicules qui prêtent à sourire. Et les errances en moto du policier-fiancé (la star des soap italiens Paolo Calissano) et son intervention délirante en fin de bande n'en sont que la cerise sur le gâteau.
Dans l'univers désolant du cinéma de genre italien en ce début d'années 90, quasi inexistant, Venerdi nero aurait pourtant pu être une petite exception, une pellicule atypique qui possédait tous les éléments pour en faire un sympathique thriller horrifique. Reste une simple curiosité certes ratée mais divertissante qui fonctionne pour le peu qu'on ne soit pas trop exigeant. Quoiqu'il en soit vu sa rareté aujourd'hui tout collectionneur se réjouira de la posséder sur ses étagères et saura l'apprécier à sa juste valeur.