Silvia e l'amore
Autres titres: Silvia et l'amour / Sylvia et l'amour / Silvia y el amor
Real: Sergio Bergonzelli
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Sexy mondo
Durée: 81mn
Acteurs: Anna Maria Rosati, Angelo Infanti, Ugo Adinolfi, Mavie Bardanzellu, Nicola Giarmoleo, Gianni Pulone, Sarah Ross...
Résumé: Le réalisateur nous propose un reportage sur la femme en cette fin d'années 60, sur sa place dans une société en pleine émancipation et révolution sexuelle ainsi que sur la sexualité de manière plus générale, L'ensemble est illustré par un couple, Silvia et Pierre, une infirmière et un journaliste, qui se sont rencontrés lors d'une manifestation féministe...
Disparu discrètement en 2002, totalement oublié de ses pairs, Sergio Bergonzelli a entre 1960 et 1990 réalisé une vingtaine de films certes mineurs mais tous concoctés avec professionnalisme et entrain, suffisamment intéressants pour faire de leur auteur un incontournable du cinéma de genre. Après une série de films d'aventures, de westerns et un giallo aussi tordu que mémorable (Dans les replis de la chair) Bergonzelli se tourne dés 1972 vers l'érotisme à travers la comédie salace avant de faire son entrée en 1980 dans la
pornographie. Quelques années avant cette entrée dans l'univers du sexe le metteur en scène s'était laissé tenté par un genre alors très à la mode, le sex mondo, le faux film documentaire à caractère sexuel qui sous couvert didactique n'était qu'un joli prétexte pour parler de sexualité, d'érotisme tout en montrant ce que d'autres films ne pouvaient montrer en ces temps encore bien prudes. Ainsi est né Silvia et l'amour, très inspiré de Helga de l'allemand Erich F. Binder sorti l'année précédente, énorme succès au box office qui donna donc à Bergonzelli l'idée de refaire le film à sa façon. Ce n'est donc pas pour rien qu'on peut admirer l'affiche de Helga au début du film.
Tout comme Helga donc et bien d'autres sex mondo sorti en cette fin d'années 60, ce début d'années 70 Silvia et l'amour parle de la femme dans notre société actuelle et d'éducation sexuelle. C'est même un long cours d'éducation sexuelle de 90 minutes avec théorie et pratique non pas joué par des anonymes comme bien souvent même si ceux ci sont cependant présents lors d'interviews, de reportages, de scènes réelles, mais par des acteurs. Le film s'ouvre comme bien d'autres du même style sur la situation de la femme dans notre monde occidental en cette fin de décennie. Elle s'émancipe, elle ose. On assiste à des choses encore impensables quelques années plus tôt nous dit la voix-off sur ce ton
toujours aussi solennel qu'hypocrite mais si drôle. La femme grimpe au plus haut de l'échelle sociale. Elle est ouvrière spécialisée, championne sportive, actrice (avec pour illustration notre walkyrie Brigitte Bardot), scientifique, encore plus fort elle va dans l'espace. Elle cherche à être au top de sa beauté, se met du rouge à lèvre, du déodorant, se tatoue, se maquille et si le chien est le meilleur ami de l'homme il devient aussi celui de ... la femme! Incroyable! La femme n'est plus une esclave elle est aujourd'hui mondaine, bourgeoise et même reine comme cette chère Elisabeth. Encore plus hallucinant: elle met des contraventions aux hommes! Elles sont intellectuelles, fument le cigare, font la révolution
mais sont elles malgré tout l'égale de l'homme? Non, impossible nous rassure un professeur car la femme est vouée à la maternité, son rôle premier! Ouf! On respire!
Puis arrivent les premiers mouvements féministes déjà parfaitement ridicules représentées ici par des réunions ébouriffées (recréées en studio) où on se crêpe le chignon entre féministes et femmes libérées, une bonne occasion de parler avortement, rapports sexuels, contraception et mariage ainsi que de la vraie place de la femme au foyer. On reconnait les grands mouvements de pensées d'alors entre libération et liberté sexuelle et conservatisme. La pilule et l'avortement rejetés par l'Eglise, le pape et les mouvements catholiques, pour les
autres c'est un grand pas pour l'humanité. D'un coté la femme est condamnée à rester au foyer et à se limiter à son rôle de procréatrice, de machines à enfants. De l'autre elle veut travailler, sortir, être libre de son corps et ne pas penser au mariage. Les deux camps s'affrontent, s'invectivent, hurlent, ces messieurs s'en mêlent. Parmi eux Silvia, une infirmière, et Pierre, journaliste, un peu débordés par les évènements semble t-il préfèrent quitter la salle, font connaissance, se mettent en couple et se marient. Quelques interviews sur la plage puis parmi des groupes de jeunes hippies, une jeunesse totalement libérée qui entre deux joints répond à la fameuse question quant à l'âge du premier rapport sexuel, ce que le
sexe représente à leurs yeux, le mariage... Et nos jeunes en cette fin de décennie veulent s'amuser et en profiter. Adieu virginité. Mieux grâce à la pilule de Wilson la femme vieillira moins vite et plaira donc plus longtemps. Et un conseil toujours très agréable à prendre: faire l'amour après avoir consommé des produits stupéfiants décuple les sens et les sensations, des propos impensables aujourd'hui qui feraient frémir Dame censure et la bonne morale. En guise d'illustration une superbe sex and drug party, une orgie psychédélique multicolore sur fond d'images délirantes hallucinogènes et de musique rock planante.
