Eden no sono
Autres titres: Il giardino dell'Eden / The garden of Eden / Der garten Eden
Real: Yasuro Masumura
Année: 1980
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 106mn
Acteurs: Ronni Valente, Leonora Fani, Antonella Lualdi, Massimo Serrato, Angela Goodwin, Guido Mannari, Loris Zanchi, Sergio Valente, Massimo Rinaldi
Résumé: Alessandra a 17 ans. Elle étudie aux Beaux-Arts. Issue d'une famille bourgeoise dont elle se sent prisonnière elle se laisse séduire par Michele, un jeune voyou du même âge qui pour survivre vit de menus larcins. Très amoureux de la jeune fille Michele envisage de fuir avec elle afin de débuter une toute nouvelle vie. Il l'emmène sur une plage isolée, loin de tout, où ils décident de se cacher afin de vivre leur amour. Le frère de Michele décide alors de profiter de la situation. Il fait croire qu'il a kidnappé la jeune fille et demande à sa famille une grosse rançon...
Né au japon Yasuro Masumura, un passionné de culture italienne, fit ses études de cinéma à Rome. Il n'est donc pas étonnant qu'il ait fini par réaliser un film au pays de Dante. Chose faite en 1980 avec Eden no sono également connu sous le titre Il giardino dell'Eden. Masumura ne fut pas une exception puisque l'année précédente un autre réalisateur japonnais, Masuo Ikeda, avait déjà tourné en Grèce une coproduction italo-nipponne, le morbide Dedicato al mare Egeo avec Olga Karlatos, Ilona Staller, Stefania Casini et le séduisant Claudio Aliotti.
Alessandra, 17 ans, est étudiante aux Beaux-Arts à Rome. Elle est issue d'une famille conservatrice de la haute bourgeoisie. Elle souffre d'être toujours considérée comme une petite fille par ses parents hyper protecteurs et se sent prisonnière dans leur immense maison, sans cesse surveillée par le chauffeur. Michele a lui aussi 17 ans. il vit dans une cabane dans la banlieue de Rome avec sa mère, la veuve d'un pêcheur, et ses deux frères Alfio l'ainé et Salvatore le cadet. Pour survivre Michele vole des portes-feuilles et donne l'argent qu'ils contiennent à sa mère. Un jour il dérobe celui de Alessandra mais il ne contient que ses papiers. Furieuse sa mère lui reproche son étourderie et sa mauvaise volonté. En
découvrant la photo de la jeune fille Michele en tombe de suite amoureux et décide de lui rendre son bien. C'est le début d'une idylle entre les deux adolescents. Michele pense alors fuir le toit familial et vivre définitivement avec Alessandra, loin de tout. Sans rien lui dire il l'emmène à moto sur un coin de plage isolée, à l'abri de tout regard, et lui fait le coup de la panne au moment de repartir. Alessandra se retrouve bloquée avec Michele, contrainte de rester à ses cotés. Tout d'abord furieuse elle finit par accepter la situation, apprécier la compagnie du jeune garçon à qui elle offre sa virginité. Follement épris l'un de l'autre ils vivent nus sur cette plage, profitent de la nature et promettent de ne jamais se séparer.
Conscients de la situation ils projettent cependant de revenir à la civilisation et de se marier contre vents et marées. C'est alors que Alfio les retrouve. Comptant bien profiter de la situation Alfio échafaude un plan machiavélique avec sa mère et son frère Salvatore: prétendre qu'ils ont kidnappé Alessandra contre une très forte rançon. Les parents de la jeune fille, morts d'inquiétude, acceptent de payer. Lorsque les deux adolescents apprennent ce que Alfio a fait il est trop tard. La police a cerné la plage. Terrorisé à l'idée d'être accusé du kidnapping Michele panique. Il tente de fuir après avoir blessé Alfio et pris en otage Alessandra. Il est finalement arrêté. La vie reprend son cours pour Alessandra, incapable de
supporter à nouveau ses parents et l'absence de Michele. A bout elle annonce finalement qu'elle est enceinte du jeune homme et qu'il est hors de question qu'elle avorte. Elle quitte le domicile familial, trouve un petit travail et une chambre en ville, bien décidée à attendre que Michele sorte de prison.
