Un posto tranquillo di campagna
Autres titres: Un coin tranquille à la campagne / A quiet place in the country
Real: Elio Petri
Année: 1968
Origine: Italien
Genre: Thriller
Durée: 102mn
Acteurs: Franco Nero, Vanessa Redgrave, Georges Geret, Gabriella Grimaldi, Madeleine Damien, John Francis Lane, Rita Calderoni, Arnaldo Momo, Renato Menegotto, Otello Cazzola, Sara Momo, David Maunsall...
Résumé: Leonardo est un artiste fou amoureux de sa manager, Flavia. En manque cruel d'inspiration, il ne parvient plus à créer. Il vit dans un monde bien à lui, partagé entre rêves et réalité ce qui crée des tensions entre lui et Flavia. Un jour il tombe sous le charme d'une vieille maison de campagne dans laquelle il décide de s'installer. Rapidement, des évènements étranges se produisent et font fuir Flavia. Leonardo mène son enquête et découvre que jadis une jeune comtesse nymphomane d'une étonnante beauté y est morte à l'âge d'environ 14 ans. Il semblerait que son fantôme hante la maison. Un de ses innombrables amants va lui conter ses derniers jours...
Réalisé en 1968 alors que Elio Petri n'est pas encore au zénith de sa carrière, Un posto tranquillo di campagna est une allégorie sur le rôle de l'artiste dans la société actuelle, un délire à la limite du film expérimental qui va progressivement glisser vers le thriller fantastique plus classique. Dire que le film de Petri, présenté au Festival de Berlin en 1969, risque de dérouter le spectateur est un euphémisme puisque sa première partie s'attache à décrire la folie d'un artiste peintre milanais excentrique, Leonardo, en manque d'inspiration. Il vit déchiré entre ses rêves, ses cauchemars et la réalité qu'il ne parvient plus vraiment à différencier. S'ensuit toute une série de séquences délirantes truffées de symboles, de clins
d'oeil à la fois cyniques et ravageurs sur notre société de consommation et le capitalisme qu'on aura parfois un peu de mal à interpréter. C'est toute la folie d'un artiste fou amoureux de sa fiancée et manager, désespéré par son manque de créativité et frustré par le marché de l'art, que Petri tente ici de mettre en images au risque de perdre le spectateur dans les méandres tortueux de l'esprit de son principal protagoniste, qui, égoïste, s'isole de plus en plus dans son univers sans jamais penser au mal qu'il fait à son entourage proche. Totalement farfelues, parfois drôles, ses projections pourront surprendre, on s'interrogera, on restera dubitatif, on y verra tout un tas de symboles jetés pêle-mêle tant et si bien que certains risqueront de décrocher assez vite d'autant plus que le montage accentue le coté anarchique de l'ensemble.
Un peu plus facile d'accès est la seconde partie du film à partir de l'instant où Leonardo emménage dans cette vieille maison de campagne délabrée pour laquelle il a eu un coup de foudre. Dés lors le film prend une autre direction et glisse vers le thriller classique à tendance fantastique. Si Leonardo pense y trouver à nouveau l'inspiration nécessaire afin de reprendre ses activités artistiques, s'il continue au grand désespoir de sa fiancée à délirer, il va désormais s'attacher à résoudre une énigme qui lui tient particulièrement à coeur jusqu'à devenir une forme d'obsession. En effet, très vite des phénomènes étranges se produisent dans cette masure isolée en pleine campagne. S'ils vont finir par faire fuir Flavia, Leonardo mène ses investigations et découvre de la bouche même des villageois que jadis, une jeune comtesse nymphomane d'une beauté indéniable y est morte de façon non expliquée à l'âge de quatorze ans. Meurtre, suicide, le mystère demeure. Si chacun pense avoir sa propre vérité tous s'accordent à faire l'éloge de sa gentillesse et de son incroyable beauté quelque ait été ses coupables activités sexuelles. C'est un de ses nombreux amants qui va lui donner sa vision des choses et lui conter le récit dramatique des derniers jours de sa courte vie.
Petri reprend alors son exercice de style en mélangeant de façon parfois dérangeante rêve et réalité, montre ou suggère sans jamais rien expliquer de façon claire ni même donner l'impression de savoir où il veut aller et conduire son spectateur. Le résultat semble alors n'avoir ni queue ni tête d'autant plus que le film s'achèvera sans avoir fourni de véritables explications. Totalement atypique, Un tranquillo posto di campagna, film adulé par son réalisateur, pourrait certes se rapprocher d'un certain cinéma auteurisant et intellectuel mais sa mise en scène un brin extrême, iconoclaste et expérimentale le rend trop hermétique et quelque peu indigeste pour qu'on puisse réellement accrocher à ce délire frénétique post soixante-huitard appesanti par des dialogues délirants. Finalement, Un tranquillo posto di campagna, oeuvre visuellement fascinante sur la schizophrénie de l'artiste moderne, est plus un essai pop psychédélique que Petri a tourné avec une très grande liberté. On retiendra donc outre la beauté visuelle du film sur lequel plane l'ombre de Ferreri, de Antonioni, de Avati, de Godard, son thème pointu, son coté intrigant, visionnaire et donc et attachant, ses décors hi-tech, son symbolisme et son originalité propre au cinéma des années 70. On appréciera également une partition musicale dissonante et improvisée signée Ennio Morricone.
Franco Nero incarne ce peintre en pleine crise de façon un peu trop crispée même s'il semble se donner à fond dans ce rôle mais son jeu semble aggraver encore plus l'hermétisme de l'ensemble. Certains pourront donc le trouver insupportable, d'autres génial. On préférera de loin l'interprétation de la toujours aussi belle Vanessa Redgrave, compagne d'alors de Nero, idéale dans ce type de film, à la fois sensuelle et altière. A leurs cotés on reconnaitra une Rita Calderoni pré-polsellienne, quelque peu statique.
Un posto tranquillo di campagna est un film qu'on prendra plaisir à redécouvrir, bien évidemment, mais si certains pourront y voir un chef d'oeuvre d'un certain cinéma italien à tendance intellectuelle, d'autres, passé le simple stade de la curiosité et de l'attrait visuel, s'ennuieront profondément. Chacun se fera sa propre opinion.