Mais le gros noyau du film reste tout de même l'éducation sexuelle et la procréation. La
majeure partie de Silvia e l'amore est donc un long cours où à l'aide de schéma, de dessins, de planches on nous explique comment se présente et fonctionne l'appareil génital mâle et l'appareil génital femelle, comment le spermatozoïde pénètre dans l'utérus, féconde une ovule, comment se développe le foetus et bien sûr comment se déroule un accouchement avec moult scènes de mise bas du bébé dont une par césarienne, moins chirurgicales et cliniques que la plupart des sex mondo certes mais suffisamment détaillées malgré tout pour répugner et nous conforter dans l'idée qu'il n'y a pas pire chose à laquelle assister qu'un accouchement. Une bonne manière joliment hypocrite surtout pour filmer les parties
intimes de la femme et satisfaire ainsi nos instincts voyeurs. Il faut bien que ces parturitions servent à quelque chose. Et comme ce type de films n'est jamais exempt d'humour on assiste à une série de questions que les femmes se posent à l'accouchement: mon bébé est il vivant? mon bébé est il normal? Les réponses sont bien entendu illustrées de manière hautement ridicule avec en prime un mini cours sur la trisomie ou comment deux chromosomes du même type se retrouvent dans l'ovule, croquis à l'appui, une série de photos morbides de foetus monstrueux et difformes conservés dans du formol et l'idée de la création d'une race pure avec des stock-shots d'Hitler et des camps de la mort. Attention interrogation écrite après le film les enfants!
Nous n'oublions pas notre jeune couple Silvia et Pierre qui s'aiment très fort, entourés de leurs amis. Eux aussi s'aiment et se posent des questions, perdus dans cette société en pleine mutation. Ils ont des problèmes de couple, la femme ne veut pas toujours faire l'amour, elle est fatiguée ou a été violée dans son enfance donc frigide (!!!), parfois c'est l'homme trop préoccupé par son travail, si préoccupé qu'il peut faire une crise cardiaque durant l'acte. Méfiance! Comble de malheur, Silvia est atteinte d'une légère infirmité qui pourrait l'empêcher d'avoir des enfants. Mais ils en veulent, objectif de tout couple. Finalement Silvia tombe enceinte et on assiste à son accouchement en fin de métrage. Pas
un rejeton mais deux! Pierre sera prévenu lors d'un barbecue!
Gros succès en Italie lors de sa sortie, discrètement diffusé en salles en France deux ans après sa réalisation, ce voyage intime dans le monde de la femme comme l'indique le slogan est un exemple de cinéma-vérité, de pseudo sexy reportage aussi désuet que hilarant par instant, parfaitement misogyne dans ses propos, forcément jouissif par conséquent. Cet inénarrable machisme dans lequel baigne le film, ses dialogues improbables et si délicieusement stupides, ses idées ultra datées, ses fausses interviews et interventions de pseudo professeurs qui lui donnent une certaine crédibilité scientifique, le jeu forcé d'acteurs
qui romancent au maximum les problèmes de couple, ses séquences délirantes de débilité (la danse de la fécondation, le ballet romain d'Adam et Eve, le viol d'une fillette à couettes par un pervers rougeaud qui lui offre un caramel dans sa 2cv, la crise cardiaque...), son orgie psychédélique sur fond de musique rock (I feel I can get high) font de ce long cours d'éducation sexuelle un sex mondo aussi léger que drôle très agréable à suivre même s'il n'est pas très graphique. Ironique, naïf, enjoué, pétillant, terriblement machiste Bergonzelli avec Silvia et l'amour réussit brillamment son entrée dans l'univers du mondo, une expérience qu'il renouvellera l'année suivante en explorant cette fois les mystères du sexe
avec ses Dieci meraviglie dell'amore.
A l'affiche seul Angelo Infanti (Pierre), irrésistible ici avec son look bon chic bon genre pré-Travolta, devrait parler à l'amateur puisqu'il devint par la suite une valeur sûre du cinéma de genre italien. Il sera également aux crédits des Dieci meraviglie dell'amore. A ses cotés la blonde Anna Maria Rosati interprète Silvia. Cette ex-modèle connaitra son heure de gloire trois ans plus tard puisqu'elle sera une des protagonistes de La baie sanglante de Bava avant d'entamer une brève carrière de chanteuse puis de disparaitre. Autour d'eux quelques noms génériques qui passèrent leur vie à jouer les figurants tels Ugo Adinolfi et Gianni Pulone sans oublier l'ex-danseuse Mavie Bardanzellu vue dans Pelle di bandito, Beatrice Cenci et Una storia sarda avant de mettre un terme définitif à sa carrière en 1973.