Delirio d'amore
Autres titres:
Réal: Tonino Ricci
Année: 1977
Origine: Italie / Espagne
Genre: Drame érotique
Durée: 73mn (version soft)
Acteurs: María José Cantudo, Alfredo Mayo, Macha Méril, Sergio Sinceri, Clara Urbina, Máximo Valverde, Karin Well...
Résumé: Une bourgeoise refuse de voir sa fille Marina épouser Giulio un petit gigolo. Malgré son interdiction Marina se marie tout de même à cet homme qu'elle aime. Furieuse sa mère échafaude un plan machiavélique avec l'aide de son amant et de l'ancienne petite amie de Giulio afin qu'elle divorce. Quant aux amis de Giulio ils le traitent désormais d"arriviste...
Lorsqu'on évoque Tonino Ricci peu de chef d'oeuvres nous viennent en tête. Petit tâcheron du film d'exploitation italien qui toucha à quasiment tous les styles cinématographiques, on doit notamment à Ricci un miséreux mais rigolo héroïc-fantasy, Thor le guerrier, et un tout aussi miséreux mais jouissif post-nuke, Rush, quelques pellicules horrifiques maritimes ou non, le soporifique Panic, Bermudes le triangle de l'enfer, La nuit des requins..., une version dispensable de Buck le loup, quelques comédies ratées (Kid monello del West, Storia di karate pugni e fagioli...). Ricci s'est essayé aussi au polar (Homicide parfait au terme de la loi, son meilleur film) et même à l'érotisme comme en témoigne Delirio d'amore réalisé en 1977 juste avant sa période squales.
Bianca, une ambitieuse bourgeoise, souhaite que sa fille Marina épouse un homme riche qui la rende heureuse et fasse surtout honneur à la famille. Malheureusement Marina ne voit pas les choses de la même façon. A l'occasion d'une soirée débridée elle fait la connaissance de Giulio, petit gigolo qui sort avec une chanteuse de basse vertu, Elisabetta. Marina est très vite séduite par Giulio qui quitte Elisabetta pour ses beaux yeux. Ils tombent amoureux et durant une nuit sur l'oreiller Giulio lui fait promettre de l'épouser. Marina accepte. Sa mère n'acceptera jamais cette union qu'elle va tout faire pour briser tandis que les amis de Giulio le traitent d'arriviste. Bianca échafaude alors un plan machiavélique pour
que sa fille divorce. Elle demande à Alberto, son amant, de séduire Elisabetta que Giulio continue de voir. Elle fait prendre des photos compromettantes où on les voit ensemble. Malgré les photos Marina s'accroche à son mari qu'elle voit s'éloigner de plus en plus. C'est alors que l'oncle de Marina ne supportant plus de voir sa nièce si triste, révèle à son mari le plan diabolique de Bianca. Giulio se précipite chez Elisabetta pour régler ses comptes. Le couple va pouvoir enfin couler des jours heureux. Quant à Bianca, elle a tout perdu.
Au départ Delirio d'amore devait être une critique plutôt virulente sur la bourgeoisie qui fait bien souvent passer les intérêts et l'honneur bien avant l'amour. Faute de moyens, on devine
la misère du budget dont a bénéficié Ricci, Delirio d'amore ressemble surtout à un joli roman-photo que la ménagère en quête de rêve et les jeunes filles en fleur feuilleteraient au fond de leur cuisine ou alanguies dans leur belle chambre à coucher. Tous les éléments sont là, le décor déjà, une villa somptueuse, une jolie plage que chevauche au ralenti la douce héroïne sur fond de ciel bleu et les promenades que font Marina et son bel amant tout en se disant je t'aime. Il y a ensuite les personnages tous plus manichéens les uns que les autres, Marina, le douce demoiselle qui refuse d'épouser l'homme que lui a choisi sa mère, une femme riche et intransigeante qui ne voit que ses intérêts, son fiancé, un jeune bellâtre
qui voit là l'occasion de réussir en société s'il l'épouse, Elisabetta l'ex-petite amie du futur parvenu qui supporte mal d'avoir du rompre faute à cette petite fille de riches et enfin l'amant de la mère qui va jouer les maitre-chanteur. Ne manque plus que le plan machiavélique mis en place par la mère pour faire divorcer le couple qui s'est marié nonobstant son refus et le tour est joué. Nous avons le scénario parfait pour un quelconque épisode d'un quelconque soap opera. Tout va vite, très vite tout comme dans un soap là encore, on ne voit pas même pas les deux tourtereaux se marier, Ricci n'ayant certainement pas eu les moyens de filmer leurs noces. Les situations sont d'une simplicité exemplaire, aucun suspens à l'horizon, tout
est cousu de fil blanc et c'est sans surprise que les deux amoureux se jetteront au ralenti dans les bras l'un de l'autre en fin de pellicule sous le regard haineux de la mère après que le bellâtre, furieux, ait mis une droite à son amant, un grand moment d'hilarité convenons le. Ricci parsème l'ensemble de quelques réflexions sociales pour tenter de donner un brin de consistance à l'intrigue en vain tant on reste dans la superficialité. On retiendra cependant un discours particulièrement machiste qu'on ne pourrait plus se permettre aujourd'hui. Inquiet de sa relation avec Giulio, le meilleur ami de ce dernier conseille à Marina d'être une véritable épouse c'est à dire une femme aimante qui soit à la fois son amie, sa confidente,
sa mère(!), une femme qui le serve et surtout satisfasse ses désirs sexuels les plus intimes. Le sexe est le secret de toute réussite. Marina obéit donc et le soir même revêt son plus beau peignoir en satin et s'offre à son mari, subjugué.