Au vu du scénario on pense bien évidemment à une version moderne de Roméo et Juliette mais impossible de ne pas également songer au Lagon bleu de Zeferelli avec un soupçon de La maladolescenza pour la nudité juvénile, l'ensemble tentant de s'inscrire dans le filon des films profondément anti bourgeois. Deux adolescents issus de classes sociales
totalement opposées tombent éperdument amoureux, fuient leur famille pour vivre tels de nouveaux Adam et Eve un amour impossible sur une plage isolée, leur jardin d'Eden, avant que les évènements ne les dépassent et les séparent lors d'un dramatique dénouement. Les influences sont multiples, les idées sont là mais le film est si aseptisé et surtout tellement improbable qu'il s'effondre très vite au profit d'un simple teensploitation qui mise essentiellement sur son décor maritime et bien sûr la nudité des deux adolescents.
Tout débutait bien pourtant avec la peinture de ces deux familles, la bourgeoisie austère, oppressante qui vit dans un luxe étouffant que veut fuir Alessandra, la misère des banlieues,
sa survie au jour le jour, son rêve d'un jour en sortir par tous les moyens, des conditions de vie que Michele ne supporte plus. Tout est là pour que les deux adolescents s'enfuient ensemble afin de vivre leur rêve et leur amour. C'est à partir de là que le bât blesse puisque Masumura va enchainer les invraisemblances, les incohérences. Il est impossible de croire un seul instant a ce scénario abracadabrant. Imaginer déjà une plage isolée où vivre caché ad eternam sans que jamais personne ne vienne est très difficile surtout aux abords de Rome. D'autant plus difficile que la famille de Michele connait l'endroit. Il est tout aussi impensable d'imaginer nos deux adolescents vivre en totale autarcie sans éveiller les
soupçons ne serait ce que pour se ravitailler. Sans parler des aberrations dont le metteur en scène truffe l'intrigue. A t-on souvent vu un cheval déjà harnaché errer seul sur une ile? Quant à la deuxième partie du film essentiellement centrée sur le faux kidnapping et la rançon elle est trop mal traitée pour être crédible. Masumura semble soudainement changer de ton pour virer du coté de la comédie (les pitreries des deux frères, le passage à la fête foraine... sans mentionner l'enquête des policiers définitivement consternante et si simpliste). Quant au final il est purement délirant. Alors qu'on sait désormais que c'est Alfio et sa mère qui ont organisé cette mascarade pourquoi Michele est-il aussi paniqué au risque de commettre
l'irréparable en prenant Alessandra en otage? Une prise d'otage franchement hilarante tant elle est surréaliste. Pourquoi est-il condamné à la prison puisque son seul délit est d'être parti avec la jeune fille consentante? Les questions s'accumulent et font s'effondrer un scénario déjà affaibli qui se termine sous forme d'un lacrima movie. Alessandra, enceinte, hurle son amour pour Michele, lui même en larmes, sous les barreaux de sa prison et promet de l'attendre pour fonder leur petite famille.
