I cannibali
Autres titres: The cannibals / Les cannibales / The year of the cannibals
Real: Liliani Cavani
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame / Fantastique
Durée: 84mn
Acteurs: Britt Ekland, Pierre Clementi, Tomas Milian, Delia Boccardo, Marino Masé, Francesco Leonetti, Cora Manzoni, Alessandro Cane, Francesco Arminio, Giancarlo Caio, Sergio Serafini, Giampiero Frondini, Carla Cassola...
Résumé: Milan. Un futur non identifié. La ville est désormais sous la dictature d'un gouvernement fasciste. Les rues sont jonchées de cadavres tués par la milice pour avoir désobéi. Nul n'a le droit de les toucher ou les déplacer sous peine d'être immédiatement abattu. Pourtant Antigone avec l'aide de Teresa, un jeune étranger parlant un langage nouveau, va désobéir et enlever les corps. Ils les mettent à l'abri dans une grotte et les nourrissent de pain et de poissons. Traqués et torturés par la milice afin qu'ils avouent leurs méfaits ils seront à leur tour tués alors que, dégoûté par cette politique, le fils du Premier Ministre souhaite régresser au rang d'animal. D'autres insoumis prennent alors le relais d'Antigone...
Venue de la télévision et plus précisément du documentaire, Liliana Cavani signait là son troisième long métrage qui n'est jamais qu'une adaptation de la pièce de Sophocles, Antigone, transposée dans une société totalitaire futuriste comme on aimait en imaginer dans le cinéma des années 70.
Malgré son titre qui pourrait faire imaginer au novice un film sur les excès horrifiques d'une quelconque tribu anthropophage, I cannibali est avant tout une allégorie politique radicale, une vision pessimiste d'une société future régie par le totalitarisme. Par cannibalisme, il faut comprendre ici non pas l'acte de manger son prochain mais y voir une forme de cannibalisme intellectuel, celui qui ronge et dévore les esprits, annihile la personnalité et fait de l'humain un docile esclave, un zombi obéissant et lobotomisé.
Cavani nous plonge au coeur d'un futur glacial dans une nouvelle Metropolis, ici Milan, où un gouvernement fasciste, contre-révolutionnaire et militaire, réduit le peuple en morts-vivants qu'il asservit par la répression d'une part mais aussi par des méthodes scientifiques qu'on peut assimiler à des tortures mentales ou physiques. Les cadavres qui jonchent les rues et les trottoirs sont le symbole de la résistance écrasée. Ils montrent ainsi l'exemple d'où l'interdiction de les déplacer ou de simplement les toucher. Ils sont la représentation du Mal et de la peur.
I cannibali regorge de symboles et d'allégories littéraires, cinématographiques et surtout religieuses et évangélistes. Le film est presque entièrement composé d'une série de tableaux tous plus symboliques les uns que les autres.
Le personnage de Teresa, jeune étranger au corps squelettique et aux cheveux longs surgi de nulle part et parlant un langage neuf, pourrait être un nouveau Christ, un sauveur, un berger qui ressemble étrangement à tous ces cadavres et qui se rebelle contre l'Ordre en corrompant le peuple. Il mange du pain et pêche du poisson, nourriture qu'il donne également aux cadavres qu'il entasse dans une caverne. Elle pourrait être celle où le Christ ressuscita. L'étranger est forcément une menace, celui qui doit être traqué et tué au même titre que ses disciples, ici la belle Antigone.
Abattu en pleine rue alors qu'il apporte la bonne parole, son oeuvre sera malgré tout perpétuée par d'autres insoumis comme les disciples du Christ continuèrent son
I cannibali peut être également vu comme une métaphore sur l'asservissement caractérisé par Haimon, le fils du Premier Ministre, qui réalise les horreurs de son père et préfère aller contre lui et ses agissements. Il choisira l'internement dans un asile, souhaitant devenir un animal plutôt que de vivre en tant qu'humain dans de telles conditions.
Le film de Liliana Cavani fait sans aucun doute partie de ce genre de films intellectuels et philosophiques typique d'un certain cinéma d'auteur trés à la mode dans les années 70 auquel la réalisatrice appartenait. On y retrouve malheureusement tous les défauts de ses futures oeuvres dont cette prétention parfois pompeuse et redondante. De ce fait, son film peut facilement ennuyer, aggravé par le coté théâtral de la récitation, voire faire sourire ce qui pourtant n'est pas son but premier. La force émotionnelle et politique du film s'en trouve donc amoindrie ce qui est ici navrant.
De cette étrange allégorie politico-religieuse fortement décalée, on retiendra surtout une trés bonne interprétation des deux acteurs principaux, jouant une partie du film nus. La blonde Britt Ekland se glisse dans la peau de la belle Antigone tandis que le pasolinien Pierre Clementi, un des comédiens français les plus névrosés et torturés d'alors, véritable zombi christique, incarne Tiresa. On notera la présence de Tomas Milian qui interprète ici Haimon, le fils du Premier ministre.
On soulignera la trés belle composition musicale signée Ennio Morricone tandis que la chanson du générique interprétée par Don Powell, I eat cannibals, risque de trotter encore longtemps dans la tête du spectateur de par sa mélodie envoûtante.