Malgré sa banalité, malgré cette étonnante superficialité et son cruel manque de mordant Delirio d'amore a cependant un certain charme et se laisse visionner avec un certain plaisir coupable. Au crédit du film ses décors luxueux, clinquants, solaires mis en valeur par une jolie photographie, des moments par instant inattendus quelque peu anachroniques comme la soirée délurée à laquelle se rend Marina au début du film qui ressemble à une
acid party remplie de hippies libidineux aux tenues estampillées début années 70, les splendides musiques du trio Bixio-Frizzi-Tempera aux accents là encore très baba-cool sans oublier les quelques scènes érotiques filmées avec beaucoup de sensualité et de savoir-faire par un Ricci qui profite de la beauté de ses acteurs.
Les comédiens sont d'ailleurs l'ultime atout de cette petite bande. On saluera le choix de l'espagnole Maria José Cantudo pour le rôle de Marina. Maria José est belle et grâce à ce film elle devait être la nouvelle diva de l'érotisme ibérique. Malheureusement l'échec essuyé à sa sortie mit fin à ses espoirs et Maria José dut par la suite se contenter de simples
petites séries érotiques sans grand intérêt aujourd'hui bien oubliées et de téléfilms. Maximo Valverde est le viril Alberto, le jeune et séduisant Sergio Sinceri, un générique rarement crédité qui apparait dans une dizaine de films, est Giulio et trouve là son unique rôle de protagoniste. Macha Méril qui durant toute le film se contente de crisper la mâchoire, l'oeil révolver, est Bianca. Quant à Elisabetta elle est interprétée par l'incontournable Karin Well, toujours aussi nue et magnifique, de quoi ravir ses admirateurs même si elle provoquera aussi quelques fous rires. Karin joue en effet une chanteuse de club et nous offre deux inoubliables scènes de play-back ratées. Chanter et jouer de la guitare (même en play-back)
est un art qu'elle ne maitrise visiblement pas. Notons l'apparition du vétéran Alfredo Mayo dans le costume du vieil oncle. Il est important de signaler que si l'unique Franca Stoppi et son compagnon à la ville l'acteur de télévision et de théâtre Simone Mattioli sont crédités au générique ils sont pourtant absents du film. Lors d'une interview que nous avions fait avec Franca celle ci nous avait expliqué que son nom avait été simplement ajouté pour de simples raisons de production. Delirio d'amore étant une coproduction entre l'Italie et l'Espagne il fallait un certain quota de comédiens italiens à respecter quitte à tricher! Ni elle ni son compagnon n'ont participé au film.
Quant à l'érotisme aussi sensuel soit-il qu'on ne s'y trompe pas. Il n'est que très peu présent et se résume à quelques brèves scènes disséminées ça et là. Le film est également avare de nudité. Disons le de suite malgré un titre prometteur il n'y a aucun délire d'amour encore moins sexuel! Le film fut présenté et distribué en salles en deux versions, une soft réduite à 73 petites minutes et une hard à laquelle furent rajoutés de nouvelles scènes cette fois fortement pimentées ainsi que des inserts hardcore rallongeant l'ensemble de quelques vingt minutes.
Devenu quasiment invisible au fil du temps, oublié des distributeurs vidéos encore plus des
éditeurs numériques Delirio d'amore est aujourd'hui un petit Graal pour tout collectionneur de raretés. Il n'existe que très peu de copies de cette polissonnerie italo-ibérique, toute plus médiocres les unes que les autres, ce qui en fait un objet de curiosité et de recherches pour l'amateur. De la sensualité, de très beaux décors, un petit coté années 70 fort séduisant, une musique superbe, une brochette d'acteurs qu'on a toujours plaisir à voir, voilà de quoi apprécier ce douillet petit roman-photo. C'est toujours mieux qu'un épisode d'Amour gloire et beauté!
Ricci tournera quasi simultanément un autre film érotique, avec la même équipe et les mêmes acteurs, Pasion, pellicule rarissime quasi introuvable aujourd'hui, ou l'histoire d'une jeune fille (Cantudo) qui pour faire plaisir à son mari accepte de se livrer avec lui aux plaisirs orgiaques.