Ce qu'on retiendra surtout et avant tout de Eden no sono, ce pour quoi on prendra un grand plaisir coupable à le visionner, ce qui en fait toute sa force par conséquent son intérêt c'est
son coté exploitation donc voyeur. Au beau milieu de ce coin de paradis, ce nouveau jardin d'Eden (qui finalement ne le sera pas), tel des Adam et Eve des années 80 nos deux adolescents vont s'aimer, perdre leur virginité au creux des flots azur, vivre nus dans ce paradis ensoleillé au rythme des compositions romantiques de Ennio Morricone. Et la nudité est omniprésente dés la quarantième minute du film, en slip dans un premier temps qu'on abandonne vite pour être dans le plus simple appareil, décomplexé, libre, heureux. Aucune complaisance chez Masumura, la nudité est belle, pure. Ces deux adolescents sont tels des anges dont il filme le corps, les ébats avec pudeur. Quasiment aucun plan de nu frontal sinon
furtif encore moins pour Michele, l'objet de tous les désirs étant soigneusement dissimulé par un objet, une plante, un rocher à notre triste regret mais on admirera, savourera les innombrables séquences de nus dorsaux, de fessiers, la façon dont le réalisateur caresse, découvre ces corps juvéniles qui s'aiment, courent (ah ce splendide ralenti sur la plage), nagent, qui servent de support pour une jolie séance de body painting très peace and love.
On se laissera également envouter par la beauté des deux jeunes acteurs. C'est Leonora Fani, l'éternelle adolescente du cinéma de genre italien, la sulfureuse femme-enfant (Nenè, Bestialità, Pensione paura...) qui se glisse dans la peau d'Alessandra, toujours aussi belle
et lumineuse, désinhibée, faisant toujours aussi illusion dans ces rôles d'adolescentes qui ont fait sa réputation. Quant à Michele c'est le jeune Ronni Valente (alors 20 ans) qui l'interprète, précédemment remarqué aux cotés de Max Von Sydow dans la comédie aigre douce Bugie bianche professione figlio. Difficile de résister au charme poupin de ce séduisant jeune homme aux bruns cheveux mi longs, au splendide corps glabre, au fessier charnu qui un temps devint un sex symbol au Japon dont les jeunes nipponnes s'arrachaient les posters. Sa carrière en Italie fut pourtant de courte durée puisque après ces deux films et une apparition dans la série policière Police squad Ronni a purement disparu. Mais il restera
à jamais en tête de liste des plus charmants et désirables lolitos transalpins. Aux cotés de Ronni et Leonora qui forment des Romeo et Juliette parfaits on retrouve trois grands noms du cinéma italien Massimo Serato et Antonella Lualdi (les parents d'Alessandra), Guido Mannari (l'inspecteur) et Angela Goodwin (la mère de Michele, excellente en veuve miséreuse et profiteuse). A noter que le frère cadet de Michele est joué par le propre frère de Ronni, Sergio Valente, tout aussi ravissant avec sa touffe de cheveux frisés.
Trop aseptisé pour réellement marquer, bien trop improbable pour être crédible, trop hésitant quant à la direction qu'il veut prendre Eden no sono rate son principal objectif, celui d'une
peinture cinglante de la lutte des classes, de réaliser un drame anti bourgeois dont la jeunesse serait la principale victime derrière cette romance impossible dans un lieu paradisiaque. Le film de Masumura ne s'élève guère plus qu'une bluette sulfureuse façon roman-photo, un teensploitation là encore impensable aujourd'hui qui mise tout sur la beauté et la nudité de ces deux protagonistes, l'image qu'on gardera de cette aventure ensoleillée tout en dents de scie.
Si le film connut un joli succès au Japon et en Allemagne il ne fut cependant jamais distribué en Italie au grand désespoir de Leonora Fani qui comme elle l'avouait dans une interview en
1986 voyait en ce film sa chance de pouvoir enfin sortir du giron de l'exploitation et entamer enfin une carrière de plus haute gamme. Ce ne fut malheureusement pas le cas. Déçue, désillusionnée, elle mettra un terme définitif à sa carrière après encore quelques petites comédies érotiques insipides et un passage au petit écran.
Aujourd'hui bien oubliée, la seule façon de voir cette romance interdite est une vidéo de qualité moyenne en anglais sous titrée grecque au générique truffé de fautes et une vidéo japonaise d'excellente qualité cette fois en italien sous titrée anglais / japonais. C'est mieux que rien et surtout la beauté juvénile n'a pas de prix. Eden no sono a sa place, bien méritée, sur l'étagère de tout amateur de teensploitation.